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Tag - partage de la valeur ajoutée

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samedi 10 février 2018

Qu’y a-t-il derrière la baisse de la part du travail ?

« Le revenu total peut être réparti entre ce que perçoit le travail (en termes de salaires, de cotisations et autres revenus du travail) et ce que gagne le capital (en termes de profits et de versements d’intérêts). La frontière entre ces catégories est assez trouble : par exemple, le revenu que gagne une personne qui possède sa propre entreprise doit être classé comme étant un revenu du travail reçu pour les heures travaillées, comme étant un revenu du capital qu’elle tire de la possession de son entreprise ou comme un certain mélange des deux ?

Cependant, le Bureau des Statistiques du Travail aux Etats-Unis effectue depuis plusieurs décennies ce calcul en utilisant une même méthodologie au cours du temps. La part du travail aux Etats-Unis est restée comprise entre 61 % et 65 % des années cinquante jusqu’aux années quatre-vingt-dix. En effet, dans les modèles économiques de long terme, le partage de la valeur ajoutée a souvent été considéré comme constant. Mais au début des années deux mille, la part du travail a commencé à chuter et elle est désormais comprise entre 56 % et 58 %. Loukas Karabarbounis et Brent Neiman ont fourni un certain éclairage de ce qui s’est passé, en citant plusieurs études récentes, dans leur article "Trends in factor shares: Facts and implications" qui a été publié dans le NBER Reporter (dans sa quatrième livraison de 2017).

GRAPHIQUE 1 Part de la production rémunérant le travail pour les entreprises non agricoles aux Etats-Unis (en %)

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Ils ont construit un ensemble de données pour une large gamme de pays et ils ont constaté que beaucoup d’entre eux ont connu une déformation du partage du revenu au détriment du travail. Donc, l’explication économique d’un tel phénomène ne peut se concentrer sur un élément propre à l’économie américaine ; elle doit être recherchée au niveau de l’ensemble des économies. Ils écrivent : "Le déclin a été généralisé. Comme le montre le graphie, il s’est produit dans sept des huit plus grandes économies du monde. Il s’est produit dans tous les pays scandinaves, où les syndicats sont traditionnellement forts. Il s’est produit dans des pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Mexique qui se sont ouverts au commerce international et ont bénéficié des délocalisations d’activités qui étaient initialement réalisées dans des pays développés comme les Etats-Unis."

GRAPHIQUE 2 Variation moyenne de la part du travail par décennie (en points de %)

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source : Karabarbounis & Neiman (2017)

Ils affirment qu’un facteur majeur derrière ce phénomène a été la baisse du prix des technologies d’information, qui a encouragé les entreprises à substituer du capital au travail. Ils écrivent : "Il y a eu un déclin du prix de l’investissement relativement au prix de la consommation qui s’est globalement accéléré à partir du même instant que la part mondiale du travail a amorcé sa baisse. Une hypothèse clé que nous avons mis en avant est que le déclin du prix relatif de l’investissement, souvent attribué aux avancées dans le domaine des technologies d’information, à l’automatisation et à l’essor du numérique, a provoqué un déclin du coût du capital et poussé les entreprises à produire avec une plus grande intensité capitalistique. Si l’élasticité de substitution entre le capital et le travail (la variation en pourcentage du ratio capital sur travail en réponse à une variation d’un certain pourcentage du coût relatif du travail et du capital) est supérieure à l’unité, la baisse du coût du capital se traduit par une baisse de la part du revenu rémunérant le travail (…). Nos estimations suggèrent que cette forme de changement technologique explique environ la moitié du déclin de la part mondiale du travail…"

"Si la technologie explique la moitié de la baisse de la part mondiale du travail, qu’est-ce qui explique l’autre moitié ? Nous avons utilisé les données de flux d’investissement pour distinguer les paiements résiduels entre les paiements versés au capital et les profits économiques. Nous avons constaté que la part du capital n’a pas augmente comme elle aurait dû le faire si la substitution entre le capital et le travail expliquait entièrement le déclin de la part du travail. En fait, nous notons que les hausses des taux de marge et de la part des profits économiques ont aussi joué un rôle important dans le déclin de la part du travail."

