« Huit réflexions à propos de ce qui pourrait survenir pour l’économie américaine au cours des six prochains mois.

1. L’inflation va baisser, probablement plus que ce que beaucoup ne s’y attendent. Cela tient au brutal retournement du prix de certains produits de base, à la faiblesse de l’économie chinoise, aux améliorations des chaînes de valeur et au dollar fort. Il y aura des revendications de victoire (non par la Fed), mais elles s’avèreront fausses.

2. L’inflation ne va pas baisser au point d’atteindre le niveau de 2 %, celui que cible la Fed. C’est parce que l’interaction inertielle prix-salaires est à présent clairement à l’œuvre et qu’elle ne va pas disparaître de sitôt. Donc, la Fed va avoir à resserrer davantage sa politique monétaire.

3. L’objectif du resserrement monétaire est de réduire l’activité économique et, par ce biais, de pousser à la baisse les hausses de salaires et de prix. Donc, la Fed va essayer d’atteindre un ralentissement. C’est clairement à l’œuvre, même si les chiffres du PIB sous-estiment sûrement l’activité au cours des deux premiers trimestres de l’année 2022.

4. Alors que la focale a été placée sur la politique monétaire, il y a une substantielle consolidation budgétaire à l’œuvre, avec une baisse majeure du déficit public. L’effet de cette consolidation est atténué par le fait que les ménages ont accumulé de l’épargne auparavant et qu’ils peuvent à présent la dépenser. Mais la baisse du déficit fédéral va jouer un rôle. Plus ses effets adverses seront forts, moins la Fed aura à relever ses taux d’intérêt.

5. La triste vérité est qu’il n’y a pas de ralentissement sans hausse du chômage. L’espoir de réduire le nombre de postes d’emplois vacants sans augmenter le taux de chômage (chose que certains responsables de la Fed ont suggéré) est vain. Le nombre de postes vacants va diminuer et le chômage va augmenter.

6. C’est une autre question de savoir si ce ralentissement va se traduire ou non par une récession, c’est-à-dire par une croissance (vraiment) négative. Le ralentissement de l’inflation peut donner une marge de manœuvre à la Fed pour aller moins vite et essayer d’atteindre une croissance certes plus faible, mais toujours positive. Comme le président de la Fed Jerome Powell l’a déclaré, il est difficile de faire juste bien.

7. Le paysage économique à l’instant des élections de mi-mandat en novembre 2022 pourrait ne pas être trop mauvais. Une moindre inflation, une croissance faible mais positive, toujours un faible chômage. Si c’est le cas, cela va aider les démocrates. Mais la dure tâche de réduire l’inflation ou du moins de la rapprocher de la cible demeurera.

8. A un moment ou à un autre l’année prochaine, l’inflation reviendra à 3 %, il y aura une intense discussion quant à savoir s’il est utile de freiner davantage l’activité pour atteindre les 2 %. La Fed peut décider de déclarer sa mission accomplie et de rester à 3 %, peut-être pour toujours, du moins pour un moment. »

Olivier Blanchard, « Inflation and unemployment. Where is the US economy heading over the next six months? », PIIE, Realtime Economic Issues Watch (blog), 8 août 2022. Traduit par Martin Anota



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