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Tag - déflation

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vendredi 19 juin 2015

La déflation est-elle une bonne ou une mauvaise chose ?

« Plusieurs études portant (…) sur les risques déflationnistes distinguent les épisodes de déflation selon le type de choc qui les ont provoqués : un choc d’offre génèrerait une bonne déflation, tandis qu’un choc de demande entraînerait une mauvaise déflation. Cette approche est trompeuse, car elle suggère qu’une bonne déflation stimule la production, tandis qu’une mauvaise déflation pousse l’économie dans la récession (…). En fait, la nature des chocs n’est pas pertinente (…).

La borne inférieure zéro sur les taux d’intérêt nominaux

Lorsque des chocs poussent l’inflation sous sa cible, les banques centrales réagissent en réduisant leurs taux directeurs. A travers le mécanisme de transmission, les autres taux d’intérêt nominaux dans l’économie déclinent aussi. En présence de rigidités des prix, cela implique une baisse des taux d’intérêt réels, ce stimule la demande agrégée et au final les prix, donc permet de rapprocher l’inflation de sa cible. Cependant la possibilité de détenir de la monnaie, dont le rendement nominal est nul, empêche les taux d’intérêt nominaux de devenir négatifs (si ce n’est très légèrement, en raison du coût de stockage des billets).

Parmi les facteurs qui affectent la probabilité que les taux d’intérêt nominaux atteignent la borne inférieure zéro, l’un des plus pertinents est la phase du cycle d’affaires où se situe l’économie lorsque le choc négatif frappe l’économie. Lorsque le cycle est proche de son pic et que la production est en-deçà de son potentiel, les taux d’intérêt nominaux à court terme sont relativement élevés et la politique monétaire conventionnelle dispose d’une certaine marge de manœuvre. Par contre, lorsque le cycle est à un creux, la probabilité que les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure est élevée. Un autre facteur est l’enraiement du mécanisme de transmission de la politique monétaire : lorsque la transmission est enrayée, la banque centrale doit réagir plus agressivement pour atteindre les mêmes buts dans l’économie, ce qui accroît alors la probabilité d’atteindre la borne inférieure.

L’existence de la borne inférieure zéro limite l’efficacité de la politique monétaire conventionnelle, dans la mesure où la banque centrale ne peut davantage réduire les taux d’intérêts réels en réduisant les taux d’intérêt nominaux lorsque ces derniers sont nuls. (…) Alors que les banques centrales peuvent toujours compenser les chocs inflationnistes dans la mesure où il n’y a pas de limite supérieure aux taux d’intérêt nominaux, elles ne peuvent contrer les pressions déflationnistes en ajustant le taux directeur une fois que les taux d’intérêt nominaux butent sur leur borne inférieure zéro. Une borne inférieure contraignante accroît aussi le risque que les anticipations d’inflation à long terme ne soient plus ancrées à leur cible, ce qui accroît davantage les taux d’intérêt réels. Des agents pleinement rationnels anticipent le fait que la borne inférieure zéro puisse empêcher la banque centrale de ramener l’inflation à sa cible. Le risque que les anticipations ne soient plus ancrées à leur cible est même plus élevé si les agents utilisent les erreurs de prévision passées et les valeurs courantes pour réviser leurs anticipations d’inflation. La probabilité que les anticipations d’inflations ne soient plus ancrées lorsque l’inflation reste sous sa cible pendant une période de temps prolongée est plus élevée avec des agents avec anticipations adaptatives plutôt qu’avec des agents pleinement informés et parfaitement rationnels.

Les contraintes d’endettement

(….) La richesse réelle ne peut diminuer en-deçà d’un certain niveau (la dette réelle présente une limite supérieure). En d’autres mots, les agents font face à des contraintes d’endettement puisque le montant qu’ils sont capables d’emprunter dépend de leur revenu futur anticipé et de la valeur des collatéraux qu’ils disposent en raison de la présence de frictions financières et d’imperfections de marché.

