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Tag - crises financières

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vendredi 5 août 2016

Hyman Minsky et l’hypothèse d’instabilité financière



Depuis le début de sa carrière universitaire dans les années cinquante jusqu’à 1996, année de sa mort, Hyman Minsky est resté dans une relative obscurité. Ses travaux autour des crises financières et de leurs causes lui permit d’attirer quelques fervents admirateurs, mais pas l’attention des médias et de l’économie mainstream : The Economist ne le cita qu’une seul fois lorsqu’il était vie (...). Les choses demeurèrent ainsi jusqu’à 2007, lorsque la crise du crédit subprime éclata aux Etats-Unis. Soudainement, c’était comme si chacun se tournait vers ses écrits afin de comprendre le chaos qui se généralisait alors. Les brokers écrivaient des notes à leurs clients où ils évoquaient un "moment Minsky" (Minsky moment) submergeant les marchés financiers. Les banquiers centraux faisaient référence à ses théories dans leurs discours. Et il devint une star posthume des médias (…). The Economist l’a par exemple mentionné dans plus d’une trentaine d’articles depuis 2007.

Si Minsky est resté dans l’obscurité tout au long de sa vie, c’est au moins en partie parce que son approche s’écartait des conventions académiques. Il commença ses études universitaires en mathématiques, mais il fit peu usage de calculs lorsqu’il passa à l’économie, malgré la place croissante que la discipline accordait aux méthodes quantitatives. Il développa ses idées dans ses essais, ses conférences et ses livres, notamment son livre sur John Maynard Keynes, l’économiste qui influença le plus grandement sa pensée. Il gagna aussi une expérience sur le terrain, en travaillant à la Mark Twain Bank à St Louis, dans le Missouri, où il enseigna.

Ayant grandi durant la Grande Dépression, Minsky était obnubilé par ce désastre. Tout au long de son existence, il revenait sans cesse au même problème fondamental. Il voulait comprendre pourquoi les crises financières éclataient. C’était alors un sujet impopulaire. La croyance dominante dans la seconde moitié du vingtième siècle était que les marchés étaient efficients. La perspective d’une calamité générale dans les économies développées semblait improbable. Il pouvait y avoir occasionnellement un krach boursier ou une crise de change, mais les économies modernes semblaient avoir vaincu leurs pires démons.

Doutant de ces certitudes, Minsky (…) développa son "hypothèse d’instabilité financière" (financial instability hypothesis). Celle-ci explique comment de longues périodes de prospérité sèment les graines de la crise suivante, un cadre des plus pertinents pour comprendre les tumultes de la décennie qui vient de s’écouler. Mais l’histoire de l’hypothèse elle-même est tout aussi importante. Sa trajectoire depuis les marges du monde universitaire jusqu’au cœur des débats mainstream montre comment l’étude de l’économie s’adapte à une réalité qui a profondément changé depuis la crise financière mondiale.

Minsky commença par une explication de l’investissement. Ce dernier est, par essence, un échange de monnaie aujourd’hui avec de la monnaie demain. Une entreprise paye maintenant pour la construction d’une usine ; les profits tirés de l’exploitation de l’usine, si tout va bien, se traduisent en monnaie au cours des années suivantes. Pour résumer, la monnaie d’aujourd’hui peut venir de deux sources : la propre trésorerie de l’entreprise ou des autres (ce qui sera le cas, par exemple, si l’entreprise emprunte auprès d’une banque). L’équilibre entre les deux est la question clé pour le système financier.

Minsky a distingué entre trois formes de financement. Le premier, qu’il qualifie de "financement prudent" (hedge financing), est le plus sûr : les entreprises utilisent leurs recettes de trésorerie futures pour rembourser la totalité de leur emprunt. Pour que cela fonctionne, elles doivent avoir peu emprunté et généré suffisamment de profits. Le deuxième, le "financement spéculatif" (speculative financing), est un peu plus risqué : les entreprises utilisent leurs recettes de trésorerie pour rembourser les intérêts, mais elles doivent emprunter à nouveau pour rembourser le principal. C’est soutenable aussi longtemps que l’économie fonctionne sans heurts, mais un ralentissement de l’activité peut se révéler déstabilisatrice. Le troisième, le "financement Ponzi" (Ponzi financing), est le plus dangereux : les flux de recettes de trésorerie ne couvrent ni le principal, ni les intérêts. Les entreprises font simplement le pari que l’actif sous-jacent s'appréciera suffisamment pour couvrir leur passif. Si ce n’est pas le cas, elles vont faire faillite.

