« Le FMI a fait la une et bouleversé les décideurs politiques au début du mois lorsqu’il publia une analyse qui conclut que, à partir de 2009, le multiplicateur de la politique budgétaire a en fait été considérablement plus large qu’on ne le supposait précédemment. Les nouvelles estimations du Fond, qui vont de 0,9 à 1,7, suggèrent que les politiques européennes d’austérité sont en fait directement responsables du fait que les récessions sur le continent aient été bien plus sévères qu’on ne s'y attendait initialement.

Nous avons observé l’expérience de 27 pays dans les années trente, une période où les taux d’intérêt furent proches de leur niveau inférieur zéro et où les conditions monétaires s’apparentaient à celles actuelles (…). Nos résultats s’écartent de la littérature historique antérieure. (…) Il est fréquemment dit (…) que la politique budgétaire ne fonctionna pas dans les années trente car elle ne fut pas tentée. En fait, elle le fût, au Japon, en Italie et en Allemagne, pour des motifs de réarmement et militaires, et même aux Etats-Unis (…).

Nous analysons la taille des multiplicateurs budgétaires de diverses manières. Premièrement, nous estimons des régressions vectorielles de panel, (…). Nous trouvons que les multiplicateurs associés aux dépenses de défense au cours des années trente s’élèvent à 2,5 lors de l’impact et à 1,2 lors des années suivantes. Deuxièmement, nous estimons la réponse du PIB aux dépenses publiques en utilisant un panel de données annuelles et les dépenses de défense comme un instrument de la politique budgétaire. (…) En utilisant cette approche, notre estimation du multiplicateur est de 1,6 (…).

Ces estimations, basées sur les données des années trente, sont à l’extrémité supérieure de celles trouvées par la littérature antérieure, ce qui cohérent avec l’idée que le multiplicateur va être plus élevé quand les taux d’intérêt ne répondent pas à l’impulsion budgétaire, soit parce qu’ils sont à leur limite inférieure zéro, soit pour toute autre raison. (…) Nous suspectons que les décideurs publics européens, qui se montrent choqués et outrés par la découverte du FMI, ont été (…) conscientes de ce qui se passe “ici”, bien avant que le FMI n’attitra l’attention du monde. La question maintenant est s’(…) ils sont désormais prêts à traduire cette prise de conscience en action. »

Barry Eichengreen & Kevin H O’Rourke, « Gauging the multiplier: Lessons from history », in VoxEU.org, 23 octobre 2012.