« Le concept de production potentielle fait référence au niveau de production atteignable lorsque les ressources disponibles, et notamment le travail et le capital, sont pleinement utilisées de manière soutenable à long terme. L’écart entre production effective et potentielle (output gap) correspond à la sur- ou sous-utilisation des capacités dans l’économie. La production potentielle, qui ne peut être mesurée directement, est généralement estimée au moyen de méthodes économétriques.

L’inflation est un élément clé dans les techniques classiques : toutes choses égales par ailleurs, on considère que le niveau de la production est compatible avec le plein-emploi si l’inflation n’a tendance ni à augmenter, ni à baisser. L’inflation est, de fait, un bon indicateur de viabilité de la croissance économique. D’ailleurs, même les estimations de la production potentielle fondées sur les fonctions de production, comme celles établies par l’OCDE et le FMI, font appel à des données d’inflation pour évaluer les déséquilibres du marché de l’emploi.

Toutefois, la relation entre l’écart de production et l’inflation (la courbe de Phillips) s’étant affaiblie ces dernières décennies (…), l’inflation a perdu en pertinence comme indicateur de la production potentielle. Les estimations de l’écart de production par la courbe de Phillips pourraient bien, par voie de conséquence, se révéler moins fiables. Plus précisément, lorsqu’on exploite pleinement les données, le contenu informatif de l’inflation est peut-être, finalement, assez faible. En outre, les méthodes classiques d’estimation de la production potentielle se caractérisent par un fort degré d’incertitude quand elles sont employées en temps réel ; il faut d’ailleurs souvent les réviser substantiellement a posteriori, lorsqu’on dispose de données supplémentaires. Ainsi, au milieu des années 2000, ni la méthode fondée sur la courbe de Phillips, ni celle de l’OCDE – qui se base entièrement sur une fonction de production – n’ont permis de voir que la production aux États-Unis avait dépassé son potentiel ; elles n’ont pu en rendre compte que plus tard, avec l’intégration de nouvelles données dans les modèles (cf. graphique, deux premiers cadres).

GRAPHIQUE Biais des estimations en temps réel de la production potentielle : conséquences pour les indicateurs des politiques publiques

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Ce que l’on a appris de la période précédant la crise donne à penser qu’il serait utile de mesurer les déséquilibres financiers pour pouvoir déterminer le niveau de la production potentielle. Après tout, même si l’inflation était, dans l’ensemble, très modérée, le crédit et les prix de l’immobilier ont augmenté à un rythme exceptionnellement élevé, préparant le terrain de la crise, puis de la récession qui lui a fait suite. À cet égard, les travaux de recherche de la BRI montrent que l’introduction, dans les modèles, d’informations sur le cycle financier est à même de produire des indications plus fiables sur une éventuelle surchauffe de l’économie. Ainsi, une estimation « financièrement neutre » de l’écart de production aurait montré en temps réel que, vers le milieu des années 2000, le niveau de production aux États-Unis dépassait son potentiel, et elle aurait fait l’objet de révisions plus modérées, a posteriori, lorsque de nouvelles données ont été disponibles (cf''. graphique, troisième cadre).

Il serait utile que les responsables de la politique monétaire disposent d’estimations fiables de l’écart de production en temps réel, parce que l’ampleur du volant de capacités inutilisées est un paramètre essentiel dans la sélection des mesures à appliquer. Conformément à son diagnostic (une production supérieure à son potentiel), l’estimation financièrement neutre débouche aussi sur des taux directeurs plus élevés selon la règle de Taylor pour la période précédant la Grande Crise financière (cf''. graphique, dernier cadre). »

Banque des Règlements Internationaux, « Transmission de la politique monétaire à la production, au crédit et au prix des actifs », 85ème rapport annuel, 28 juin 2015, pp. 98-99.



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