Les économies dominées par le financement prudent (c’est-à-dire par les entreprises disposant d’importants flux de trésorerie et de faibles niveaux de dette) sont les plus stables. Quand le financement spéculatif et surtout Ponzi se généralisent, les systèmes financiers deviennent plus vulnérables. Si les prix d’actifs commencent à chuter, soit en raison du resserrement de la politique monétaire ou d’un choc externe, les entreprises qui se retrouvent en difficultés vont être forcées de vendre leurs actifs. Cela pousse davantage les prix d’actifs à la baisse et met encore davantage d’entreprises en difficultés. Elles auraient pu éviter une telle issue en se contentant de recourir au financement prudent. Mais, au cours du temps, en particulier lorsque l’économie est en expansion, la tentation de s’endetter devient peu à peu irrésistible. Lorsque la croissance économique semble assurée, pourquoi ne pas emprunter plus ? Les banques se laissent également gagner par l’optimisme et assouplissent les conditions de crédit à mesure que le boom se poursuit. Si les défauts de remboursement sont peu fréquents, pourquoi ne pas prêter plus ? La conclusion de Minsky était déconcertante. La stabilité économique alimente l’instabilité. Les périodes de prospérité sont le théâtre d’une véritable fragilisation financière.

Avec le souvenir des banques surendettées et des difficultés hypothécaires toujours dans les esprits après la crise financière mondiale, les intuitions de Minsky semblent relever de l’évidence. Bien sûr, la dette et la finance importent. Mais pendant des décennies, la recherche en économie n’accordait que peu de place à la première et considérait la seconde comme une sous-discipline, non comme un élément essentiel de théories plus larges. Minsky était un franc-tireur. Il remit en question l’ossature keynésienne de la macroéconomie et la croyance dans les marchés efficients qui prévalait alors.

Il est peut-être étrange de décrire ses idées comme une critique de la doctrine keynésienne alors que Minsky lui-même idolâtrait Keynes. Mais il croyait que cette doctrine s’était bien trop éloignée des idées fondamentales de Keynes. Les économistes avaient créé des modèles pour formaliser les mots de Keynes (…). Aucun modèle n’est plus connu que le modèle IS-LM, qui a été en grande partie développé par John Hicks et Alvin Hansen et qui montre la relation entre l’investissement et la monnaie. Il reste un outil utile pour enseigner et pour analyser la politique économique. Mais Hicks et Hansen ont fait abstraction du secteur financier, alors même que Keynes était profondément convaincu de l’importance des marchés financiers. Pour Minsky, IS-LM était "une représentation injuste et naïve des idées subtiles et sophistiquées de Keynes". L’hypothèse d’instabilité financière de Minsky visait à combler les lacunes.

L’attaque que Minsky a lancée aux prophètes de l'efficience des marchés était encore plus forte. Eugene Fama et Robert Lucas, parmi d’autres, ont persuadé la plupart des universitaires et des responsables politiques que les marchés financiers tendaient vers l’équilibre à mesure que les gens digéraient toute l’information disponible. Ils considéraient la structure du système financier comme peu pertinente. Au cours des dernières années, l’économie comportementale s’est attaquée à un pilier de l'hypothèse des marchés efficients : loin d’être des acteurs rationnels qui maximisent leurs gains, les gens ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent et prennent de mauvaises décisions. Mais, au cours des années précédentes, Minsky s’était attaqué à un autre pilier : les forces qui sont à l’œuvre dans les systèmes financiers les poussent vers la catastrophe, affirmait-il, la stabilité n’étant qu’une éphémère illusion. (...)

Marginal dans le monde parfois très fermé de l’économie, Minsky n’avait, jusqu’à récemment, qu’une influence limitée. Les investisseurs financiers ont été plus rapides que les universitaires pour se saisir de ses idées. C’est surtout PaulMcCulley, de PIMCO, un groupe de gestion de fonds, qui popularisa ses idées. Il façonna le terme de "moment Minsky" pour décrire une situation où les niveaux de dette atteignent leur point de rupture et où les prix d’actifs commencent à chuter. McCulley utilisa initialement ce terme pour expliquer la crise russe de 1998. Depuis les turbulences mondiales de 2008, il est devenu très répandu. Pour les analystes en placements et les gestionnaires de fonds, un "moment Minsky" est quelque peu devenu le synonyme de crise financière.

Les écrits de Minsky à propos de la dette et des dangers de l’innovation financière avaient comme vertu d’être en accord avec l’expérience. Mais cette vertu est pourtant liée à ce que certains voient comme un défaut. En essayant de peindre une image plus nuancée de l’économie, il se prive de la puissance des modèles élégants. C’était bien loin de l’inquiéter ; il affirmait que les théories généralisables étaient vouées à l'échec. Il voulait expliquer des situations spécifiques, pas l’économie en général. Il voyait l’hypothèse d’instabilité financière comme pertinente dans le cas des économistes capitalistes avancées dotées de marchés financiers profonds, sophistiqués. Elle n’était pas censée être pertinente dans tous les scénarii. Ces jours-ci, par exemple, il est à la mode de s’interroger si la Chine est sur le point de connaître un moment Minsky après la croissance spectaculaire de sa dette au cours de la décennie passée. Pourtant une économie qui est en transition du socialisme vers une économie de marché et qui se caractérise par un système financier immature est loin de ce que Minsky avait en tête.

