« Dans la plupart des développés, l’activité économique semble anémique comparée aux perspectives de croissance auxquelles leurs citoyens avaient été habitués avant la crise. Le graphique 1 compare l’évolution du PIB réel des Etats-Unis, de la zone euro, du Japon et du Royaume-Uni avec la tendance qu’elle suivait lors de la décennie de 2007. Six ans après les turbulences de l’été 2007, aucune de ces économies ne s’est rapprochée de la trajectoire de croissance tendancielle qui prévalait avant la crise. Les espoirs d’une reprise en forme de V ont été très rapidement douchés. On se demande désormais à quel point la croissance tendancielle de la production sera faible à l’avenir et combien d’économies vont rejoindre le club de la « décennie perdue » ou de la « génération perdue ».

GRAPHIQUE 1 Le PIB réel et sa tendance d’avant-crise (en indices, base 100 année 2005)

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La faiblesse de la croissance suite à la crise financière mondiale a de nombreuses conséquences. Dans l’ensemble du monde industrialisé, la croissance de l’emploi n’a pas été suffisante pour maintenir le chômage à des taux raisonnables. Dans certaines économies, les taux de chômage historiques chez les jeunes adultes dénotent l’émergence d’une véritable génération perdue. De plus, les recettes publiques sont tombées en-deçà des projections de long terme. Alors que le niveau de dette publique était déjà initialement élevé, la plus faible croissance a déstabilisé les dynamiques de la dette dans de nombreux pays. En plus, les bilans des agents privés ont été affaiblis et les banques restent encore vulnérables aux dépréciations d’actifs (…).

GRAPHIQUE 2 Taux de chômage (en %)

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Il n’y a pas à se demander si le plein emploi est un objectif de politique publique qui soit désirable. En raison de la crise qu’ont subie les économies développées et de la reprise décevante qu’ils connaissent actuellement, les taux de chômage sont élevés dans plusieurs d’entre eux (…). L’évolution du taux de chômage aux Etats-Unis, en zone euro, au Japon et au Royaume-Uni est représentée sur le graphique 2. Aux Etats-Unis, le taux de chômage a brièvement atteint les deux chiffres et, bien qu’il tende à diminuer, la Réserve fédérale estime qu’il reste considérablement au-dessus de ce qu’elle considère comme le niveau compatible avec la stabilité des prix. Au Japon, le taux de chômage a diminué depuis la crise, mais il demeure toujours deux fois plus élevé que le niveau que l’on considérait comme normal il n’y a pas si longtemps. Dans le Royaume-Uni, il y a eu peu d’amélioration depuis les pics atteints lors de la crise. Enfin, dans la zone euro, les taux de chômage ne sont pas seulement sans précédents, mais ils continuent de croître dans plusieurs Etats-membres et atteignent dans certains d’entre eux des niveaux qui n’avaient pas été vus depuis la grande Dépression. (…) L’Espagne et la Grèce (deux des Etats-membres qui ont été le plus durement touchés par la crise de la zone euro) présentent des taux de chômage supérieurs à 25 %, avec un taux de chômage des jeunes excédant 50 %. Les taux de chômage élevés et, dans certains cas, croissants traduisent clairement un échec majeur de politique économique. (…)

GRAPHIQUE 3 Dette publique brute (en % du PIB)

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GRAPHIQUE 4 Dette publique nette (en % du PIB)

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(…) Les graphiques 3 et 4 montrent l’évolution respective des ratios dettes brute et nette sur PIB pour les Etats-Unis, la zone euro, le Japon et le Royaume-Uni. Ces graphiques ne prennent pas en compte les passifs implicites associés à l’accroissement futur des dépenses liées au vieillissement (retraite et santé). L’énorme défi auquel fait face le Japon est clairement évident et nous permet de relativiser les problèmes de soutenabilité de la dette publique dans les trois autres économies. Cela dit, à la suite de la crise, ces dernières font tout de même face à de sérieux défis budgétaires. (…)

GRAPHIQUE 5 Dette publique brute en zone euro (en % du PIB)

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La zone euro présente des défis supplémentaires qui lui sont spécifiques. La crise que la zone euro a connue est quelque fois qualifiée de crise de dette souveraine. Le graphique 5 montre la trajectoire de la dette brute sur PIB pour les six Etats-membres les plus importants de la zone euro, ces derniers représentant ensemble environ 90 % de l’économie de la zone euro. Le graphique montre que l’on s’attend à ce que les perspectives économiques restent détériorées, sauf en Allemagne. Mais il montre aussi que les trajectoires de la dette publique en Espagne et en Italie (deux Etats-membres qui ont fait face à de fortes pressions sur les marchés obligataires au cours des trois dernières années) ne sont pas aussi dramatiques que l’évolution de la dette au Japon (où le gouvernement continue pourtant à refinancer sa dette à pratiquement aucun coût) ou même que celle de la Belgique quelques années plus tôt, lorsque la zone euro n’existait pas encore. Durant la crise, l’évolution de la dette publique n’a pas été plus dramatique en Espagne qu’au Royaume-Uni, qui fait aussi partie de l’Union européenne mais pas de la zone euro, ce qui suggère qu’il y a un problème plus profond dans le fonctionnement de la zone euro. »

Athanasios Orphanides, « Is monetary policy overburdened? », Réserve fédérale de Boston, Public policy discussion paper, n° 13-8, octobre 2013. Traduit par M.A.