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samedi 15 septembre 2012

Croissance, fluctuations et crises (lexique)

Capital

Dans le sens strict, il ne désigne que le capital fixe, c’est-à-dire l’ensemble des biens qui sont utilisés plusieurs fois au cours de la production (ils ont une durée de vie supérieure à un an). Dans son sens large, le capital désigne également le capital circulant, c’est-à-dire les biens et services qui sont transformés ou qui disparaissent au cours de la production (c’est-à-dire dont la durée de vie est inférieure à un an). En ce sens, le capital inclut également les ressources naturelles.

Capital humain

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Notion développée par Gary Becker (prix Nobel en 1992). Le capital humain désigne les connaissances et compétences acquises par un individu, mais aussi sa santé. En accumulant du capital humain, le travailleur devient plus productif et peut espérer obtenir un salaire plus élevé. L’éducation, la formation professionnelle, l’apprentissage par la pratique et l’amélioration de la santé (avec par exemple les campagnes de vaccination) sont des investissements aussi bien pour les travailleurs que pour leur entreprise ou même l'économie prise dans son ensemble. En l’occurrence, l’accumulation de capital humain apparaît comme un moteur essentiel de la croissance, non seulement car elle rend les travailleurs plus productifs, mais aussi parce qu’elle les rend plus innovants.

Crise économique

Dans le sens étroit du terme, la crise est l’instant précis où le cycle économique se retourne, c’est-à-dire où l’économie passe d’une expansion à une récession, voire à une dépression. Dans le sens large du terme, la crise désigne la récession ou la dépression.

Croissance économique

Hausse du PIB.

Croissance endogène (théories de la)

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Théories visant à expliquer le caractère cumulatif de la croissance. A la différence du modèle de Solow, les modèles de croissance endogène font l’hypothèse que les rendements sont croissants, introduisent des externalités et considèrent que le progrès technique est endogène, c’est-à-dire qu’il dépend du comportement des agents.

Il y a quatre principaux modèles de croissance endogène. Robert Lucas (prix Nobel en 1995) souligne l’importance du capital humain. Un travailleur devient plus productif lorsqu’il accumule des connaissances et des compétences, or celles-ci ne s’usent pas : le capital humain est un facteur cumulatif, qui présente des rendements croissants. Paul Romer met l’accent sur la recherche-développement et l’apprentissage par la pratique. D’une part, les dépenses de recherche-développement réalisées par une entreprise lui permettent d’accroître sa productivité et d’innover davantage ; grâce aux externalités, elles profitent également aux autres entreprises, notamment aux concurrentes. D’autre part, quand un travailleur acquiert de nouvelles compétences dans une entreprise, il peut continuer de les utiliser dans une autre entreprise et les transmettre à d’autres travailleurs. Robert Barro met l’accent sur l’importance de l’investissement public pour la croissance : les infrastructures publiques (routes, aéroports, réseau de distribution d’eau, etc.) stimulent l’activité.

Bien que ces trois auteurs soient néoclassiques et plutôt réticents à l'usage des politiques conjoncturelles pour stabiliser l'activité à court terme, leurs théories suggèrent que l’intervention de l’Etat peut améliorer la croissance à long terme (par exemple, en stimulant la recherche-développement, en favorisant l’éducation et en développant les infrastructures).

Déflation

La déflation désigne la baisse du niveau général des prix : en moyenne, les prix baissent. Elle est due à une insuffisance de la demande globale : lorsque les entreprises ont du mal à vendre, elles baissent leurs prix pour écouler leurs stocks d’invendus. L’économie risque donc de connaître une déflation lorsqu’elle subit une récession ou dépression. Or la déflation a tendance à aggraver la crise économique. D’une part, les agents retardent leurs achats de biens durables s’ils anticipent une poursuite de la baisse des prix, ce qui réduit davantage la demande. D’autre part, en présence de déflation, les emprunteurs doivent continuer de payer un montant fixe d’intérêts, mais leurs sources de revenu diminuent avec les prix : le poids réel de leur endettement augmente. Les emprunteurs ont donc de plus en plus de mal à rembourser, si bien qu’ils risquent de faire faillite et de faire s’effondrer les banques. Irving Fisher (en 1933) parlait de « déflation par la dette » pour décrire ce cercle vicieux.