Se priver de la puissance des équations et des modèles n’est pas sans coûts. Cela contribua ce que les auteurs mainstream ignorent Minsky. Les économistes n’ignoraient pas entièrement la dette, même s’ils l’étudiaient seulement de façon parcellaire. Certains, comme Nobuhiro Kiyotaki et Ben Bernanke, qui s’est retrouvé depuis à la tête de la Réserve fédérale, ont observé comment le crédit pouvait amplifier les cycles d’affaires. Les travaux de Minsky peuvent compléter les leurs, mais ils n’y firent pas référence. C’était un peu comme s’ils n’existaient pas.

Depuis la mort de Minsky, d’autres ont cherché à corriger ce manque, en greffant ses théories dans des modèles. Le Levy Economics Institute de New York, où il finit sa carrière, tient chaque année une conférence en son honneur et publie régulièrement des travaux qui modélisent ses idées. Un de ces documents de travail, publié en 2000, développa un modèle inspiré de Minsky liant l’investissement et les flux de trésorerie. Un article de 2005 publié par la Banque des Règlements Internationaux (…) s’est appuyé sur Minsky pour proposer un modèle décrivant comment les gens évaluent leurs actifs après avoir réalisé des pertes. En 2010, le "prix Nobel" Paul Krugman, qui est surtout connue aujourd’hui en tant que chroniqueur au New York Times, a réalisé avec Gauti Eggertsson un document de travail qui inclut les idées de Minsky pour modéliser l’impact du désendettement sur l’économie. Certains chercheurs commencent tout juste de tester à quel point les intuitions de Minsky sont vérifiées par les faits : en observant les ratios dette sur flux de trésorerie, un document de travail de la Banque de Finlande publié en 2014 a constaté qu’ils constituent un indicateur pertinent pour juger du risque systémique. (...)

(…) Comme Krugman a pu l’affirmer, "Nous sommes tous minskyens désormais". Les banquiers centraux semblent d’accord avec lui. Dans un discours prononcé en 2009, avant qu’elle ne se retrouve à la tête de la Fed, Janet Yellen dit que les travaux de Minsky étaient "devenus une lecture incontournable". Dans un discours prononcé en 2013, Mervyn King, qui était encore gouverneur de la Banque d’Angleterre, se dit en accord avec l’idée selon laquelle la stabilité sur les marchés du crédit entraînait une exubérance et en définitive à l’instabilité. Mark Carney, qui a succédé à King, fit référence au moment Minsky au moins à deux reprises.

Est-ce que cela va durer ? La théorie même de Minsky suggère que non. La croissance économique est toujours fragile et les cicatrices de la crise toujours manifestes. Dans la trajectoire minskyenne, c’est à ce moment-là que les entreprises et les banques se montrent les plus prudentes, qu’elles sont conscientes des erreurs passées et déterminées à renforcer leurs bilans. Mais à mesure que le temps passe, le souvenir de la crise de 2008 s’efface. Les entreprises vont à nouveau chercher à se développer, les banques à les financer et les régulateurs à assouplir les contraintes réglementaires. Les avertissements de Minsky seront peu à peu ignorés. Plus on s’éloigne de la dernière crise, moins on désire entendre ceux qui voient déjà la prochaine arriver. »

The Economist, « Minsky’s moment », 30 juillet 2016. Traduit par Martin Anota



« L'hypothèse d'instabilité financière »

« Anatomie des booms du crédit »

« Endettement, déflation et crises financières »

« Endettement, déflation et crises financières »

« Krugman, Fisher et Minsky »

vendredi 12 septembre 2014

Le coût des catastrophes

GRAPHIQUE La baisse du PIB par habitant (en %) suite à...

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source : The Economist (2014)



lire « Les catastrophes climatiques affectent-elles la croissance à long terme ? »

mercredi 5 février 2014

Les misérables

GRAPHIQUE Indice de sévérité des crises bancaires

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source : The Economist (2014), d'après Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff


aller plus loin... lire « Quelle reprise après une crise bancaire ? » à propos de la dernière étude de Reinhart et Rogoff

jeudi 2 mai 2013

Repenser la politique macroéconomique

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« Le FMI vient d'accueillir une deuxième conférence visant à repenser la politique macroéconomique dans le sillage de la crise. Après deux jours de présentations et de discussions passionnantes, je suis certain d'une chose : il est peu probable que ce soit notre dernière conférence sur le sujet. Les réflexions et les réformes sont en cours. Mais nous n’en connaissons toujours pas la destination finale, que ce soit pour la redéfinition de la politique monétaire, pour les contours de la réglementation financière ou encore pour le rôle des outils macroprudentiels. Nous avons une idée générale de la direction, mais nous sommes en grande partie en train de naviguer à vue. Je vais prendre six exemples, inspirés de la conférence. Davantage de réflexions sont développées dans un document récent.