La chute de la part du revenu rémunérant le travail a des répercussions qui touchent le reste de l’économie mondiale. Par exemple, elle contribue à la hausse des inégalités de revenu. (…) Il y a quelques décennies, les sociétés avaient pour habitude de recueillir des fonds de la part des ménages épargnants en émettant des obligations, en contractant des prêts ou en émettant des actions. Mais avec la hausse de la part du capital et des profits des entreprises, environ les deux tiers des investissements mondiaux sont financés par les entreprises elles-mêmes. Autrefois, il y avait un afflux net de capitaux financiers vers le secteur des entreprises ; désormais, c’est le secteur des entreprises qui génère un flux net de capitaux financiers (via les rachats d’actions par les entreprises elles-mêmes, la hausse de la détention de liquidité par les sociétés et d’autres mécanismes encore). Lorsque l’on compare les cours boursiers actuels et les price-earnings ratios par rapport aux valeurs historiques, il est utile de se rappeler que lorsque la part du capital est élevée, les cours boursiers ont une autre signification qu’il y a quelques décennies. »

Timothy Taylor, « Behind the declining labor share of income », in Conversable Economist (blog), 6 février 2018. Traduit par Martin Anota

lundi 17 avril 2017

L’élasticité de substitution entre capital et travail

« L’élasticité de substitution entre le capital et le travail joue un rôle clé dans les dynamiques de la répartition du revenu entre ces deux facteurs de production. Ce concept a été introduit indépendamment par John Hicks (1932) et Joan Robinson (1933). Il mesure l’ampleur à laquelle les entreprises peuvent substituer du capital au travail lorsque le coût relatif des deux facteurs change. Dans le cas d’une fonction de production Cobb-Douglas, l’élasticité de substitution est égale à l’unité, ce qui signifie que les changements du coût relatif du capital et du travail sont pleinement compensés par une modification des quantités relatives de ces deux facteurs, assurant un partage constant du revenu entre le travail et le capital. Dans le cas plus général, dans lequel la fonction de production prend une forme d’élasticité de substitution constante, l’élasticité de substitution peut être supérieure ou inférieure à l’unité et, par conséquent, la part du revenu du travail peut varier avec les fluctuations des coûts relatifs des facteurs. Par exemple, si l’élasticité de substitution est supérieure à l’unité, une baisse du coût relatif du capital réduit la part du travail dans le revenu. Quand la fonction de production n’a pas une élasticité constante de substitution, l’élasticité de substitution peut dépendre de la quantité du capital et du travail. En principe, l’élasticité de substitution n’a pas à être stable au cours du temps et peut varier d’un secteur à l’autre et d’un pays à l’autre. Dans le secteur des services de transport, par exemple, elle a changé : la substitution du travail s’est fortement accrue avec l’avancée de la technologie de positionnement globale et elle est susceptible de s’accroître davantage à l’avenir avec les voitures autonomes. Elle dépend aussi des compétences des travailleurs : les travailleurs très qualifiés sont considérés comme moins remplaçables par du capital que les personnes peu ou moyennement qualifiées (Krusell et alii, 2000).

En outre, l’élasticité de substitution dépend de la nature des tâches ; les tâches routinières et codifiables sont davantage substituables que celles qui sont plus complexes et sont plus exposées au risque d’être remplacées par du capital lorsque le coût relatif du capital décline. Autor et Dorn (2013) et Goos, Manning et Salomons (2014) constatent que le progrès technique baisé vis-à-vis des tâches routinières a joué un rôle dans la réallocation des travailleurs réalisant des tâches routinières. Cela a contribué à la polarisation des emplois (c’est-à-dire au déclin de la part des emplois moyennement qualifiés dans l’emploi total et ainsi à l’accroissement des parts des emplois qualifiés et peu qualifiés) aux Etats-Unis et en Europe. Parmi les tâches avec une forte élasticité de substitution, il y a par exemple le travail administratif et le travail à la chaîne, à l’inverse des tâches comme la coupe de cheveux et les opérations chirurgicales, qui ne sont pas propices à la substitution.

Au niveau agrégé, l’élasticité de substitution peut différer entre les pays développés et les pays en développement. Les entreprises dans les pays développés peuvent être plus enclines à remplacer les travailleurs moyennement qualifiés et peu qualifiés par du capital, étant donné la plus grande part des tâches routinières dans leur composition d’emploi. D’un autre côté, les travailleurs des pays développés peuvent, en moyenne, avoir de meilleures compétences que les travailleurs des pays en développement et donc ils peuvent être plus complémentaires (c’est-à-dire moins substituables) avec le capital. Par conséquent, c’est en définitive une question empirique pour déterminer si l’élasticité de substitution dans les pays développés tend à être plus forte que dans les pays en développement.

