« Depuis que le commerce mondial a rebondi après son grand effondrement de 2008–09, qui l’a vu chuter beaucoup plus que le PIB, il progresse nettement moins vite tant en termes absolus que par rapport à la croissance du PIB mondial. Ce ralentissement a été plus marqué dans les pays émergents et les pays en développement où il s’est accentué en 2015. Le présent encadré indique comment il se répartit entre les pays et les types de produits en exposant un certain nombre de faits.

Les échanges internationaux ont progressé plus ou moins deux fois plus vite que le PIB mondial pendant les deux décennies qui ont précédé la crise financière mondiale. Leur croissance en volume s’est toutefois sensiblement modérée ces dernières années tant en termes absolus que par rapport à celle du PIB. Leur progression en pourcentage du PIB mondial s’est, de ce fait, ralentie (graphique 1).

GRAPHIQUE 1 Croissance des échanges et de la production (Variation en pourcentage sur un an)

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Le ralentissement du commerce a été remarquablement généralisé. Une analyse des tendances récentes des échanges de 174 pays fait apparaître que la croissance du commerce a fléchi dans la très grande majorité des pays. Cette constatation demeure vraie même lorsque l’on tient compte de la faible progression du revenu et de la baisse des prix. Comme le montre le graphique 2, la plupart des pays ont moins importé par rapport à leurs revenus pendant la période 2012–15 que pendant les années précédant la crise financière mondiale. Pour 65 % des pays représentant 74 % des importations mondiales, le ratio croissance moyenne du volume des importations/croissance du PIB (un indicateur simple de l’élasticité de la demande d’importations par rapport au revenu) observé pendant la période 2012–15 a été inférieur à celui enregistré pour la période 2003–06.

GRAPHIQUE 2 Élasticité des importations

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Le ralentissement constaté de l’élasticité-revenu des importations a été plus marqué dans les pays émergents et les pays en développement que dans les pays avancés. La plupart des pays émergents et des pays en développement s’agglomèrent sous la ligne à 45° dans le graphique 2 alors que les cas des pays avancés ont été plus variés. Cette observation est corroborée par une comparaison des élasticités-revenus des importations, calculées à l’aide de données agrégées sur le PIB et les échanges couvrant l’ensemble des pays avancés, émergents et en développement. L’élasticité des importations par rapport au PIB est tombée de 2,77 à 2,09 entre les années 2003–06 et 2012–15 pour le groupe des pays avancés alors que l’élasticité-revenu des importations a chuté plus brutalement lors de cette même période, de 1,9 à 0,7, pour les pays émergents et les pays en développement.

La faiblesse des échanges a été particulièrement notable dans les pays émergents et les pays en développement d’Asie, Chine comprise. Le volume des exportations de l’ensemble de la région a légèrement fléchi en 2015, ce qui est étonnant compte tenu de la forte croissance du revenu qu’elle a enregistrée et de ses performances commerciales traditionnellement solides par rapport aux autres régions.

Quels types de biens sont moins échangés ?

Une analyse des différences d’évolution du volume des échanges de divers types de biens permet de comprendre les facteurs qui ont pu contribuer au ralentissement du commerce. Par exemple, une croissance particulièrement faible des importations de biens d’équipement peut indiquer que ce ralentissement est dû à une insuffisance de l’investissement qui s’accompagne d’une modification de la composition de l’absorption interne. De même, la dynamique des importations de biens intermédiaires peut expliquer l’évolution des chaînes de valeur mondiales. Il a toutefois été difficile de procéder à une analyse cohérente du ralentissement du commerce mondial à travers le prisme des flux commerciaux désagrégés d’un grand nombre de pays, faute de données comparables suffisantes sur le volume des échanges et les indices de prix par type de produit. Ce manque de données est particulièrement problématique pour les dernières années, étant donné les fortes variations des prix relatifs provoquées récemment par les baisses de prix des produits de base.

GRAPHIQUE 3 Indice de volume des importations par utilisation finale (Variation en pourcentage sur un an)

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En utilisant des données très désagrégées sur le volume et les valeurs des importations jusqu’à la fin de 2014, Boz et Cerutti (2016) ont construit des indices de volume des importations de biens selon quatre types d’utilisation finale différente : biens de consommation, biens d’équipement, biens intermédiaires primaires et autres biens intermédiaires. Les graphiques 3 et 4 tracent l’évolution des taux de croissance de ces indices pour un certain nombre de pays avancés et émergents.

  • La baisse des importations de biens intermédiaires primaires a été notable ces dernières années dans les pays avancés. La part des importations de biens intermédiaires primaires dans l’ensemble des importations de ce groupe de pays est, en conséquence, tombée de 16 % en 2012 à 13,6 % en 2014. Cela tient en partie à la progression de la production nationale de pétrole aux États-Unis qui s’est traduite par une diminution des importations pétrolières américaines.

  • En Chine, les importations de biens de consommation sont restées assez fortes bien qu’elles n’aient constitué que 5 % environ de l’ensemble des importations du pays en 2014, ce qui cadre avec son processus de rééquilibrage. Avec une part de 76 % dans le total des importations chinoises, les autres biens intermédiaires (y compris les pièces détachées et accessoires) ont dominé les importations. Ce sont surtout les importations de biens intermédiaires non primaires et de biens d’équipement qui ont le plus ralenti, sous l’effet peut-être d’un fléchissement de la production manufacturière et de l’investissement en Chine.

  • L’évolution des importations a moins varié entre les catégories d’utilisation finale dans les pays émergents hors Chine. Toutefois, les importations de biens d’équipement ont diminué en 2014 et ont fait moins bien que celles des autres catégories de biens qui ont continué d’augmenter, certes lentement.


GRAPHIQUE 4 Indice de volume des importations de biens d’équipement (Variation en pourcentage sur un an)

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La faiblesse des importations de biens d’équipement des pays émergents peut être en partie imputable aux pays de ce groupe qui sont exportateurs de produits de base. Cette hypothèse se confirme lorsqu’on isole, dans l’échantillon, les pays selon qu’ils figurent dans le groupe des pays exportateurs de produits de base tel que le définit le chapitre 2 de l’édition d’octobre 2015 des Perspectives de l’économie mondiale. Plus précisément, comme le montre le graphique 4, après avoir longtemps bien progressé avant la crise financière mondiale, les importations de biens d’équipement des pays exportateurs de produits de base ont nettement diminué en 2014, sous l’effet d’un repli de l’investissement dans le secteur de l’énergie et l’industrie minière. Ces importations ont néanmoins constitué une part non négligeable des importations mondiales de biens d’équipement en 2014 (15 % environ). »

Emine Boz, Eugenio Cerutti et Sung Eun Jung, « Analyse du ralentissement du commerce mondial », in FMI, Perspectives de l'économie mondiale : une croissance trop faible depuis trop longtemps, avril 2016, pp. 56-58.