« (…) L’arrivée des signaux suggérant l’imminence d’une récession mondiale se fait plus pressante. (…) Le rythme de croissance ralentit dans pratiquement toutes les économies majeures du monde. Et cela est de mauvais augure pour le plus long terme, en particulier au vu de la marge de manœuvre limitée en termes de politiques conjoncturelles pour stimuler la croissance.

L’actuel ralentissement résulte essentiellement du pessimisme des entreprises et des ménages, d’incertitudes géopolitiques et de tensions commerciales. Ces facteurs ont freiné l’investissement des entreprises et peuvent aussi déprimer les perspectives de croissance future. Si le ralentissement persiste, les niveaux actuellement élevés de dette publique et la faiblesse des taux d’intérêt vont réduire la capacité des responsables de la politique économique des pays développés à fournir une relance budgétaire et monétaire suffisante. Les banques centrales peuvent certes adopter des mesures de politique monétaire moins conventionnelles, mais leurs gains sont incertains et leurs risques significatifs.

Aux Etats-Unis, l’expansion économique s'est essoufflé comme les effets de la relance budgétaire se dissipent et l’emploi et les ventes au détail s’affaiblissent. Les indicateurs relatifs à la confiance des entreprises et des ménages, d’une part, et une courbe des taux (yield curve) qui reste relativement plate malgré la possibilité de plus larges déficits budgétaires, d’autre part, suggèrent que l’avenir réserve de nouveaux problèmes. Avec des pressions salariales et inflationnistes toujours contenues, la Réserve fédérale a stoppé son cycle de relèvement des taux directeurs. Il est désormais question d’une possible baisse des taux et d’un arrêt de la contraction du bilan de la Fed.

La croissance se détériore aussi en Europe. La principale locomotive, l’Allemagne, perd manifestement de son énergie et des faiblesses émergent aussi bien dans le cœur qu’en périphérie de la zone euro. La confiance des entreprises et des ménages semble aussi atone, ce qui devrait continuer de freiner la croissance. Parallèlement, les incertitudes relatives au Brexit pénalisent le Royaume-Uni, qui a de faibles marchés boursiers et connait une stagnation du crédit. Mais malgré une contraction de l’investissement des entreprises, l’économie britannique s’est révélée être jusqu’à présent plus robuste qu’on ne l’attendait. Au Japon, les conditions financières s’affaiblissent, les risques déflationnistes persistent et les tensions commerciales mondiales menacent de faire dérailler les exportations et la croissance.

La croissance du PIB chinois semble se maintenir à un rythme soutenu, mais d’autres indicateurs tels que les ventes de détail, l’investissement en capital fixe et la production industrielle dessinent une image plus sombre. Les exportations et les importations sont plus faibles qu’il y a un an, ce qui reflète une demande mondiale modérée et une croissance domestique en perte de vitesse. Les efforts du gouvernement en vue d’atténuer cet affaiblissement de la croissance ont permis quelques améliorations selon certains indicateurs comme l’indice des directeurs des achats. Et avec un crédit bancaire qui reprend, il y a des signes suggérant que l’investissement commence à se relever. Mais la mauvaise allocation persistante du crédit accroît les risques pesant sur le système financier et freine la croissance de la productivité et de la production à long terme, en particulier dans le contexte de vieillissement de la population chinoise.

L’Inde croît toujours à un rythme robuste, aidée par une modeste relance budgétaire en amont des élections nationales (…), aussi bien que par les baisses de taux d’intérêt de la banque centrale indienne (…). De plus, les perspectives de taux d’intérêt américaines durablement faibles et de faibles prix du pétrole ont atténué les pressions de court terme sur l’inflation, les finances publiques et le déficit du compte courant. Mais un investissement privé atone et une forte contraction des volumes échangés laissent présager des problèmes à l’avenir. (...)

Les bienfaits que des pays émergents comme l’Indonésie peuvent retirer du ralentissement du resserrement de la politique monétaire de la Fed ont été annulés par le ralentissement de la croissance chinoise, qui a pénalisé les exportations. Le Brésil présente toutefois des signes de résiliences dans ses volumes échangés et ses marchés du travail. Le Brésil, le Mexique et la Russie peuvent croître à un rythme de 2 % en 2019, mais ces pays sont très vulnérables aux chocs susceptibles de toucher la demande mondiale et les prix des matières premières. La Turquie est quant à elle tombée dans une récession, avec un plongeon de la production industrielle et une détérioration de la confiance des consommateurs.

Un ralentissement de la croissance du commerce international peut s’ajouter aux maux dont souffre dans l’immédiat l’économie mondiale, empêchant la restauration d’une croissance plus ample. L’incertitude provoquée par les tensions commerciales peut aussi avoir un impact négatif à long terme, en sapant la confiance des entreprises et en déprimant l’investissement privé. Cela, à son tour, va nuire à la croissance de la productivité, qui a été faible durant la reprise consécutive à la crise financière mondiale de 2008, alors même qu'elle deviendra encore plus cruciale pour soutenir la croissance du PIB mondial à mesure que les populations vieilliront. (…) »

Eswar Prasad, « What’s driving the global slowdown? », 8 avril 2019. Traduit par Martin Anota



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