(…) Une élasticité de substitution supérieure à l’unité prédit une baisse de la part du travail dans le revenu lorsque le prix relatif des biens d’investissement chute et l’inverse lorsqu’elle est inférieure à l’unité. (…) En moyenne, l’élasticité de substitution est supérieure à l’unité pour les économies développées (…). Elle est inférieure à l’unité pour les pays en développement (…).

Le constat selon lequel l’élasticité de substitution estimée est supérieure à l’unité dans les pays développés et inférieure à l’unité dans les pays émergents et les autres pays en développement est cohérent avecl’idée d’une plus forte exposition à la routinisation dans le premier groupe de pays. Cela soutient l’un des constats clés de ce chapitre des Perspectives de l’économie mondiale : les déclins du coût relatif du capital ont joué un rôle plus important pour la baisse de la part du travail dans les pays développés que dans les pays émergents.

Il y a aussi un lien entre l’élasticité de substitution et l’exposition à la routinisation au niveau des secteurs. (…) L’élasticité de substitution estimée est plus faible dans l’agriculture, l’hébergement et les services alimentaires et la plus forte dans la construction, le transport et le commerce de gros. Il y a une forte corrélation entre cette élasticité de substitution estimée par secteur et le degré moyen de routinisation des tâches dans chaque secteur (…). Etant donné que la part de l’agriculture dans l’emploi total est significativement plus faible et que celui de la construction et du transport plus forte dans les pays développés, ce constat est cohérent avec la plus forte exposition des pays avancés à la routinisation (…). »

Mai Chi Dao, Hao Jiang et Weicheng Lian, « The elasticity of substitution between capital and labor: Concept and estimation », in FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2017. Traduit par Martin Anota



aller plus loin... lire « Comment expliquer la chute de la part du travail dans le revenu national ? »

mardi 11 avril 2017

La relation entre le progrès technique et la part du travail au cours de l’histoire

« Certains dressent des parallèles entre les avancées technologiques que nous connaissons actuellement et les précédents épisodes de changement technologique rapide. Cet article passe en revue la littérature sur l’effet que peut avoir le progrès technique sur la part du revenu national rémunérant le travail durant la Révolution industrielle. Cette revue de la littérature suggère que, non seulement les craintes que connaissent aujourd’hui les travailleurs vis-à-vis du progrès technique ne sont pas spécifiques à notre époque, mais aussi que les précédents épisodes de progrès technique s’accompagnaient également d’une baisse de la part du travail durant les périodes au cours desquelles les technologies économes en travail se diffusèrent à l’ensemble de l’économie et des groupes de travailleurs et des secteurs particuliers en furent affectés de façon disproportionnée.(…)

GRAPHIQUE Inégalités de revenu et part du travail dans le revenu au Royaume-Uni

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Le graphique montre l’évolution historique de la part du travail et des inégalités au Royaume-Uni, pays pour lequel les deux séries de données sont disponibles pour une aussi longue période. Il indique que la part du travail était largement plate durant la Première Révolution industrielle (que beaucoup datent entre 1760 et 1820/1840), lorsque la mécanisation au début du dix-neuvième siècle n’était capable de remplacer qu’un nombre limité d’activités humaines. Elle affectait seulement certains pans de l’économie, tout en accroissant la demande pour le travail complémentaire aux biens capitaux comportant les nouvelles technologies (Mokyr, 2002). Elle créa aussi des secteurs entièrement nouveaux, un développement que les économistes de l’époque n’ont pas perçu (Mokyr, Vickers et Ziebarth, 2015). Par la suite, cependant, les parts du profit et du capital (…) s’accrurent entre les années 1850 et 1870 aux dépens du travail, lorsque les grandes technologies économes en travail se diffusèrent à l’ensemble de l’économie, notamment le transport à vapeur, l’industrie à grande échelle de machines-outils et l’usage des machines dans les usines alimentées par la vapeur. La part du travail s’accrut tout d’abord durant la Seconde Révolution industrielle (1870-1914), comme les profits chutèrent durant la Longue Dépression (1873-1896), en accord avec le comportement (contracyclique) de la part du travail durant la récente crise financière mondiale.