1. La régulation financière.

Il n'y a pas de vision commune de ce à quoi la future architecture financière devrait ressembler et par voie de conséquence, aucune vision commune de ce que devrait être la régulation financière. Vous vous souvenez peut-être de la célèbre phrase de Paul Volcker : la seule innovation financière de ces quarante dernières années qui se soit révélée utile est le distributeur automatique. C'est sûrement une exagération. Mais nous avons encore des doutes sur le rôle exact de la titrisation, sur la vraie portée des produits dérivés, sur le rôle des marchés par rapport à celui des banques et sur le rôle du système bancaire parallèle par rapport à celui du système bancaire traditionnel.

Pourtant, nous sommes tous d'accord pour dire que certaines choses doivent changer et les décideurs politiques mettent effectivement en place des mesures dans le cadre d’initiatives internationales ou nationales. Un exemple est l'augmentation des ratios des exigences en capital. Elle n’est pas une panacée, mais elle peut certainement rendre le système financier plus robuste. Malgré cela, cependant, je suis frappé de voir le degré d'incertitude et de désaccord sur les effets que les ratios de fonds propres peuvent avoir sur les coûts de financement et donc sur les prêts. Des gens comme Martin Hellwig et Anat Admati soutiennent que nous ne sommes pas si loin du monde de Modigliani-Miller et que les banques peuvent se permettre des ratios de fonds propres beaucoup plus élevés. D'autres, et pas seulement les banquiers, soutiennent que de tels ratios détruiraient plutôt le secteur bancaire.

Les flux de capitaux et, par voie de conséquence, le rôle des contrôles de capitaux sont un autre exemple. J'ai été surpris par la présentation d'Hélène Rey où elle a montré comment les études économétriques parviennent difficilement à mettre en évidence les avantages des flux de portefeuille. J'ai aussi été surpris par la question de Stanley Fischer : quelle est l'utilité des entrées de capitaux à court terme? De toute évidence, ce que nous pensons de la portée des contrôles de capitaux dépend de beaucoup de la réponse à ces questions fondamentales.

2. Le rôle du secteur financier

C'est devenu un cliché de dire que la pensée macroéconomique a sous-estimé le rôle des facteurs financiers dans les fluctuations économiques. Une grande partie des travaux analytique s’est évertuée ces cinq dernières années à réintroduire le système financier dans nos modèles. Mais ils n'y sont pas encore pleinement arrivés. Par exemple, y a-t-il cycle du crédit et financier, distinct du cycle économique, comme le suggère Claudio Borio ? Ou devrions-nous penser les chocs financiers comme une autre source de perturbation et le système financier juste comme une autre source d'amplification ? Stephan Gerlach a-t-il eu raison de demander si nous devrions vraiment reconsidérer toute la macroéconomie pour un événement qui peut se produire une fois tous les cent ans ? Ou bien, au contraire, les chocs financiers et le système financier sont-ils si centraux aux fluctuations macro-économiques que le modèle IS-LM (qui, comme vous vous en souvenez, n'inclut aucun système financier explicitement) ne constitue pas une introduction acceptable en macroéconomie?

Par voie de conséquence, il n'y a pas d'accord sur comment (ou même si nous devons) intégrer la stabilité financière et la stabilité macroéconomique dans le mandat des banques centrales. Faut-il adapter le ciblage d'inflation ou bien se mettre plus radicalement en question ? Une attitude paresseuse serait de considérer que les outils macroprudentiels vont prendre soin de la stabilité financière, donc que la politique monétaire peut toujours se concentrer sur (…) le ciblage d’inflation. (…) Michael Woodford, lors de cette conférence, a suggéré que la crise doit nous conduire à délaisser le ciblage de l'inflation pour adopter le ciblage des revenus nominaux, sans mettre l’accent sur la stabilité financière. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne réponse. Je pense que nous devons être réalistes sur le rôle que peuvent jouer les outils macroprudentiels et je pense que la politique monétaire ne peut ignorer la stabilité financière. Ce qui m'amène à mon troisième point.

3. Les outils macroprudentiels

(…) En 2011, (…) il était clair que les deux outils standards, la politique budgétaire et la politique monétaire, n'étaient pas les bons pour faire face aux déséquilibres et risques financiers. La question était alors : est-ce que la politique macroprudentielle va être le troisième pilier de la politique macroéconomique ou bien juste une béquille pour aider les deux premiers ?

Nous n'avons pas encore la réponse. Mais comme de plus en plus de pays utilisent ces outils, nous apprenons. Je tire deux leçons des études empiriques et des témoignages que j’ai pu entendre aujourd'hui. Tout d'abord, ces outils fonctionnent, mais leurs effets sont encore difficiles à calibrer, et lorsqu'ils sont utilisés, ils semblent modérer et non stopper les booms. C'est aussi ma lecture de l'exposé du Gouverneur Kim. Deuxièmement, de par leur nature, ils affectent des secteurs spécifiques et des groupes spécifiques, et soulèvent des questions d'économie politique. Cela ressort clairement de la présentation de Stanley Fischer sur l'utilisation des ratios prêt sur valeur en Israël.

