ECB

« Dans le Financial Times, Matteo Renzi, le premier ministre italien, défend le rythme auquel les réformes de son pays sont mises en œuvre. Ce faisant, il répond aux critiques soulevées la semaine dernière par Mario Draghi (le président de la Banque centrale européenne) ; ce dernier a affirmé que la faiblesse de la croissance italienne s’expliquait par la lenteur des réformes structurelles.

Dans l’entretien qu’il accorde au Financial Times, Renzi déclare : "je suis d’accord avec Draghi lorsqu’il parle de la nécessité pour l’Italie de mettre en œuvre des réformes, mais non lorsqu’il parle de la manière par laquelle nous les mettons en œuvre". Donc il n’y a pas de désaccord entre Draghi et Renzi sur le besoin de réformes structurelles en Italie. Le fait que les améliorations dans la réglementation, les marchés du travail, la concurrence puissent accroître les taux de croissance en Europe n’est pas discuté. Le vrai débat concerne le bon timing et le rythme de ces réformes. Ici Renzi est en désaccord avec Draghi. "C’est moi décide, et non la Troïka, ni la BCE, ni la Commission européenne", a-t-il dit. "Je vais faire les réformes moi-même parce que l’Italie n’a pas besoin de quelqu’un d’autre pour lui expliquer comment les faire."

Mais au-delà de la question de savoir qui décide quelles réformes sont appropriées et à quel rythme elles doivent être mises en œuvre, je constate qu’il y a un problème plus fondamental dans le dialogue entre les banques centrales et les gouvernements sur la nécessité des réformes. Pourquoi les banquiers centraux se sentent-ils dans l’obligation de rappeler aux gouvernements le besoin de réformer ? La seule raison que j’ai en tête est qu’ils sentent trop de pression pour accroître les taux de croissance et qu’ils veulent indiquer au public que la faible performance économique n’est pas vraiment de leur faute, mais celle des gouvernements, et plus précisément de leur incapacité à réformer. Le raisonnement est toutefois inutilement confus et (…) semble une justification pour l’inaction.

Clairement, durant toute période de faible croissance, les économistes débattent sur le rôle que jouent respectivement les facteurs conjoncturels et les facteurs structurels pour expliquer la faiblesse de l’activité. Ce que j’attends d’une banque centrale est qu’elle indique quel est selon elle l’écart que l’économie accuse vis-à-vis de la production potentielle, à quel point la demande est insuffisante et comment elle pourrait utiliser ses instruments pour combler cet écart. Dans la conférence de presse que la BCE a organisé jeudi, Draghi a fait savoir que la faiblesse de la croissance en Italie (et en Europe) est due à des facteurs conjoncturels, c’est-à-dire qu’elle s’explique du côté de la demande. Mais ensuite il a immédiatement parlé de la nécessité de mettre en œuvre des réformes structurelles. Et lorsqu’il a déterminé le rôle respectif des facteurs structurels et conjoncturels dans la faiblesse de la croissance italienne, il déclare que « c’est principalement le manque de réforme structurelles » et non l’insuffisance de la demande anticipée qui explique la faiblesse de l’investissement. Cela me rassurerait d’entendre Draghi donner une estimation plus précise et chiffrée de l’insuffisance de la demande dans l’économie (ou des déviations de l’inflation par rapport à sa cible) et indiquer ce que la BCE a prévu de faire pour accroître la demande au lieu d’essayer de deviner les effets potentiels des réformes structurelles.

Le contraste entre la BCE et la Fed est, comme d’habitude, très intéressant. Les déclarations faites par le comité de politique monétaire aux Etats-Unis se focalisent l’impact de l’insuffisance de la demande sur le marché du travail et les possibles actions que la Fed pourrait entreprendre pour résoudre ce problème. Il peut y avoir occasionnellement un commentaire (justifié) sur le frein que constitue la politique budgétaire sur l’activité économique. Mais la Fed ne fait aucun commentaire sur les possibles politiques économiques que le gouvernement américain pourrait mettre en œuvre pour améliorer la croissance à long terme (…). »

Antonio Fatás, « ECB needs to talk about slack and not structural reforms », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 10 août 2014. Traduit par Martin Anota