TOPSHOTS-GREECE-ECONOMY

« Dans un récent article publié sur vox, Lorenzo Bini Smaghi s’interroge sur la thèse selon laquelle l'austérité est la principale raison pour laquelle les taux de croissance des pays européens ont été si faibles depuis 2008. (…) Il ne rejette pas le fait que l'austérité ait fait quelques dégâts, mais il suggère que les questions structurelles sont également responsables de ce que nous avons pu voir dans les pays d'Europe du Sud.

Son principal argument peut se résumer en une série de graphiques où la croissance économique au cours de la période 2008-2012 semble négativement corrélée avec les mesures de la compétitivité. Par exemple, en comparant la croissance pendant la crise avec l'indice de compétitivité produit par le Forum économique mondial, on obtient la corrélation suivante :

GRAPHIQUE 1 Croissance du PIB et compétitivité

Fatas__croissance_et_competitivite__Europe__Martin_Anota__lycee_Rene_Descartes__Champs_sur_Marne_.png

Donc, il en conclut que les mauvaises performances réalisées par l’Europe du Sud (et l’Irlande) en termes de croissance au cours de la crise sont liées à leurs problèmes structurels.

Je ne suis pas en désaccord avec l’idée selon laquelle certains de ces pays ont des faiblesses structurelles qui peuvent contraindre leur taux de croissance. Mais je trouve que le tableau ci-dessus n’éclaire pas vraiment la façon par laquelle les réformes de croissance pourraient se révéler utiles ou l’ampleur dans laquelle le manque de réformes explique la profondeur de la récession dans ces pays. Ce qui m’embête, c’est le fait d’utiliser seulement 4 années pour évaluer les effets de la compétitivité. Si les faiblesses structurelles étaient si importantes que ça, elles devraient affecter la croissance à long terme (pas seulement en période de crise). Si l'on compare l'évolution de la croissance du PIB depuis 1994 entre certains de ces pays, nous n’obtenons pas la même image :

GRAPHIQUE 2 Croissance du PIB

Fatas__croissance_Allemagne__Autriche__Espagne__Grece__Martin_Anota__lycee_Rene_Descartes__Champs_sur_Marne_.png

Pour chaque année de la période 1994-2009 (sans exception), la croissance en Espagne ou en Grèce était plus élevée qu'en Allemagne (et, si l’on exclut l’année 1998, elle était également supérieure à celle de l'Autriche). C'est seulement au cours de la période 2010-2012 que l'Autriche et l'Allemagne affichent des taux de croissance plus élevés que l'Espagne et la Grèce. Et c'est au cours de ces années que l'austérité était la plus forte. Donc, ce que nous avons, ce sont des pays où l'amplitude du cycle économique est beaucoup plus grande. Ils ont fait mieux pendant les bonnes années et maintenant ils font pire, ce qui n’est pas surprenant (par exemple, la volatilité des marchés émergents tend à être plus grande que celle des économies avancées). Et compte tenu de ce qui s'est passé au cours de ces années en termes d'austérité et le fait que les marchés financiers restent dysfonctionnels, c’est encore moins surprenant. Sans doute que des faiblesses structurelles existent dans ces pays, mais leurs liens avec la croissance sont complexes et ne peut pas simplement être évalués en regardant les trois dernières années. »

Antonio Fatás, « Europe: lack of reforms or austerity? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 17 novembre. Traduit par M.A.


aller plus loin… lire « Les réformes structurelles peuvent-elles sauver l’Europe ? » et « L'austérité a échoué en zone euro »