4. La répartition des tâches entre les politiques microprudentielle, macroprudentielle et monétaire

Comment coordonner la régulation microprudentielle et la régulation macroprudentielle ? On dit parfois qu’elles sont susceptibles de connaître des conflits. Conceptuellement, je ne vois pas pourquoi elles le devraient : j’ai une optique macroprudentielle tout simplement en tenant compte des effets systémiques et l'état de l'économie dans la réflexion sur la réglementation bancaire et la situation de chaque institution financière. Par exemple, la réglementation macroprudentielle exige des ratios de capital plus élevés pour les banques d'importance systémique ou des ratios de capital plus élevés lorsque la croissance globale du crédit semble trop élevée. La question est de savoir comment façonner la division du travail et les interactions entre les deux (…).

Si ce n'est pas fait correctement, cela pourrait signifier que, lors d’une crise, le superviseur microprudentiel risque d’ignorer les événements en cours et leur dimension systémique et exige des ratios de fonds propres plus élevés, alors que le superviseur macroprudentiel estime justement qu’il est nécessaire de les réduire. L'approche du Royaume-Uni, avec la création d'un Comité de stabilité financière qui peut imposer des ratios de fonds propres, variant dans le temps et dans tous les secteurs, semble être une bonne façon de procéder. Vous pouvez en lire plus sur ce sujet en vous penchant sur la contribution d’Andrew Haldane.

Comment la régulation macroprudentielle et la politique monétaire doivent être combinées soulève des questions plus complexes. Il y a peu de doutes que chacune des deux affecte l'autre : la politique monétaire affecte la prise de risque et les outils macroprudentiels affectent la demande globale. Donc, les décideurs politiques doivent se coordonner. Étant donné que la politique monétaire doit sûrement rester avec la banque centrale, ceci suggère de les mettre toutes les deux sous le contrôle de la banque centrale. Mais cela soulève à son tour la question de l'indépendance de la banque centrale. C'est une chose de donner l'indépendance à la banque centrale en ce qui concerne le taux directeur, il est une autre de la laisser fixer les ratios prêts sur valeur et les ratios dette sur revenu. À un certain point, la question du déficit démocratique se pose. Peut-être que la solution est (…) de donner divers degrés d'indépendance à la banque centrale. Stanley Fischer a fait une belle analogie (…) en disant que toute personne mariée comprend facilement la notion de divers degrés d’indépendance. Encore une fois, l'approche du Royaume-Uni, avec ses deux comités parallèles au sein de la banque centrale, l'un se concentrant sur la politique monétaire, l'autre sur la politique financière avec un ensemble limité d'outils macroprudentiels (…) apparaît comme une approche raisonnable.

5. Le niveau soutenable de la dette publique

Le taux de consolidation budgétaire dépend, entre autres choses, de ce que nous estimons être un niveau soutenable de la dette. Beaucoup de pays vont devoir gérer des niveaux d'endettement proches de 100 % du PIB encore de nombreuses années. Les manuels offrent toute une liste de coûts associés à une dette publique élevée, allant de la moindre accumulation du capital à la hausse de la pression fiscale. Je pense que les coûts sont autres. J’en vois essentiellement deux.

Le premier coût est celui du surplomb de dette (debt overhang). Plus la dette est élevée, plus la probabilité de défaut est élevée, plus la prime de risque sur les obligations d'État est élevée et plus il est difficile pour le gouvernement d'assurer la soutenabilité de la dette. Mais les effets négatifs ne s'arrêtent pas là. Des primes de risque souverain élevées affectent les primes de risque du crédit privé et celles-ci dépriment à leur tour l'investissement et la consommation. Une plus grande incertitude sur la soutenabilité de la dette et, par conséquent, sur l'inflation et la fiscalité futures affecte toutes les décisions. Je suis frappé de voir à quel point notre compréhension de ces canaux est limitée. (…)

Le second coût correspond au risque d'équilibres multiples. À des niveaux élevés de dette, il peut y avoir deux équilibres, d’une part, un "bon équilibre" pour lequel les taux d’intérêt sont bas et la dette est soutenable et, d’autre part, un "mauvais équilibre" pour lequel les taux sont élevés, le fardeau des intérêts plus lourd et, par conséquent, la probabilité de défaut elle-même plus élevée. Lorsque la dette est très élevée, il suffit d’un petit changement d’humeur de la part des investisseurs pour passer du bon au mauvais équilibre. Je pense que cela est en partie à l'œuvre derrière les spreads des obligations italiennes et espagnoles. Dans ce contexte, Martin Wolf a posé une question provocatrice : pourquoi les primes de risque sont beaucoup plus élevées pour l'Espagne que pour le Royaume-Uni ? La dette et les déficits sont en fait légèrement plus faibles en Espagne qu’au Royaume-Uni. Pas de doute, la situation économique globale de l'Espagne est pire que celle du Royaume-Uni, mais est-ce que cela explique entièrement l'écart entre les primes de risque ? La réponse pourrait se trouver dans la différence de politique monétaire? Dans le cas du Royaume-Uni, les investisseurs s'attendent à ce que la Banque d'Angleterre intervienne si nécessaire pour maintenir le bon équilibre, alors qu'ils estiment que la Banque centrale européenne n'a pas le mandat pour le faire en ce qui concerne l’Espagne ? Ce sont des questions centrales que nous devons davantage étudier.