Aussi longtemps que les contrats de dette sont libellés en termes nominaux, toute variation surprise de l’inflation modifie le fardeau réel de la dette et affecte les contraintes d’endettement des agents. Lorsque l’inflation est inférieure au taux d’inflation anticipé lorsque l’emprunt fut contracté, la valeur réelle de la dette s’accroît et la charge de la dette peut également s’accroître, à moins qu’une chute des taux d’intérêt nominaux empêche les taux d’intérêt réels de s’élever. L’impact de la désinflation est plus important si les agents sont fortement endettés et donc proches de leurs contraintes d’endettement. De plus, les contraintes d’endettement sont davantage susceptibles de se resserrer suite à un effondrement brutal du prix des actifs utilisés comme collatéraux (par exemple les logements ou les obligations publiques). Le comportement des banques, qui est lui-même affecté par la conjoncture, peut entraîner un nouveau resserrement des contraintes d’endettement. Un rationnement du crédit peut notamment survenir si la santé du système bancaire se détériore au point que les intermédiaires commencent à se désendetter (…). Par exemple, lorsqu’une bulle éclate ou lorsque les perspectives économiques restent durablement faibles, les banques peuvent subir des pertes importantes, ce qui les incite à se désendetter (…).

Une fois que les contraintes d’endettement se resserrent, les agents doivent se désendetter en réduisant leurs dépenses. La chute subséquente de la demande globale peut comprimer davantage l’inflation, ce qui réduit davantage la valeur réelle des actifs, accroît le fardeau réel de la dette et complique au final le désendettement. Ce processus correspond au mécanisme fishérien de "déflation par la dette" (debt-deflation). En outre, une chute non anticipée de l’inflation transfère des richesses des débiteurs vers les créanciers (…). Dans la mesure où les débiteurs ont une plus forte propension à consommer que les créanciers, un tel mécanisme est susceptible de comprimer davantage la demande agrégée. Les implications pour la politique budgétaire sont particulièrement importantes. Comme tout autre agent, le gouvernement peut se trouver obligé de se désendetter (…), mais la hausse des impôts et la baisse des dépenses publiques comprimeront davantage la demande globale. En outre, les interventions budgétaires discrétionnaires constituent habituellement des instruments clés pour contrer les chocs déflationnistes. Par conséquent, la nécessité de préserver la soutenabilité de la dette publique n’entraînera pas seulement une chute de la demande globale, mais empêchera également la politique budgétaire de contrer les pressions déflationnistes, si bien que seule la banque centrale se voit incomber la tâche de ramener l’inflation à sa cible.

La rigidité des salaires nominaux à la baisse

La rigidité des salaires nominaux à la baisse représente une autre contrainte qui rend asymétriques les hausses et les baisses du taux d’inflation. Si un choc désinflationniste survient, la hausse subséquente des salaires réels ne peut être compensée par une réduction de la rémunération nominale en raison de la réticence des travailleurs à accepter une baisse de leurs salaires nominaux. Par conséquent, le salaire réel va défier de sa valeur d’équilibre qui doit égaliser la demande et l’offre sur le marché du travail. (…) Les implications de cette contrainte ne sont pas très claires, du moins en ce qui concerne l’inflation à court terme (…).

En général, plus les salaires nominaux sont visqueux, plus le risque qu’un choc déflationniste resserre la contrainte est élevé. La viscosité des salaires nominaux dépend de la fréquence à laquelle les travailleurs et employeurs négocient les salaires. Si ces négociations sont peu fréquentes, les chocs déflationnistes, mais aussi les chocs désinflationnistes, poussant le taux d’inflation sous ce qui était anticipé à l’instant où la négociation avait lieu, vont accroître les salaires réels et ainsi accroître la probabilité que la contrainte sur les salaires nominaux se resserre.