Cohérent avec l’idée selon laquelle l’impact sur la part du travail varie avec la qualification, comme on a pu le voir dans ce chapitre des Perspectives de l’économie mondiale, l’industrialisation a affecté certains secteurs et groupes de travailleurs de façon disproportionnée. Au Royaume-Uni, les travailleurs employés dans le textile, avec une très faible intensité capitalistique et une faible productivité, supportèrent le plus le fardeau du changement technologique entre les années 1820 et les années 1950 (Bythell, 1969). Tandis que les salaires dans les usines grimpèrent, les revenus réels de la plupart des travailleurs domestiques et des artisans chutèrent (Lyons, 1989). Le creusement des écarts de salaires se reflète dans la hausse des inégalités, même lorsque la part du travail était largement constante ou même croissante (cf. graphique). Greenwood (1997) note que la demande de travailleurs qualifiés a augmenté durant l’industrialisation au Royaume-Uni. Goldin et Katz (1998) montrent une complémentarité similaire entre le capital et le travail qualifié aux Etats-Unis. (…). Un examen des indicateurs d’inégalités, qui sont plus facilement disponibles que les estimations de la part du travail, suggère que, comme le remarquait Kuznets (1955), les inégalités ont augmenté à partir de l’industrialisation pour atteindre un pic autour de la fin du dix-neuvième siècle ou au début du vingtième siècle dans la plupart des pays riches.

L’inquiétude actuelle à propos de l’impact du changement technologique rapide sur les travailleurs semble aussi être une caractéristique des précédents épisodes de changement rapide. Par exemple, Mortimer (1772) s’inquiétait que les machines "excluraient le travail de milliers d’êtres humains, qui sont utilement employés" ; changeant d’avis, Ricardo (1821) concluait que "la substitution des machines au travail humain est souvent très nocive aux intérêts de la classe des travailleurs… Elle peut rendre la population redondante et détériorer la condition du travailleur". Beaucoup ont souscrit à cette idée d’un impact négatif des machines à court terme, mais ils ont souvent distingué entre le bouleversement à court terme et les effets de long terme. Steuart (1767) affirmait que le chômage technologique surviendrait seulement si les changements sont introduits soudainement et que, même en cas de changements soudains, le bouleversement est temporaire, tandis que les avantages d’une plus forte productivité sont permanents. Keynes (1932) a avancé la même idée : "Ce chômage technologique, qui apparaît du fait que nous découvrons plus rapidement de nouvelles manières d’économiser le travail que de nouveaux usages du travail, n’est qu’une phase temporaire de désajustement. Tout cela signifie qu’à long terme l’humanité résout son problème économique".

En résumé, le progrès technique, lors de divers épisodes d’industrialisation, a été associé à un déclin de la part du travail durant certaines phases et pour certains groupes de travailleurs et à une hausse des inégalités. Bien que les effets de la technologie sur ces changements soient difficiles à quantifier, le niveau des inégalités à son pic historique (typiquement autour de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième siècle dans les pays riches) était considérablement plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. On estime que l’ajustement aux changements technologiques a pris une génération (Lyons, 1989). »

Zsóka Kóczán, « Technological progress and labor shares: A historical overview », in FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2017. Traduit par Martin Anota



aller plus loin... lire « Comment expliquer la chute de la part du travail dans le revenu national ? »

vendredi 7 juin 2013

La part du travail décline partout

« (…) A la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, on considérait que la part du revenu national allant au travail fluctuait un peu d'année en année, mais n'affichait pas une tendance à la hausse ou à la baisse au cours du temps. Mais la stabilité de la part du travail n'est plus vraie. L'Organisation Internationale du Travail examine certaines des données dans le chapitre 5 de son Rapport mondial sur les salaires 2012/13 sur le thème "Salaires et croissance équitable". Ici, je vais vous donner quelques graphiques de fond et puis en tirer quelques réflexions. Le rapport de l’OIT résume certaines des preuves empiriques ainsi :

"L'OCDE a observé, par exemple, qu'au cours de la période allant de 1990 à 2009, la part de la rémunération du travail dans le revenu national a baissé dans 26 des 30 pays avancés pour lesquels des données étaient disponibles et elle a calculé que la part médiane du travail dans le revenu national dans l’ensemble de ces pays a considérablement diminué, passant de 66,1 % à 61,7 %... Au-delà des économies avancées, le Rapport mondial sur le travail de 2011 avait constaté que la baisse de la part du travail dans le revenu était encore plus marquée dans de nombreux pays émergents et en développement, avec des baisses considérables en Asie et en Afrique du Nord et une plus grande stabilité, mais tout de même une baisse, des parts des salaires en Amérique latine. D’autres études soulignent aussi le caractère apparemment mondial de cette tendance, en laissant entendre que la proportion du revenu consacrée à la rémunération du travail est en baisse dans le monde entier. " Voici la part du travail dans le revenu aux États-Unis, en Allemagne et au Japon. Par exemple, la part du travail dans le revenu revenu aux Etats-Unis (représentée par les triangles) tourne autour de 68-70 % du PIB dans les années soixante-dix et elle est proche de l'extrémité inférieure de cette fourchette au milieu des années 1980, avant de diminuer.