6. Equilibres multiples et communication

Dans un monde d'équilibres multiples, les annonces ont beaucoup d’importance. Prenons par exemple le cas du programme Outright Monetary Transaction annoncé par la Banque centrale européenne. L'annonce du programme peut avoir éliminé l’une des sources d'équilibres multiples sur les marchés des obligations souveraines, à savoir le risque de redénomination, c’est-à-dire le danger que les investisseurs, convaincus qu'un pays de la périphérie pourrait quitter l'euro, exigent une alors prime plus élevée, forçant par là ce pays à sortir de la zone euro. L'annonce a été une réussite, sans que le programme ait dû être effectivement utilisé.

De ce point de vue, la récente annonce par laquelle la Banque du Japon a affirmé son intention de doubler la base monétaire est encore plus intéressante. L’effet que cela aura sur l'inflation dépend beaucoup de la façon par laquelle les ménages et entreprises japonais modifient leurs anticipations d'inflation. S’ils les révisent à la hausse, cela affectera leurs décisions de salaires et de prix et conduira à une accélération de l'inflation, ce qui est justement le résultat que recherchent les autorités pour tirer le Japon de la déflation. Mais si les ménages et entreprises ne révisent pas leurs anticipations, il n'y a aucune raison de penser que l'inflation va fortement accélérer. L’objectif derrière cette forte expansion monétaire est donc en grande partie de générer un choc psychologique et de modifier les perceptions et la dynamique des prix. Est-ce que cela va fonctionner avec les autres mesures prises par les autorités japonaises ? Espérons-le. Mais nous sommes très loin des effets mécaniques de la politique monétaire que décrivent les manuels. »

Olivier Blanchard, « Rethinking Macroeconomic Policy », in iMFdirect (blog), 29 avril 2013.

vendredi 14 décembre 2012

Le cycle financier selon Claudio Borio

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« Claudio Borio est l'un des économistes monétaires les plus provocateurs et intéressants qui soient au monde. Basé à la Banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle, Borio fait partie de cette poignée de personnes qui signalèrent la fragilité du système financier en 2003. Maintenant, il publie un nouveau document de travail intitulé "The financial cycle and macroeconomics: What have we learnt?". Cette importante étude résume ce que nous savons à propos des cycles de booms et d’effondrements, les suggestions de Borio quant à l'agenda des futures recherches en macroéconomie et les réponses politiques optimales aux crises financières. Ce qui suit est un résumé et une analyse des passages les plus intéressants de cet article. Ceux qui sont intéressés devraient le lire en entier.

Il est utile de citer la thèse de Borio en entier : "Les économistes tentent aujourd’hui d'intégrer, avec beaucoup de difficultés, les facteurs financiers dans les modèles macroéconomiques standards. Cependant, leur stratégie (…) est conservatrice. Elle consiste à greffer de soi-disant frictions financières dans les modèles d'équilibre (…), construits sur des fondations tirées de la théorie des cycles d’affaires réels et agrémentés de quelques rigidités nominales. L'approche est résolument ancrée dans le paradigme d’équilibre général stochastique (DSGE) des nouveaux keynésiens… Or, la macroéconomie sans le cycle financier est comme Hamlet sans le Prince. Dans l’environnement qui a prévalu durant plus de trois décennies, tout comme le contexte qui prévalait avant la Seconde Guerre mondiale, il n'est tout simplement pas possible de comprendre les cycles d'affaires et les défis qu’ils posent à la politique économique sans comprendre le cycle financier. Cela exige une refonte des stratégies de modélisation, ainsi que d’importants ajustements des politiques macroéconomiques.

Quel est ce "cycle financier"? Bien qu’"il n'y ait pas de consensus sur sa définition", il peut être compris selon M. Borio comme une séquence d’"interactions qui se renforcent mutuellement entre les perceptions de la valeur et des risques... et qui se traduisent régulièrement par des booms suivis par un effondrement". Cela correspond à de fortes augmentations et diminutions du montant de la dette privée par rapport au revenu, ainsi que des prix d'actifs financés par la dette, notamment de l'immobilier. Pour Borio, le cycle financier a plusieurs traits saillants qui font qu'il soit ignoré par les économistes du courant dominant. Tout d'abord, il a une fréquence beaucoup plus faible qu'un cycle économique typique. Au lieu d'aller du pic au creux tous les 5-7 ans, le cycle financier peut s’étirer sur plusieurs décennies. (…) Deuxièmement, l'amplitude du cycle financier est très large par rapport à l'amplitude du cycle d’affaires normal. Cette combinaison signifie que le cycle financier produit des booms soutenus et de profonds ralentissements. Heureusement, Borio souligne que nous disposons des outils analytiques adéquats pour observer le cycle financier (…). Cela signifie que, si nous choisissons de le faire, nous pourrions ériger des sauvegardes contre le genre d'instabilité financière qui s'est révélée si douloureuse au cours de ces dernières années :