Les conséquences de la rigidité des salaires nominaux ne sont pas évidentes, si l’on considère les effets du côté de l’offre et du côté de la demande de l’économie. D’un côté, elle complique l’ajustement du marché du travail suite à une chute non anticipée du taux d’inflation. La hausse du salaire réel pousse les entreprises à réduire l’emploi de façon à éviter une réduction des profits. Par conséquent, la rigidité des salaires nominaux à la baisse représente une contrainte pesant sur l’équilibrage du marché du travail et empêche le processus de rééquilibrage de l’économie, ce qui rend plus difficile pour la banque centrale de ramener le taux d’inflation à sa cible. D’un autre côté, les salaires visqueux peuvent aider à stabiliser la production en réponse à des chocs temporaires en soutenant le revenu réel et donc la consommation des travailleurs à court terme. Ce mécanisme est connu sous le nom de "paradoxe de la flexibilité" (paradox of flexibility). Suite à un puissant choc de désendettement, qui pousse l’économie à la borne inférieure zéro, la courbe de demande agrégée à court terme est croissante. (…) Une baisse du niveau des prix accroît le taux d’intérêt réel, ce qui comprime la demande globale. Dans ce cas, une plus grande flexibilité des salaires aggrave finalement les choses au lieu de les améliorer, parce que la chute des prix n’aide pas à soutenir la demande, alors qu’elle intensifie l’effet de déflation par la dette en élevant la valeur réelle de la dette. En supposant que le degré de rigidité des salaires nominaux à la baisse reste constant au cours du temps, on considère généralement que les inconvénients excèdent les avantages, du moins à moyen terme. Il est possible qu’une réduction des salaires nominaux entraîne une chute de la demande agrégée et de l’inflation à court terme si l’emploi ne s’accroit pas assez rapidement pour compenser la baisse de la rémunération nominale. Cependant, l’échec des salaires réels à retourner à leur valeur d’équilibre va inévitablement provoquer une hausse du taux de chômage à moyen terme. Si les salaires réels ou l’emploi ne déclinent pas, la profitabilité des entreprises et le rendement du capital vont diminuer, entraînant une chute de l’investissement. Le fait que la production se retrouve ensuite durablement inférieure à son potentiel va générer des effets d’hystérèse, élevant le risque que le chômage conjoncturel devienne structurel.

Dans le contexte d’une déflation des prix persistante Il est peu probable que les salaires nominaux ne finissent pas par diminuer. Comme la rigidité des salaires nominaux devient trop coûteuse, il est probable qu’elle finisse par disparaître. De plus, il n’est pas sûr que la flexibilité des salaires soutienne l’inflation à court terme lorsque l’inflation est très faible, que les agents se désendettent et que l’activité économique est faible. En particulier, si les agents formulent leurs anticipations d’inflation en se basant sur leur rémunération nominale, des salaires trop flexibles peuvent amplifier l’impact des chocs négatifs touchant l’inflation, générant par là une spirale déflationniste. Ainsi, l’économie peut se retrouver dans une situation perdant-perdant, dans la mesure où des salaires nominaux rigides impliquent des salaires réels plus élevés avec des pertes en production indésirables, tandis qu’une plus grande flexibilité des salaires a des répercussions à court terme qui accroissent le risque déflationniste. »

Marco Casiraghi and Giuseppe Ferrero, « Is deflation good or bad? Just mind the inflation gap », Banque d’Italie, Questioni di Economia e Finanza, n° 268, avril. Traduit par Martin Anota



aller plus loin...

« Endettement, déflation et crises financières »

« La flexibilité des prix et salaires est-elle stabilisatrice ? »

« Comment la consommation réagit-elle à la déflation ? »

« Et si l’on surestimait les coûts de la déflation ? »

vendredi 29 mai 2015

Le Royaume-Uni bascule dans la déflation

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source : The Economist (2015)

samedi 23 mai 2015

Le risque de déflation a-t-il disparu en zone euro ?

« Quatre mois après l’annonce du lancement du vaste programme d’achats de titres par la BCE et trois mois après le début de sa mise en œuvre effective, un certain nombre d’indicateurs envoient des signaux positifs suggérant une diminution du risque de déflation dans la zone euro.

La déflation est caractérisée par une baisse généralisée et autoentretenue des prix et des salaires qui est liée à un déficit de demande. On parle de spirale déflationniste car le phénomène s’auto-entretient, la baisse des prix engendrant un comportement attentiste des agents privés réduisant davantage la demande qui conduit à une nouvelle baisse des prix. La réduction conjointe de l’activité et des prix dégrade la solvabilité des agents endettés et entraine une hausse de l’endettement qui devient difficilement gérable. Dans ce processus, les anticipations d’inflation jouent un rôle clé puisqu’elles déterminent l’entrée et la sortie de déflation.

Quels sont les facteurs à l’origine de l’émergence du risque de déflation en zone euro ?

