OFRBS-UNION-FRANCE-DEFICIT-20130503

« France est soumise à l'objectif de 3 % de déficit budgétaire fixé par le Pacte budgétaire, comme tout le monde dans la zone euro. Le Commissaire européen Olli Rehn est le chef exécutif de ces règles. En mai, la Commission a accordé à la France, avec quelques autres pays, 2 ans de grâce avant d’avoir à respecter cet objectif. Les Pays-Bas n'ont obtenu qu'une seule année, or comme je l’ai déjà dit ici, ce n’est pas sans conséquences.

Le graphique ci-dessous présente les chiffres et prévisions de l'OCDE pour les diverses mesures budgétaires réalisées en France. L'équilibre financier se rapporte à l'objectif de 3 %. En gros, le solde sous-jacent l’ajuste de façon à prendre en compte le cycle conjoncturel. Comme vous pouvez le voir, la principale raison pour laquelle la France ne répond pas à l'objectif de 3 % est que sa production est déprimée. L'OCDE estime que l'écart de production (output gap) en 2013 représentera près de 4 % du PIB, avant d’atteindre 4,5 % en 2014. Le solde primaire sous-jacent est le meilleur indicateur de ce que le gouvernement est en train de faire : la politique budgétaire a été resserrée après avoir connu une forte expansion suite la récession de 2008 et 2009.

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Jusqu'à présent, tout cela est typique de la zone euro et d’ailleurs. Cependant, ce qui rend le cas français relativement inhabituel, c'est la dynamique de ce resserrement. Comme le FMI l'a clairement démontré dans l'analyse dont j'ai discuté ici, la France a réalisé cette contraction budgétaire en augmentant les impôts plutôt qu’en réduisant les dépenses publiques. La meilleure chose à faire tout d’abord, bien sûr, est de retarder le resserrement budgétaire jusqu'à ce que l'écart de production se soit résorbé. Les règles budgétaires de la zone euro ne permettent pas de faire cela et, dans le contexte actuel, elles encouragent plutôt à mettre en œuvre une politique budgétaire procyclique. Je n'ai jamais rencontré un macro-économiste qui ait préconisé une politique budgétaire procyclique, mais ceux qui sont derrière le pacte budgétaire s’y connaissent peut-être mieux.

Comme je l'ai toujours affirmé, si vous devez respecter le pacte budgétaire et consolider les finances publiques lors d’une récession, alors la meilleure manière de réduire les dommages subis par l’économie est de faire davantage reposer le plan d’austérité sur les hausses d’impôts que sur les réductions de dépenses publiques. Vous pourriez, par exemple, essayer de respecter à court terme les règles du Pacte budgétaire grâce à des hausses d'impôts temporaires, puis de procéder à des réductions de dépenses ou des augmentations d'impôts permanentes une fois que l'économie a renoué avec la croissance. A première vue, cela semble être ce que le gouvernement français essaie de faire (…).

Mon argumentation s’est toujours appuyée sur une théorie macroéconomique simple, mais comme Ronald Janssen le souligne, elle est aussi entièrement corroborée par les travaux empiriques que le FMI a récemment réalisés. (…) Le Commissaire européen Olli Rehn prend le point de vue complètement opposé. Il a notamment affirmé que les nouveaux impôts "détruiraient la croissance et handicaperaient la création d'emplois", avant d’ajouter que "la discipline budgétaire doit provenir d'une réduction des dépenses publiques et non de nouveaux impôts".

Maintenant, je ne sais pas s’il s'agit d’un simple conseil ou d’une injonction : au sein de la zone euro, il est de plus en plus difficile de le dire. On pourrait penser que la préoccupation de M. Rehn porte avant tout sur la taille de l'Etat français à long terme et que sa conviction que l'Etat français est trop large provient simplement de ses inquiétudes quant aux implications pour la performance macroéconomique. Mais ce qui m'a frappé, c'est simplement ceci : lors des élections d’avril 2012, les Français ont élu un gouvernement de gauche qui avait clairement un programme d'assainissement des finances publiques reposant en partie sur des augmentations d'impôts. Même si le Commissaire pense que c'est une chose stupide à faire, c'est leur choix.

C'est une chose d'avoir un ensemble de règles fiscales qui mettent l'accent sur les déficits budgétaires globaux : que ces règles soient ou non mal conçues, le gouvernement français les a acceptées. Je pense qu’aucun gouvernement de la zone euro n’a signé pour se voir dicter par la Commission quelle devrait être la taille de son Etat. (…) Avec son insistance pour que les différents pays de la zone euro engagent certaines "réformes", la Commission semble faire de son mieux pour créer une union budgétaire de facto. Le seul problème, bien sûr, c’est que les Français n’ont pas élu Olli Rehn. »

Simon Wren-Lewis, « France and the Commission », in Mainly Macro (blog), 3 septembre 2013. Traduit par M.A.