"La libéralisation financière affaiblit les contraintes de financement, soutient l’interaction autoalimentée entre les perceptions de la valeur et des risques, les attitudes face au risque et les conditions de financement. Un régime de politique monétaire qui se focalise exclusivement à contrôler l'inflation à court terme désactive la nécessité de resserrer la politique lorsque les booms financiers surviennent dans un contexte d'inflation faible et stable. Et les principaux développements positifs du côté de l'offre, tels que ceux liés à la mondialisation du côté de l'économie réelle, alimentent puissamment les booms financiers : ils augmentent le potentiel de croissance et donc les possibilités de crédit et de flambée des prix d'actifs tandis qu’ils tendent en parallèle à contenir l'inflation, ce qui restreint par conséquent la marge de resserrement de la politique monétaire... La durée et l'amplitude du cycle financier ont augmenté de façon marquée depuis le milieu des années quatre-vingt, une bonne approximation pour le début de la nouvelle phase de libéralisation financière dans les économies avancées. Cette date est également une bonne approximation pour la mise en place de régimes monétaires plus efficaces dans la lutte contre l'inflation. Et le cycle semble être devenu particulièrement large et prolongé depuis les années quatre-vingt-dix, suite à l'entrée de la Chine et d'autres pays ex-communistes dans le système commercial mondial." La libéralisation, la mondialisation et l'inflation stable sont considérées comme de bonnes choses. Pourtant, si M. Borio a raison (…), ces développements positifs semblent avoir de très désagréables effets secondaires. (…) Les peuples du monde riche auraient au final été bien mieux sans les réformes menés ces dernières décennies.

La section suivante du document de Borio offre des recommandations pour reconstruire les modèles macroéconomiques afin de tenir compte des réalités empiriques du cycle financier. Il a trois conseils fondamentaux. Tout d'abord, le cycle doit être inhérent au modèle, plutôt que provoqué aléatoirement par des "chocs" inexpliqués provenant de l'extérieur. Deuxièmement, les modèles macroéconomiques doivent tenir compte de la façon dont la dette et l'excès d'investissement inhibent l'activité économique suite à un boom. Enfin, M. Borio recommande la révision du concept bancal de "production potentielle". Selon le point de vue conventionnel, la production potentielle correspond à "ce qui peut être produit sans entraîner des pressions inflationnistes". Toutefois, selon Borio, cette mesure est inutile pour les responsables politiques désirant déterminer une trajectoire des revenus qui soit "soutenable" parce qu'elle ignore "l’accumulation des déséquilibres financiers et les distorsions qu’elles masquent dans l'économie réelle". Borio combine ces idées pour opérer une rupture radicale avec la macroéconomie conventionnelle :

"Les modèles doivent traiter de véritables économies monétaires et non de de simples économies réelles (…), comme c'est souvent le cas. Dans la réalité, les contrats financiers sont rédigés en termes nominaux et non pas en termes réels. Plus important encore, le système bancaire ne se contente pas de transférer des ressources réelles, plus ou moins efficacement, d'un secteur à l'autre; il génère du pouvoir d'achat (nominal). Les dépôts ne sont pas des dotations qui précèdent la formation de prêt, ce sont au contraire les prêts qui génèrent les dépôts. L'argent n'est pas une soi-disant friction, mais un ingrédient nécessaire à l’amélioration des échanges. Et tandis que la création de pouvoir d’achat agit comme un carburant pour la machine économique, elle peut, lors du processus, conduire à l'instabilité, lorsqu'elle est combinée avec certains des éléments précédents. Travailler avec de meilleures représentations des économies monétaires devrait contribuer à éclairer les perturbations agrégées et sectorielles qui surviennent dans l'économie réelle (…). C'est seulement alors qu'il sera possible de pleinement saisir le rôle que joue la politique monétaire en macroéconomie. Et cela nous obligera à cesser de nous focaliser excessivement sur les concepts et méthodes d'équilibre pour enfin véritablement analyser les fluctuations conjoncturelles et redécouvrir les mérites de l'analyse du déséquilibre. "