Conséquence de la crise des dettes souveraines, les pays périphériques ont mis en place des politiques budgétaires très restrictives réduisant nettement la demande domestique. De plus, les agents privés ont également été contraints de se désendetter ce qui a pesé davantage sur la demande. Par ailleurs, pour restaurer leur compétitivité, les pays ont mené des politiques de modérations salariales. Résultat, ils ont connu une chute de la consommation et de l’investissement et un net ralentissement des prix et des salaires. La revue des bilans bancaires de 2014 a également contribué à une réduction de la taille des bilans bancaires affaiblissant davantage le crédit. Situation s’approchant de la déflation avec le net ralentissement de l’inflation sous-jacente, à laquelle s’est ajoutée la chute du prix du pétrole à partir de l’été 2014. Le risque était alors que la faiblesse des prix soit renforcée par des effets de second tour. Les anticipations d’inflation ont commencé à décrocher à la fin de l’été 2014 renforçant significativement le risque de déflation.

Où en est-on aujourd’hui ?

Le déficit de demande, l’une des caractéristiques de la déflation, s’estompe progressivement. En effet, la croissance accélère depuis le début de l’année (+0,4% T/T au T1-2015) sous l’effet principalement d’un redémarrage de la consommation des ménages. Le desserrement des politiques budgétaires, la baisse du prix du pétrole, la dépréciation de l’euro et la faiblesse des taux d’intérêt ont commencé à porter leurs fruits. Cette reprise de la demande intérieure a été accompagnée par un début de redémarrage des crédits aux agents privés au cours des derniers mois, notamment des crédits aux entreprises. Toutefois, la reprise reste encore fragile à ce stade. Si les enquêtes auprès des agents privés ont révélé une amélioration du moral des ménages et des entreprises en début d’année 2015, ces dernières restent encore prudentes.

Après un point bas à -0,6% en janvier, l’inflation a progressé pour revenir à 0% en avril. Les autres mesures de prix montrent également les premiers frémissements de retournement à la hausse : les prix de production (hors énergie) augmentent à nouveau légèrement. Les perspectives de prix des différentes enquêtes auprès des industriels et des ménages se redressent progressivement. Enfin, les autres mesures d’anticipation d’inflation montrent également des signes de raffermissement : les anticipations d’inflation 5 ans à 5 ans sont revenues à 1,8 % après un point bas à 1,48 % mi-janvier et les anticipations d’inflation des prévisionnistes à 2 ans ont aussi légèrement augmenté. Le lancement de l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) a été concomitant à une nette hausse du prix du pétrole ces derniers mois, il est en conséquence compliqué de départager les effets de chacun de ces deux facteurs sur l’évolution des anticipations d’inflation (cf. "Le QE de la BCE a-t-il des effets sur l'inflation ?"). En tout cas, la remontée du prix du pétrole, d’un point bas à 45$ le baril mi-janvier à environ 65 dollars aujourd’hui, est un facteur important pour expliquer le rebond de l’inflation depuis février et le retournement à la hausse des anticipations. L’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) s’est stabilisée à un bas niveau (0,6%) et devrait rester modérée dans les mois qui viennent, avec toujours des tensions désinflationnistes liées aux différentes réformes en cours (marché du travail, déréglementations,…).

Au total, si le risque de déflation semble légèrement s’atténuer, il ne faudrait pas oublier que l’amélioration récente des perspectives reste fragile et que l’évolution (très incertaine) du prix du pétrole dans les mois qui viennent jouera un rôle important. »

Marie-Pierre Ripert, « Zone euro : le risque de déflation a-t-il disparu ? », édito de l'Eco Hebdo de Natixis, n° 19, 22 mai 2015

jeudi 26 février 2015

L'inflation reflue à travers le monde depuis 3 ans

GRAPHIQUE Taux de variation annuel des prix à la consommation (en %)

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source : The Economist (2015)

mercredi 30 juillet 2014

Les coûts de la déflation : que disent les données historiques ?

« Les déflations ne sont pas toutes identiques. Du fait des nombreuses baisses de prix intervenues au XIXe siècle, au début du XXe et depuis les années 1990, les données historiques peuvent révéler d’importantes caractéristiques de la dynamique de déflation. On en dénombre quatre principales.