Demande globale

Demande qui s’adresse aux producteurs de biens et services sur un territoire donné. On distingue entre la demande intérieure (ou domestique) émanant des résidents et la demande extérieure (ou étrangère) émanant du reste du monde. Si la demande globale est insuffisante, l’économie risque de basculer dans une récession, voire dans une dépression, de connaître la déflation et de voir le chômage augmenter. Si la demande globale est excessive, l’économie risque de connaître une accélération de l’inflation. L’Etat et la banque centrale mettent en œuvre des politiques conjoncturelles pour moduler la demande globale.

Dépression

Baisse prolongée du PIB (en général, sur plusieurs années) : le taux de croissance est durablement négatif. Autrement dit, il s’agit d’une récession très sévère.

Désinflation

Ralentissement de l’inflation, c’est-à-dire baisse du taux d’inflation : les prix continuent d’augmenter en moyenne, mais de moins en moins vite.

Facteurs de production

Ressources utilisées par une organisation productive (par exemple une entreprise) pour produire. Il s’agit du travail et du capital. Les facteurs sont complémentaires quand ils doivent être combinés ensemble pour réaliser une production : par exemple, le chauffeur de taxi et son véhicule. Ils sont substituables quand la production peut être réalisée par l’un ou l’autre des facteurs : par exemple, les caissiers et les caisses automatiques.

Fluctuations économiques

Le cycle désigne la succession d’expansions et de récessions. L’expansion se caractérise par une accélération de la croissance. La récession se caractérise par le ralentissement de la croissance, voire une décroissance, du PIB. L'instant précis où le cycle se retourne et où l'économie passe d'une expansion à une récession est appelé crise. La période d’expansion qui suit une récession est appelée reprise.

IDH

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L’indicateur de développement humain (IDH) est un indicateur composite créé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 1990, d’après les travaux d’Amartya Sen (prix Nobel en 1998). Il se veut être un indicateur de développement, qui ne prend pas en compte le seul niveau de vie. Il est la moyenne géométrique de trois indicateurs mesurant la santé (avec l’espérance de vie à la naissance), l’éducation (avec les durées moyenne et attendue de scolarisation) et le niveau de vie (avec le revenu national par habitant). Plus l’IDH d’un pays est élevé, plus celui-ci est considéré comme développé.

Inflation

Hausse du niveau général des prix : ces derniers augmentent en moyenne. L’inflation s’explique par un excès de demande globale (les agents dépensent de trop) ou par la hausse des coûts de production (par exemple suite à un choc pétrolier).

Investissement

Il désigne avant tout l’achat de capital fixe. On distingue entre investissement de capacité (qui vise à accroître la production en augmentant la quantité de capital fixe utilisée), investissement de productivité (qui consiste à acquérir du capital fixe plus performant, pas forcément pour produire plus, mais pour réduire les coûts de production) et investissement de remplacement (qui consiste à remplacer le capital obsolète ou usé). Tout investissement ne conduit donc pas forcément à une hausse du stock de capital (puisque l’investissement de remplacement ne consiste qu’à remplacer du capital déjà existant). On distingue donc entre investissement net et investissement brut. L’investissement net désigne le total des dépenses d’investissement (l’investissement brut) auxquelles on retranche les dépenses d’investissement de remplacement. Seul l’investissement net accroît le stock de capital. On distingue aussi entre investissement matériel (acquisition de capital physique) et investissement immatériel (achats de services tels que la R&D, la publicité, la formation des travailleurs, etc.). La comptabilité nationale mesure l’investissement avec la formation brute de capital fixe (FBCF).

Institutions

Pour Douglass North (1920-2015), prix Nobel d’économie en 1993, les institutions sont un ensemble de règles et de contraintes qui encadrent les interactions humaines et notamment les échanges. Elles favorisent les échanges et augmentent le bien-être de la population en suscitant de la confiance entre les agents. Les droits de propriété et notamment les brevets sont des exemples d’institutions.

PIB

Le PIB est un indicateur de richesse. 1) Le PIB d’un pays est égal à la somme des valeurs ajoutées créées au cours d’une année donnée par les organisations productives (entreprises et administrations publiques) présentes sur le territoire national. 2) Il correspond également aux revenus distribués aux résidents au cours d’une année. 3) Il est égal à la somme des dépenses de consommation, d’investissement et des exportations nettes. Lorsque le PIB augmente d’une année sur l’autre, il y a croissance économique.