Beaucoup d'universitaires à travers le monde ont travaillé (et travaillent) sur ces idées. Hyman Minsky, l'économiste américain, a pensé qu'il était plus utile de distinguer les agents économiques selon la façon par laquelle ils se financent plutôt que selon leur activité dans l’économie "réelle". Feu Wynne Godley a co-écrit un livre avec Marc Lavoie, professeur au Canada, sur la façon de modéliser l'économie comme un système de monnaie et de crédit. La modélisation basée sur les agents rejette les solutions d'équilibre en faveur d’énormes simulations informatiques, où les représentations des individus, des entreprises et des banques peuvent interagir et modifier leur environnement. Les chercheurs en Europe ont construit des modèles sophistiqués de l'économie européenne en utilisant cette technologie, tandis que d'autres l'ont utilisé pour améliorer notre compréhension des marchés financiers. Steve Keen, un économiste australien, a longtemps soutenu que la macroéconomie doit intégrer ces idées et a développé le prototype d'un programme informatique baptisé "Minsky", qui peut s’avérer utile pour modéliser les économies comme des systèmes monétaires. (…)

La dernière section du document de Borio est consacrée à la politique économique, en particulier à la façon par laquelle les gouvernements doivent faire face au retournement du cycle financier. Il encadre la discussion en comparant la réponse des pays nordiques à leur crise financière dans les années 1990, avec la réponse du Japon à sa propre crise au cours de la même période. Les pays nordiques se sont attaqués aux problèmes sous-jacents qui ont causé leur crise (en restructurant notamment les banques), tout en adoptant des mesures de relance à court terme (dévaluation de la monnaie et déficits budgétaires massifs). En revanche, selon Borio, les Japonais espéraient que leurs problèmes structurels (les bad banks) disparaissent tout simplement par eux-même, alors même qu'ils ne soutenaient pas suffisamment l'ajustement de leur économie avec de mesures de relance monétaire et budgétaire durant les premières années de la récession.

L'Amérique et l'Europe se sont sans doute mieux débrouillées que les Japonais dans leur réponse aux besoins que leurs économies ont manifesté à court terme, mais ils firent de bien moindres efforts que les pays nordiques pour restructurer leurs dettes. Cet échec contribue à expliquer la lenteur de la reprise aux Etats-Unis et l’absence même de reprise dans une grande partie de l'Europe. Pour être juste, les pays nordiques ont disposé d'un avantage important : leur petite taille leur permet d’accumuler d’importants excédents de comptes courants après la dévaluation de leurs monnaies. L'Amérique et l'Europe sont tout simplement trop grandes pour le faire sans bouleverser radicalement le système commercial mondial. En outre, les deux pays entretiennent peu de relations commerciales avec le reste du monde. (Les pays de la zone euro pris individuellement sont très ouverts, mais ils échangent surtout les uns avec les autres et sont donc incapables de dévaluer par rapport à leurs plus importants partenaires). En outre, alors que l'Amérique, la Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Espagne ont tous souffert de bulles de dette dans leur secteur privé, cela n'est pas le cas en Italie, au Portugal ou en Grèce, bien que ces pays détiennent de stocks très importants de dette publique libellés dans une monnaie qu'ils ne peuvent pas imprimer.

(…) A la suite d'une crise, les gouvernements doivent s'échiner à alléger la dette du secteur privé. Cela signifie fournir des liquidités aux ménages et aux entreprises afin qu'ils puissent rembourser leurs dettes, plutôt que réaliser des dépenses inutiles pour construire des ponts allant nulle part. (…) Dans une récession de bilan, la relance budgétaire doit (…) fournir au secteur privé les revenus dont il a besoin pour rembourser ses dettes et reconstituer son stock d'épargne sans avoir à réduire ses dépenses, ni à enclencher une spirale baissière de déflation par la dette (debt-deflation). Ainsi, l'efficacité de la politique économique peut être déterminée en observant les changements dans les bilans privés (…). Une fois que l’excès de dette est éliminé, la croissance peut alors reprendre à un rythme plus soutenable sans l'aide du gouvernement. Du moins en théorie.

Si la politique budgétaire peut être très utile lorsque le cycle financier se retourne, la politique monétaire a alors beaucoup moins de chances de réussir : "La politique monétaire fonctionne généralement en encourageant l'emprunt, en stimulant les prix d’actifs et la prise de risques. Mais aujourd’hui les conditions initiales comprennent déjà une dette excessive, des prix des actifs trop élevés et des prises excessives de risque. Il y a une inévitable tension entre la manière par laquelle la politique monétaire fonctionne et la direction que doit prendre l'économie." En outre, la politique monétaire expansionniste est plus susceptible d'avoir des effets secondaires négatifs (tels que la tendance des sociétés financières à jouer le "tout pour le tout") à la suite d'une crise (…). Ça entre en résonance avec les avertissements des investisseurs macroéconomiques sophistiqués tels que Ray Dalio (…) selon lesquels que les primes de risque sont devenues trop faibles.

Il semble peu probable que le nouvel article si dense et réfléchi de Borio ait une incidence sur le consensus. Quand William White, son collègue de la BRI, et lui ont averti le monde en 2003 qu’une bulle de crédit gonflait, ils ont totalement été ignorés par les établissements universitaires et politiques. Pourtant, ils avaient raison. (…) Le monde serait sage de leur tendre une oreille cette fois-ci. »

M.C.K, « Claudio Borio on the financial cycle », in Free Exchange (blog), 13 décembre 2012.

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