« La relation entre la production agrégée et la répartition du revenu est un sujet important en macroéconomie. Le rôle que les inégalités de revenu jouent dans la croissance économique a reçu récemment davantage d’attention de la part des médias et des décideurs politiques. Par exemple, la Banque mondiale a fait de l’éradication de la pauvreté extrême et de la croissance du revenu des 40 % des ménages les plus pauvres dans les pays en développement ses principaux objectifs pour le développement. Le FMI s’est lui-même davantage penché sur le rôle de la répartition du revenu comme cause et conséquence de la croissance économique, comme par exemple avec l’étude de Berg, Ostry et Tsangarides (2014).

Notre étude estime l’impact qu’exercent les inégalités de revenu au sein de chaque pays sur la production agrégée. Nous avons entamé notre analyse empirique en pensant que l’impact des variations des inégalités de revenu puisse différer selon que le pays soit riche ou pauvre. Cette idée trouve ses fondements dans la théorie économique. Dans une contribution séminale, Galor et Zeira (1993) ont proposé un modèle avec des imperfections du marché du crédit est des indivisibilités dans l’investissement pour montrer que les inégalités affectent le PIB par tête aussi bien à court terme qu’à long terme. Le modèle de Galor et Zeira prédit qu’une hausse des inégalités tend à freiner la croissance du PIB par tête dans les pays riches, mais à la stimuler dans les pays pauvres. (…)

Notre analyse empirique montre que, pour le pays moyen de l’échantillon au cours de la période 1970-2010, des hausses des inégalités de revenu tendent à réduire le PIB par tête. Nous constatons qu’une hausse du coefficient de Gini d’un % réduit en moyenne le PIB par tête d’environ 1,1 % au cours des cinq années suivantes ; l’effet (cumulatif) à long terme est plus large et s’élève à environ -4,5 %. (…) En moyenne, les hausses des inégalités de revenu se traduisent par une plus faible croissance transitionnelle du PIB par tête. (…)

La réaction de l’investissement et du stock de capital humain fournit des preuves additionnelles que nos résultats empiriques sont conformes avec le modèle de Galor et Zeira (1993). La hausse des inégalités de revenu accroît significativement le ratio investissement sur PIB dans les pays pauvres, mais à sa baisse dans les pays à revenu intermédiaire et élevé. De plus, la hausse des inégalités de revenu accroît le stock de capital humain (mesuré par la durée moyenne de scolarité et la part de la population diplômée du secondaire et du tertiaire) dans les pays pauvres ; d’un autre côté, dans les pays à revenu intermédiaire et élevé, la hausse des inégalités du revenu réduit le capital humain. »

Markus Brueckner et Daniel Lederman, « Effects of income inequality on aggregate output », Banque mondiale, policy research working paper, n° 7317, juin. Traduit par Martin Anota



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