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samedi 22 mars 2014

Le dollar va-t-il rester la monnaie de réserve du monde ?

KOREA-RESERVES/

« Dans les séances de questions-réponses qui suivent les conférences que je donne sur l'économie américaine, il y a toujours quelqu’un pour me demander si le dollar restera la monnaie de réserve mondiale. Du moins jusqu'à présent, il tient bon. Eswar Prasad passe en revue les arguments dans son article "The dollar reigns supreme, by default" paru dans le numéro de mars 2014 de la revue Finance & Development du FMI.

Une manière de voir l'importance du dollar américain consiste à regarder dans quelles devises les gouvernements et les investisseurs du monde entier choisissent de détenir leurs réserves. A la suite de la crise financière et économique de 1998 en Asie de l'Est, beaucoup de pays ont commencé à accumuler leurs réserves internationales en dollar. Au lendemain de la Grande Récession, un certain nombre de pays ont quelque peu réduit leurs réserves de dollars et ils désirent aujourd’hui les reconstituer. Par exemple, voici un graphique de Prasad montrant la forme sous laquelle les gouvernements détiennent leurs réserves de change. Notez qu'il n'y a pas de chute dans les années consécutives à la récession.

GRAPHIQUE Composition des réserves de devises (en %)

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Prasad écrit que "la crise financière mondiale a brisé les idées reçues sur le montant de réserves dont une économie a besoin pour se protéger contre les effets de contagion des crises mondiales. Même les pays détenteurs de stocks importants ont vu leurs réserves diminuer rapidement sur une courte période pendant la crise alors qu'ils cherchaient à protéger leurs monnaies de l'effondrement. Les treize économies que j'ai étudiées ont perdu entre un quart et un tiers de leurs stocks de réserves sur environ huit mois au plus fort de la crise".

Le dollar américain est aussi de loin la monnaie dominante dans les transactions économiques mondiales. Les cours mondiaux sont souvent libellés en dollar. Lorsque le résident d’un pays doit payer une facture au résident d’un autre pays ou que le premier réalise un investissement au bénéfice du second et qu’il est nécessaire de convertir des devises, le dollar américain intervient souvent, même si l'opération n'a rien à voir avec l'économie américaine, car les devises sont converties en dollars dans les processus internes aux marchés de taux de change. Le dollar américain est utilisé dans 87 % des transactions de change. Les marchés de change échangent maintenant plus de 5 mille milliards de dollars par jour.

L'économie américaine tire clairement des bénéfices à ce que le dollar soit la monnaie de réserve du monde : le monde présente un énorme appétit à détenir des actifs libellés en dollars américains, ce qui facilite bien des choses pour une économie à faible épargne comme les Etats-Unis qui doit emprunter de larges montants aux investisseurs étrangers. Voici un graphique de Prasad montrant qui détient de la dette publique des États-Unis :

GRAPHIQUE Propriétaires de la dette publique des Etats-Unis (en milliers de milliards de dollars)

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Beaucoup d'investisseurs étrangers, y compris de gouvernements, s’inquiètent d’avoir si lourdement investi dans des actifs libellés en dollar américain. Ils craignent que si l'inflation augmente, la valeur réelle de leurs avoirs en titres diminue. Pourtant, comme l'écrit Prasad, "les pays émergents sont frustrés de ne pas avoir vraiment d’autres actifs que ceux libellés en dollars pour détenir la plupart de leurs réserves, d'autant plus que les taux d'intérêt sur les titres du Trésor sont restés faibles pendant une période prolongée, à un niveau à peine suffisant pour faire face à l'inflation. Cette frustration est d’autant plus douloureuse que, malgré sa puissance en tant que monnaie de réserve dominante, le dollar est susceptible de perdre de la valeur sur le long terme. La Chine et d'autres pays émergents clés devraient continuer à connaître une plus forte croissance de la productivité que les Etats-Unis. Donc, lorsque les marchés financiers mondiaux se calmeront, le dollar sera susceptible de retrouver cette tendance à la dépréciation progressive (...). En d'autres termes, les investisseurs étrangers s’attendent à obtenir de faibles montants en devise domestique lorsqu’ils finiront par vendre leurs placements en dollars.

Voici un graphique tiré du site FRED bien utile que gère la Réserve fédérale de Saint Louis montrant l'affaissement global du dollar américain au cours du temps, avec quelques bosses notables le long du chemin.