GRAPHIQUE 1 Parts du travail ajustées dans le revenu au sein des économies développées, en Allemagne, aux États-Unis et au Japon, 1970-2010

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source : OIT (2013)

Voici une figure montrant les évolutions pour plusieurs groupes de pays émergents et en développement. La plus longue série chronologique, illustrée par les diamants bleus sombres, est une moyenne pour le Mexique, la Corée du Sud et la Turquie.

GRAPHIQUE 2 Parts du travail ajustées dans le revenu dans les économies en développement et les économies émergentes, 1970-2007

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source : OIT (2013)

Et que dire de la Chine? La part du travail est en baisse là aussi.

GRAPHIQUE 3 Part du travail non ajustée dans le revenu en Chine, 1992-2008

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source : OIT (2013)

L’une des conséquences de la baisse de la part du travail, c'est que la croissance de la productivité augmente certes la taille des économies, mais le montant allant au travail n’augmente pas. Voici un chiffre indiquant la divergence de la production et des revenus du travail qui a commencé en 1999 pour les économies développées. Les résultats présentés ici sont pondérées avec la taille de l'économie, de sorte que le graphique reflète en grande partie l'expérience des trois plus grandes économies développées : les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne.

GRAPHIQUE 4 Productivité et rémunération horaires aux États-Unis, T1 1947-T1 2012

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source : OIT (2013)

Que peut-on dire à propos de ce déclin de la part du travail ?

1) Quand une tendance soit commune à de nombreux pays, il semble probable que la cause soit également quelque chose de commun à tous ces pays. En cherchant une "cause" basée sur une certaine politique mise en œuvre par les républicains ou les démocrates aux États-Unis manque presque certainement le point. La même chose est vraie lorsque l’on recherche une "cause" du côté des politiques les plus courantes en Europe ou en Chine.

2) Les causes sont encore obscures, mais l’on peut certainement exclure l’idée que d’une cause réponse. Le déclin de la part de la main-d'œuvre n'est pas provoqué par une réallocation de main-d'œuvre vers des secteurs plus intensifs en capital, parce que la baisse tendancielle de la part du travail s’observe dans tous les secteurs. La difficulté est que les autres explications possibles sont interdépendantes et difficiles à démêler. Elles comprennent les changements technologiques, la mondialisation, l’essor des marchés financiers, les défaillances des institutions du marché du travail et une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs. Mais après tout, les changements technologiques dans les technologies de l'information et de la communication ont alimenté la mondialisation, ainsi qu'une partie de ce qui a conduit à un essor du secteur financier. La mondialisation est une partie de ce qui a réduit le pouvoir de négociation des travailleurs. Le rapport du BIT offre des preuves empiriques soutenant l’idée que l’essor du secteur financier est une part importante de la réponse. Voici un billet d’il y a quelques semaines sur la croissance du secteur financier américain.

3) Le revers de la médaille d'une part plus faible du revenu national allant au travail est une plus grande part du revenu allant au capital. Le rapport du BIT fait valoir que dans de nombreux pays, cette tendance semble impliquer des versements de dividendes de plus en plus importants.

4) Bien que la compréhension des causes soit utile, les politiques n'ont pas toujours à s'attaquer aux causes profondes. Quand quelqu'un est frappé par une voiture, vous ne pouvez pas inverser la cause, mais vous pouvez toujours faire face aux conséquences. Cependant, il est bon de rappeler que la part décroissante des revenus du travail se passe partout dans le monde, dans des pays ayant de très différentes politiques et institutions économiques. Par exemple, les institutions européennes du marché du travail sont souvent considérées comme étant plus favorable aux travailleurs, mais elles n'ont pas empêché une baisse de la part du travail dans le revenu.

5) Il est important de rappeler que la décroissance de la part des revenus du travail n’est pas la même chose qu’un accroissement des inégalités salariales. La part du revenu allant au travail dans son ensemble est en baisse et aussi une part toujours plus grande des revenus du travail va à ceux disposant des plus hauts niveaux de revenus. Ces deux tendances signifient que ceux ayant des revenus faibles ou moyens traversent des temps difficiles. »

Timothy Taylor, « Labor's falling share, everywhere », in Conversable Economist (blog), 7 juin 2013.

Aller plus loin… lire « Les hauts revenus dans le monde et dans l’histoire » et « Mondialisation versus technologie »