Politique budgétaire

Politique menée par l’Etat, consistant à modifier la fiscalité et à faire varier les dépenses publiques en vue d’influencer la demande globale. Si la demande globale est insuffisante, l’Etat assouplit sa politique budgétaire en accroissant ses dépenses et/ou en réduisant les prélèvements obligatoires (plan de relance), soit pour inciter les entreprises et ménages à dépenser plus (via la baisse d’impôts ou la hausse des revenus de transfert, des salaires des fonctionnaires…), soit pour accroître directement la demande (via l’investissement public). Par contre, si la demande est excessive ou bien si l’Etat désire réduire sa dette publique, l’Etat resserre sa politique budgétaire en diminuant ses dépenses et en augmentant les impôts (plan d’austérité).

Politiques conjoncturelles

Il s’agit d’une politique économique visant à influencer l’activité économique à court terme en influençant la demande globale. Elle se compose de la politique budgétaire (menée par l’Etat) et de la politique monétaire (menée par la banque centrale). Les politiques conjoncturelles ont quatre objectifs possibles : le plein emploi, la stabilité des prix (ni inflation, ni déflation), la croissance économique et l’équilibre des comptes extérieurs. Mais il est difficile de les atteindre en même temps : Kaldor parle de carré magique. Une politique conjoncturelle expansionniste vise à stimuler la demande globale lorsque l’économie connaît du chômage, une récession, voire une déflation. Une politique conjoncturelle restrictive vise au contraire à freiner la demande globale lorsque l’économie connaît une inflation et un déficit extérieur.

Politique monétaire

Politique menée par la banque centrale, consistant notamment pour elle à moduler son taux directeur, c’est-à-dire le taux d’intérêt auquel les banques peuvent s’approvisionner auprès d’elle en monnaie centrale (la seule monnaie avec laquelle les banques peuvent se régler entre elles). Lorsque la banque centrale désire stimuler la demande globale, elle assouplit sa politique monétaire en baissant son taux directeur, puisque cela incite les banques à davantage prêter et à réduire leurs propres taux d’intérêt. Inversement, la banque centrale resserre sa politique monétaire lorsque l’économie connaît de l’inflation : comme les banques prêtent alors moins, la demande décline, si bien que les entreprises sont moins à même d’accroître leurs prix.

Production marchande et non marchande

La production est dite « marchande » si elle est vendue à un prix significatif, c’est-à-dire vendue à un prix supérieur à la moitié du coût de production. Elle est réalisée par les entreprises, car ces dernières cherchent en général à faire du profit. La production est dite « non marchande » si elle est gratuite ou quasi-gratuite, c’est-à-dire vendue à un prix inférieur à la moitié du coût de production. Elle est réalisée par les administrations publiques et les associations.

Productivité

La productivité mesure l’efficacité des facteurs de production. La productivité du travail peut être mesurée de deux manières différentes : soit en divisant la production par le nombre d’heures travaillées, soit en divisant la production par le nombre de travailleurs.

Productivité globale des facteurs

La productivité globale des facteurs (PGF) est une mesure du progrès technique, du niveau technologique des pays. Elle peut être calculée comme le rapport entre le volume produit et la quantité de facteurs utilisée. La croissance de la PGF correspond au « résidu », c’est-à-dire à la part de la croissance du PIB qui n’est pas expliquée par l’accumulation des facteurs.

Progrès technique

Il s’agit de l’ensemble des innovations qui améliorent l’efficacité des facteurs de production. Le progrès technique désigne ainsi les innovations de procédé, les innovations de produit et les nouvelles organisations du travail. Le progrès technique se mesure de deux façons : soit en mesurant la productivité globale des facteurs (PGF) ; soit en mesurant le « résidu », c’est-à-dire la part de la croissance du PIB qui ne s’explique pas par l’accumulation des facteurs (travail et capital).

Récession

La récession désigne un ralentissement de la croissance du PIB. Pour l’INSEE, il y a récession quand le PIB décroît pendant au moins deux trimestres consécutifs.

Valeur ajoutée

Lorsque la production est marchande, il s’agit de la production moins les consommations intermédiaires (c’est-à-dire les dépenses de capital circulant). Lorsque la production est non marchande, l’INSEE considère qu’elle correspond aux coûts, c’est-à-dire essentiellement à la rémunération des facteurs de production (donc essentiellement les salaires).



