« Et voilà un nouveau cycle de négociations entre la Grèce et ses partenaires européens pour chercher une solution de dernière minute avant que le gouvernement grec soit à court de liquidités. On ne sait absolument pas de quel côté aboutiront les négociations. La Grèce ne risque pas d’avoir une large victoire, mais elle peut réussir à obtenir suffisamment de temps s’il y a un accord autour d’un ensemble raisonnable de réformes qui seraient mises en œuvre au cours des prochains mois. Les réformes peuvent être présentées aux Grecs de manière très différente qu’elles sont présentées à Bruxelles.

Ce que la Grèce cherche vraiment dans ces négociations est simple : une restructuration et une réduction de sa dette actuelle qui leur permettrait de survivre au cours des prochaines années avec un (petit) excédent primaire. Ceci signifierait qu’elle ne ferait plus face à une quelconque pression et qu’elle pourrait mettre en œuvre toutes les politiques qu’elle désire sans s’inquiéter de l’obtention de nouveaux prêts aussi longtemps qu’elle génère un excédent primaire, ce qui peut être faisable étant donné l’état actuel du budget. En contrepartie, il va être facile de promettre des réformes (…) (réduire les barrières bureaucratiques, élargir l’assiette fiscale, améliorer l’efficacité gouvernementale…). Bien sûr, quand il s’agira de mettre effectivement en œuvre ces réformes, le soutien peut laisser place à une forte opposition. La Grèce ne veut pas non plus quitter l’euro. Le soutien parmi les électeurs grecs est très élevé et le gouvernement comprend l’incertitude et les risques auxquels la Grèce ferait face si elle abandonnait l’euro.

Ce que les partenaires européens veulent est beaucoup moins clair. Ils aimeraient être remboursés sur la totalité de la dette grecque qu’ils détiennent, mais ce n’est pas susceptible d’arriver. Certains aimeraient voir la Grèce en-dehors de la zone euro, pour qu’ils n’aient pas à traiter avec cela à nouveau. Qu’importe l’accord qui sera obtenu, il est probable que ce ne soit pas le dernier. Le manque de confiance a atteint des niveaux tels qu’il est désormais évident pour certains que le grexit constitue la meilleure solution à long terme. Mais ils sont effrayés des conséquences, que ce soit à court terme ou à long terme, notamment les coûts en termes de crédibilité de l’appartenance à la zone euro qui résulteraient du départ de la Grèce. Ce que personne ne veut est un accord qui n’offrirait pas une solution permanente au problème. Mais est-ce possible ? Vous voulez que la Grèce s’engage de façon crédible à mettre en œuvre des réformes d’une manière qui puisse garantir un excédent primaire suffisamment large et qui puisse ainsi réduire le risque qu’une crise éclate à l’avenir. Mais l’engagement crédible sur les réformes n’est pas faisable. Les réformes prennent du temps pour être conçues et être mises en œuvre et il y a tellement d’incertitude à propos de la croissance et des taux d’intérêt que l’on ne peut pas exclure la possibilité d’une future crise.

L’intersection entre ce que le gouvernement grec veut et ce que les partenaires européens veulent est pour l’heure un ensemble vide (si l’on écarte toutes les solutions infaisables). Et c’est pourquoi un risque d’échec dans les négociations est réel. La seule chose qui pourrait empêcher l’échec serait que l’Allemagne (et par d’autres) soit incitée à trouver compromis de crainte qu’un défaut souverain de la Grèce et sa sortie de la zone euro génèrent une crise aux conséquences inconnues. Aucun doute que cette peur ait décliné au cours des dernières années, dans la mesure où les marchés continuent d’exiger de faibles taux d’intérêt sur les dettes publiques espagnole et italienne alors même que les négociations se poursuivent. Mais peut-être que les marchés sont confiants parce qu’ils estiment qu’un compromis sera trouvé à la dernière minute (une bonne prédiction étant donné ce que nous avons vu par le passé) ou peut-être parce qu’ils croient que la BCE pourra protéger les autres pays périphériques de la contagion avec peut-être une nouvelle déclaration de Draghi que la BCE fera "tout ce qui sera nécessaire" (whatever it takes).

Mais le pouvoir de la BCE à contenir une sortie potentielle de la zone euro n’est pas infini. Il va dépendre de la manière par laquelle la Grèce abandonne l’euro. Peut-être que la BCE peut contenir une partie du risque économique, mais qu’en est-il du risque politique ? »

Antonio Fatás, « The Greek dra(ch)ma is back? », in Antonio Fatás on the Global Economy (blog), 3 mai 2015. Traduit par Martin Anota