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Au fil du temps, on peut s’attendre à voir le rôle du dollar américain comme monnaie de réserve mondiale décliner. D'autres économies connaissent une plus forte croissance. Au fur et à mesure que les marchés financiers mondiaux s’intègrent plus étroitement, il devient de plus en plus facile d'effectuer des transactions qui ne font pas intervenir le dollar américain. Mais d’après les prévisions de Prasad et de bien d’autres auteurs, le dollar va rester dominant, non seulement pour encore quelques années, mais peut-être pour encore quelques décennies. Cela s’explique notamment parce qu'aucune alternative n’apparaît clairement. Certaines personnes bien informées continuent de douter que l'euro puisse survivre. La Chine est destinée pour être la plus grande économie au monde, mais comme Prasad l’écrit, "le développement limité du marché financier et la structure des institutions politiques et juridiques en Chine font qu'il est improbable que le renminbi devienne l'un des principaux actifs de réserve vers lesquels les investisseurs étrangers, y compris d'autres banques centrales, se tourneront pour détenir leurs fonds. Au mieux, le renminbi va éroder, mais pas contester significativement, le statut prépondérant du dollar. Aucun autre pays émergent n’est en mesure de voir sa monnaie acquérir le statut de monnaie réserve, encore moins de contester le dollar." »

Timothy Taylor, « Will the U.S. dollar remain the world's reserve currency? », in Conversable Economist (blog), 21 mars. Traduit par Martin Anota


aller plus loin... lire « Pour quelques dollars de plus… Réserves et croissance en temps de crise » et « Pourquoi les déséquilibres globaux se sont-ils résorbés ? »

vendredi 13 septembre 2013

5300 milliards de dollars sont échangés quotidiennement sur les marchés des changes

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« Une fois tous les trois ans, la Banque des Règlements Internationaux publie les résultats d'une enquête sur la taille des marchés des changes. La plus récente "Enquête triennale des banques centrales" (…) n'est pas sans avoir quelques nouvelles qui nous sont familières.

Les marchés des changes sont extrêmement larges. "Les échanges sur les marchés des changes atteignaient en moyenne 5.300 milliards de dollars par jour en avril 2013, alors qu’ils représentaient 4.000 milliards de dollars en avril 2010 et 3.300 milliards de dollars en avril 2007." Le taux de croissance annuel du marché des changes au cours des dernières années a été d'environ 35 %.

Qu'est-ce qui explique ce très large montant ? Le PIB mondial est d'environ 70.000 milliards de dollars et les exportations mondiales représentent environ 30 % de ce montant, soit environ 21000 milliards de dollars par an. De toute évidence, les opérations sur les marchés des changes ne sont pas principalement motivées par les besoins d’échanger des devises pour réaliser les exportations et les importations. Les flux d'investissements directs à l’étranger (IDE) dans le monde étaient d'environ 1.300 milliards de dollars en 2012. Les investissements de portefeuille représentaient au niveau mondial environ 39.000 milliards de dollars en 2011. Ainsi, il ne semble pas que le besoin d'échanger des devises soit pour les investissements étrangers directs, soit pour les investissements de portefeuille, puisse expliquer ce qui se passe sur les marchés des changes. Une explication possible est que l’énorme taille du marché des changes découle principalement des décisions à court terme visant à se couvrir contre les risques et à rechercher du rendement dans une économie mondialisée où de nombreuses entreprises financières et non financières ajustent continuellement leur exposition aux éventuels mouvements futurs des taux de change.

Un autre message important du rapport de la BRI concerne le rôle du dollar américain sur les marchés des changes. Depuis plusieurs décennies, de nombreuses opérations de change visant à convertir une devise A en devise B consistent à convertir dans un premier temps cette devise A en dollars, puis à convertir dans un deuxième temps ces dollars en devise B. "Le dollar américain est resté la monnaie véhiculaire dominante ; il était présent dans 87 % des échanges en avril 2013. L'euro était la deuxième monnaie la plus échangée, mais sa part est tombée à 33% en avril 2013, alors qu’elle s’élevait à 39% en avril 2010. La fréquence d’échange du yen japonais s’est accrue de manière significative entre l’enquête de 2010 et celle de 2013, tout comme celle de nombreuses devises de pays émergents. En l’occurrence, le peso mexicain et le renminbi (yuan) chinois sont entrés dans la liste des 10 devises les plus négociées."

La liste ci-dessus présente les devises les plus échangées sur les marchés des changes. Bien sûr, le rapport a plus de détails sur les changements depuis la première enquête en 1998, ainsi qu’à propos des instruments financiers spécifiques qui sont utilisés. »

Timothy Taylor, « Foreign exchange markets: Now $5.3 trillion per day », in Conversable Economist (blog), 12 septembre 2013. Traduit par M.A.


GRAPHIQUE Volume d’échange moyen quotidien de devises sur les marchés des changes en avril 2013 (en milliers de milliards de dollars)

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source : The Economist (2013)

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