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Mondialisation et intégration européenne
Economie du développement durable
Classes, stratification et mobilité sociales
Intégration, conflit, changement social
Justice sociale et inégalités
Travail, emploi, chômage



lycée René Descartes (Champs sur Marne) - dernière révision : 17/06/2017



samedi 1 septembre 2012

Les théories de la croissance économique

1. Les théories classiques

Les théories classiques de la croissance sont plutôt pessimistes. Ricardo, Malthus ou encore Mill estiment qu’à long terme l’économie va atteindre un état stationnaire : la croissance va ralentir, pour finalement atteindre zéro. A cet état stationnaire, la production n’augmente plus.

1.1 Ricardo et les rendements décroissants

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David Ricardo (1772-1823) considérait, comme les autres économistes classiques, que l’investissement était essentiel à la croissance économique. Les capitalistes utilisent leur épargne pour investir. La croissance dépend donc de la répartition des revenus : plus les capitalistes reçoivent une part importante du profit, plus ils investiront, plus la croissance sera importante. Or, selon Ricardo, la répartition des revenus risque d’être de moins en moins favorable à l’investissement en raison des rendements décroissants de la terre.

Les classiques raisonnaient en termes de classes sociales. Selon Ricardo, le revenu national est partagé entre trois classes sociales : les propriétaires (qui reçoivent la rente pour l’exploitation de la terre), les travailleurs (qui reçoivent un salaire) et les capitalistes (qui reçoivent le profit et qui utilisent ce dernier pour investir). La rente que reçoit un propriétaire est déterminée par la différence entre le rendement de sa terre et le rendement de la terre la moins fertile. Par conséquent, le propriétaire de la terre la plus fertile reçoit la plus forte rente, tandis que le propriétaire de la terre la moins fertile ne reçoit aucune rente.

Avec l’augmentation de la population, il faut exploiter de plus en plus de terres, mais les nouvelles terres mises en culture sont de moins en moins fertiles. C’est la loi des rendements décroissants : le rendement d’une terre est plus faible que le rendement des terres qui ont précédemment été mises en culture. D’une part, les propriétaires obtiennent des rentes de plus en plus importantes. D’autre part, le prix du blé augmente car le coût de production augmente. Comme le prix des produits agricoles augmente, les travailleurs exigent des salaires de plus en plus élevés pour pouvoir se les procurer. Puisque les capitalistes reçoivent le revenu qui n’a été distribué ni aux rentiers, ni aux travailleurs, alors ils voient peu à peu leurs profits diminuer. Puisqu’ils disposent de moins d’argent, les capitalistes investissent de en moins mois, donc la production augmente de moins en moins. Lorsque l’investissement atteint zéro, la production n’augmente plus et stagne : l’économie atteint un état stationnaire.

Le déclin de la croissance est inéluctable. Mais il est possible de retarder l’instant où l’économie se retrouve à l’état stationnaire en ouvrant les frontières et en important du blé. Comme la quantité de blé disponible dans l’économie anglaise augmente, il devient moins urgent de mettre de nouvelles terres en culture. Par conséquent, la hausse des prix agricoles et des salaires ralentit, ce qui permet de ralentir le déclin de l’investissement. Ricardo doit alors justifier le libre-échange, ce qui l’amènera à formuler la théorie des avantages comparatifs (cf. théories du commerce international).

1.2 Malthus et la loi de la population

L’économiste classique Thomas Robert Malthus (1766-1834) se montre très pessimiste en ce qui concerne la soutenabilité de la croissance à long terme. Comme Ricardo, il considère que la croissance économique tend à ralentir et que l’économie converge vers un état stationnaire. Malthus explique cet état stationnaire à travers la « loi de la population ». Selon celle-ci, la population (et donc ses besoins nutritifs) augmente selon une suite géométrique (1, 2, 4, 8, 16, 32, etc.), alors que les ressources de substance (notamment alimentaires) progressent selon une suite arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, etc.). Puisque les ressources tendent à être insuffisantes pour nourrir la population, il y a une tendance à la surpopulation.
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Malthus préconise la « contrainte morale » (chasteté avant le mariage et mariage tardif) pour limiter le nombre de naissances. On parle notamment de « politiques malthusiennes » aujourd’hui pour qualifier les politiques visant à réduire le nombre de naissances, comme celles qui furent adoptées en Chine il y a quelques décennies (la politique de l’« enfant unique »).