Premièrement, les données abondent en épisodes de déflation "bénéfique" ou du moins "bénigne" au sens où ces épisodes de baisse des prix ont coïncidé avec des périodes où la production a augmenté suivant sa tendance ou n’a enregistré qu’un repli modeste et momentané. Avant la Première Guerre mondiale, les épisodes de déflation ont été généralement bénins, le PIB réel ayant poursuivi son expansion alors que les prix baissaient (cf. graphique, cadre de gauche). La croissance réelle moyenne enregistrée sur les cinq années qui ont précédé un pic des prix a été à peu près comparable à ce qu’elle était sur les cinq années suivantes (2,3 % contre 2,1 %). Au début de l’entre-deux-guerres (dans les années 1920 principalement), le nombre de déflations plus coûteuses ("mauvaises") a augmenté (cf graphique, cadre du milieu) : la production a continué d’augmenter mais beaucoup plus lentement – les taux moyens avant et après le pic des prix se sont respectivement établis à 2,3 % et 1,2 %. (L’impression que des déflations particulièrement graves se sont produites dans l’entre-deux-guerres est dominée par l’expérience exceptionnelle de la Grande Dépression, au cours de laquelle les prix dans les économies du G 10 ont chuté cumulativement d’à peu près 20 % tandis que la production se contractait d’environ 10 % ; cette expérience n’est pas parfaitement illustrée dans le graphique, cadre du milieu.)

GRAPHIQUE Périodes de déflation : les bonnes et les mauvaises (pic de l'indice = 100)

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Les épisodes de déflation des vingt-cinq dernières années ont, en moyenne, été bien plus proches des bons épisodes de déflation enregistrés avant la Première Guerre mondiale que de ceux du début de l’entre-deux-guerres (même si repérer des pics de prix dans cette période est bien plus difficile que dans les périodes antérieures parce que les récentes déflations tendent à être passagères). Pour les épisodes les plus récents, les taux moyens de croissance du PIB avant et après les pics ressortent à respectivement 3,6 % et 3,1 %, une différence qui n’est pas statistiquement significative.

La deuxième caractéristique importante de la dynamique de déflation révélée par les données historiques est l’absence générale de risque intrinsèque de spirale déflationniste – la Grande Dépression est le seul épisode au cours duquel une spirale déflationniste s’est développée sous forme de baisse de prix marquée et persistante. Lors des épisodes antérieurs à la Première Guerre mondiale, les chutes de prix ont été persistantes mais peu importantes, avec un recul cumulé moyen d’environ 7 % de l’indice des prix à la consommation. Plus récemment, les épisodes déflationnistes ont été de très courte durée et la chute des prix a été modérée ; l’exception notable est le Japon, où les prix ont reculé cumulativement de 4 % de la fin des années 1990 jusque très récemment. Les données tendent à réfuter l’idée que les déflations conduisent à de violentes spirales déflationnistes, surtout ces dernières décennies. De plus, le fait que les salaires soient moins flexibles aujourd’hui qu’ils ne l’étaient autrefois réduit la probabilité d’une spirale baissière autoalimentée des salaires et des prix.

Troisièmement, plus que les déflations généralisées, ce sont les déflations des prix des actifs qui ont régulièrement et fortement nui aux performances macroéconomiques. De fait, la Grande Dépression aux États-Unis et la déflation japonaise des années 1990 ont été précédées par un effondrement des valeurs boursières et, surtout, des prix immobiliers. Ces observations laissent à penser que la chaîne des causalités va essentiellement de la déflation des prix des actifs au ralentissement de l’économie réelle, puis à la déflation, et non d’une déflation générale à l’activité économique. Cette idée est également étayée par les trajectoires des prix et de la production réelle dans l’entre-deux-guerres (cf. graphique, cadre du milieu), qui montrent que le PIB réel a tendu à se contracter avant l’apparition de la déflation.

Quatrièmement, les récents épisodes de déflation se sont souvent accompagnés d’une hausse des prix des actifs, d’une expansion du crédit et d’une forte augmentation de la production. Citons pour exemples les épisodes survenus dans les années 1990 et 2000 dans des pays aussi différents que la Chine et la Norvège. Le risque existe qu’une politique monétaire accommodante mise en place lors de bonnes déflations pour rapprocher l’inflation de l’objectif favorise involontairement l’accumulation de déséquilibres financiers. À la longue, cette résistance aux "bonnes" déflations peut déboucher sur de "mauvaises" déflations si la correction des déséquilibres engendre des perturbations. »

Banque des Règlements Internationaux, 84ième rapport annuel, 29 juin 2014.

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