2. La croissance est instable selon les post-keynésiens (Harrod, Domar)

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Pour les keynésiens, la demande joue un rôle dans la croissance économique. Dans la Théorie générale, Keynes (1936) ne s’est focalisé que sur le court terme ; il n’a pas construit une théorie de la croissance économique à long terme. Roy Forbes Harrod (1939) et Evsey Domar (1947), deux économistes inspirés par les théories keynésiennes, ont chacun de leur côté contribué à construire une telle théorie. Ils arrivent tous d’eux aux mêmes conclusions.

Leur première conclusion est que la croissance est déséquilibrée. L’investissement est à la fois une composante de l’offre et une composante de la demande. D’une part, en investissant, les entreprises augmentent leurs capacités de production (l’offre tend à augmenter). D’autre part, si une entreprise investit, c’est qu’elle achète par définition des machines ou autres moyens de production à d’autres entreprises (la demande tend à augmenter). Si l’augmentation de l’offre correspond à l’augmentation de la demande, alors la croissance sera équilibrée, mais rien n’assure que ce sera effectivement le cas. Selon Harrod et Domar, la croissance risque d’être déséquilibrée, instable. Deux situations sont alors possibles. Si l’offre est supérieure à la demande, alors l’économie se retrouve en surproduction, elle s’éloigne du plein emploi et elle risque de connaître une déflation. Inversement, Si la demande est supérieure à l’offre, l’économie subit alors des tensions inflationnistes.

Leur deuxième conclusion est que les déséquilibres sont cumulatifs. Si la demande est supérieure à l’offre (cas inflationniste), les entreprises vont chercher à accroître leurs capacités de production pour répondre à l’excès de demande. Or, en investissant, elles créent une demande supplémentaire. Il est alors probable que l’excès de demande s’intensifie au lieu de se réduire. Inversement, si l’offre est supérieure à la demande (cas de surproduction), les entreprises risquent de réduire leurs dépenses d’investissement, donc de réduire plus amplement la demande. Dans tout les cas, un simple déséquilibre risque de s’amplifier au cours du temps : la croissance est « sur le fil du rasoir » selon Harrod.

Keynes avait démontré que l’Etat doit intervenir à court terme pour sortir l’économie du sous-emploi. Harrod et Domar montrent que les autorités publiques ont un rôle à jouer dans la croissance à long terme en veillant à ce qu’elle soit équilibrée. En assouplissant et resserrant ses politiques conjoncturelles, l’Etat va ajuster la demande globale de manière à ce qu’elle s’équilibre avec l’offre globale.

3. Le modèle néoclassique de Solow

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Dans une perspective de long terme, Robert Solow réalise en 1956 le premier modèle de croissance néoclassique. Dans ce modèle, les entreprises combinent du travail et du capital pour produire des biens. Elles utilisent l’épargne des ménages pour investir et ainsi accroître les capacités de production. Ainsi, plus l’économie épargne, plus les entreprises peuvent accumuler du capital. Toutefois, Solow fait l’hypothèse d’une décroissance des productivités marginales : plus un travailleur dispose de machines, moins la machine supplémentaire lui permet d’accroître sa production. Autrement dit, plus le stock de capital augmente, moins la production augmente rapidement. Par conséquent, en l’absence de progrès technique, la croissance tend peu à peu vers zéro et l’économie risque finalement de se retrouver dans une situation où la production n’augmente plus, mais stagne. Solow retrouve donc ici l’idée des classiques selon laquelle l’économie converge vers un état stationnaire.

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A long terme, la croissance ne peut venir que du progrès technique : ce dernier permet de relever la productivité du capital, si bien que l’économie retarde l’instant où elle arrivera à l’état stationnaire. Par exemple, si un travailleur était capable de produire une quantité Q de biens à partir de K machines ; grâce au progrès technique, il est désormais capable de produire la quantité Q’. Le progrès technique permet aux travailleurs de produire plus avec la même quantité de facteurs. A la limite, tant qu’il y a du progrès technique, l’économie génère toujours de la croissance et ne connaît jamais l’état stationnaire.

Le modèle de Solow souffre toutefois de plusieurs limites :

  • Il suppose que l’épargne est favorable à la croissance. Or, à court terme, comme le soulignent les keynésiens, une hausse de l’épargne (donc une baisse des dépenses) est susceptible de faire basculer l’économie dans la récession et d’entraîner une hausse du chômage. Selon la logique keynésienne, c’est au contraire la perspective d’une forte demande qui incite les entreprises à investir.

  • Le modèle de Solow met en évidence l’importance du progrès technique pour la croissance à long terme, mais il ne parvient pas à expliquer celui-ci. Le progrès technique est « exogène » dans son modèle, c’est-à-dire indépendant du comportement des agents. Paradoxalement, selon Solow, la croissance dépend de quelque chose dont il ne connaît pas l’origine. Le progrès technique apparaît comme une « manne » dans son modèle : il « tombe du ciel ». Il faut donc que de nouvelles théories parviennent à expliquer d’où provient le progrès technique (chose que feront les théories de la croissance endogène dans les années quatre-vingt).

4. Les théories de la croissance endogène

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Apparues dans les années quatre-vingt, les théories de la croissance endogène visent à expliquer le caractère cumulatif de la croissance ou, autrement dit, à expliquer pourquoi certains pays ne parviennent pas à amorcer un processus de croissance et demeurent alors dans une trappe à sous-développement. A la différence du modèle de Solow, les modèles de croissance endogène font l’hypothèse que les rendements sont croissants (grâce aux externalités) et considèrent que le progrès technique est endogène, c’est-à-dire qu’il dépend du comportement des agents. Autrement dit, tout comme chez Solow, le progrès technique génère de la croissance économique, mais en retour cette dernière est également susceptible de générer du progrès technique.

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Il y a trois principaux modèles de croissance endogène :

  • Robert Lucas (prix Nobel en 1995) souligne l’importance du capital humain pour la croissance. Un travailleur devient plus productif lorsqu’il accumule des connaissances et des compétences, or celles-ci ne s’usent pas : le capital humain est un facteur cumulatif, qui présente des rendements croissants. Donc un cercle vertueux est à l’œuvre : plus les individus obtiennent de nouvelles connaissances et compétences, plus ils sont capables d’acquérir de nouvelles connaissances de compétences. Robert Lucas se contente de développer l’idée qu’accumuler du capital humain permet au travailleur d’être plus productif, mais nous pouvons aller plus loin : en accumulant du capital humain, un individu est capable d’innover, de créer des idées, un savoir et des savoir-faire qui n’existaient pas auparavant.

  • Paul Romer met l’accent sur la recherche-développement, c'est-à-dire l'accumulation de capital technologique. Pour innover, un chercheur utilise le savoir qui est disponible à son époque ; en innovant, il accroît le savoir disponible pour les autres chercheurs, notamment ceux des générations futures. Par conséquent, les dépenses de recherche-développement réalisées par une entreprise lui permettent d’accroître sa productivité et d’innover ; grâce aux externalités, elles profitent également aux autres entreprises. Donc un cercle vertueux est à l’œuvre : en innovant, une entreprise permet aux autres entreprises d’innover.

  • Robert Barro souligne le rôle jouée par l’investissement public, c'est-à-dire l'accumulation de capital public, dans la croissance : les infrastructures publiques (routes, aéroports, éclairage public, réseau de distribution d’eau, etc.) stimulent la productivité des agents privés et par conséquent l’activité. Or, avec la croissance, l’Etat prélève davantage de taxes et d’impôts, donc il peut financer de nouvelles infrastructures. Donc, un cercle vertueux est à l’œuvre : l’investissement public favorise la croissance et la croissance favorise en retour l’investissement public.

Le capital humain, la recherche-développement et l’investissement public sont donc sources de progrès technique. Bien que ces trois auteurs soient néoclassiques et se montrent réticents à l’idée d’utiliser les politiques conjoncturelles pour stabiliser l'activité à court terme, leurs théories suggèrent que l’intervention de l’Etat peut améliorer la croissance à long terme. Ils préconisent donc des politiques structurelles (par exemple : développer les infrastructures, favoriser l’éducation, stimuler la recherche-développement en accordant des crédits d'impôt aux entreprises innovantes, etc.).



voir aussi...
Les théories des crises
Les théories du chômage



lycée René Descartes (Champs sur Marne) - dernière révision le 08/08/2013