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Développement

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jeudi 19 septembre 2013

La Grande Divergence

« Il y a quelques siècles, il aurait été difficile de distinguer l'Europe du reste du monde, du moins sur le plan économique. En effet, l’Europe pouvait même être considérée il y a un demi-millénaire comme un retardataire. Les trois inventions qui, pour reprendre les mots de Karl Marx, "ont ouvert la voie à la société bourgeoise " n'ont pas été inventées en Europe. La poudre à canon, la boussole et l'imprimerie ont probablement toutes été inventées en Chine.

Mais au dix-neuvième siècle, les choses étaient assez différentes. L’Europe de l'Ouest et certaines régions de l'Amérique du Nord étaient devenues fabuleusement riches, tandis que pratiquement tout le reste du monde était resté horriblement pauvre. Les historiens économiques se réfèrent à cela comme la "Grande Divergence" (Great Divergence).

GRAPHIQUE Evolution du PIB par tête (en dollars constants 1990)

GreatDivergence_TheEconomist.png

La chronologie de la divergence est vivement débattue. Certains pensent qu'elle s’est vraiment amorcée vers 1800. D'autres estiment qu’elle a débuté bien plus tôt. Ce débat ne sera probablement jamais vraiment tranché (…), étant donné le manque de fiabilité des données. Mais il est plus intéressant de s’interroger sur ce qui a provoqué cette divergence.

Les facteurs culturels sont souvent avancés pour expliquer l’essor européen. Le sociologue allemand Max Weber pensait qu'il avait réglé la question. Dans son livre "L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme" publié en 1905, Weber a affirmé que les facteurs religieux s’étaient révélés déterminants pour stimuler la croissance économique européenne. Weber s’est penché sur le calvinisme, une branche du protestantisme, et il a affirmé que celui-ci a encouragé les Européens à épargner, à être rationnels et à se préoccuper du gain matériel. Ces valeurs n'existaient pas ailleurs, car en dehors de l’Europe, selon Weber, la richesse matérielle n’était pas vénérée et l'esprit d'entreprise était perçu comme subversif.

Des arguments similaires ont vu le jour depuis Weber. Thomas Sowell, de l'Université de Stanford, considère que les Britanniques sont à l’origine de l'invention de la liberté. Selon lui, les Britanniques étaient une lumière étincelante de développement économique, que d'autres pays ont progressivement appris à imiter. (Une nouvelle et fascinante étude réalisée par Enrico Spolaore et Romain Wacziarg explore une théorie similaire : apprendre les meilleures pratiques des autres est essentiel à la croissance et cet apprentissage devient plus difficile lorsque la distance culturelle qui nous sépare des leaders économiques s’accroît.)

Mais d'autres historiens rejettent l'idée que la supériorité culturelle de l'Europe soit à l'origine de la Grande Divergence. Ce serait plutôt la spoliation et le pillage des terres étrangères qui en auraient été responsables. Pour James Blaut, un historien américain, l'année 1492 (précisément celle où Christophe Colomb a débarqué en Amérique et ouvert ainsi plusieurs siècles de colonialisme européen) "représente le point de rupture entre deux époques fondamentalement différentes". À partir de 1492, l'Europe a arraché des matières premières, des devises et du travail du reste du monde et délibérément freiné ce dernier.

Le débat a fait rage entre les deux camps. Ceux qui pensent que l'Europe était un modèle de développement s’opposent à ceux qui pensent qu’elle volait sans pitié. Mais dans les deux cas, les facteurs culturels occupent une place centrale.

Mais d'autres se sont tournés vers des explications non culturelles. Jared Diamond, à l'Université de Californie, Los Angeles, suggère que les facteurs environnementaux ont joué un rôle crucial dans le décollage européen. Diamond affirme que l'Europe était particulièrement bien dotée avec des plantes et des animaux domesticables. Sa population était aussi davantage à l'abri des maladies. Ces facteurs ont conduit à une plus grande productivité et, surtout, à une densité de population plus élevée. Le résultat ? Le développement d’institutions telles que les villes, les bureaucraties et les classes instruites, qui ont contribué à la croissance économique. (L’économiste Gregory Clark présente une explication similaire à celle-ci, mais avec une touche macabre : comme la maladie a emporté les habitants les plus pauvres de Grande-Bretagne, soutient-il, la population est devenue progressivement plus compétente et plus productive, ce qui a finalement abouti à la croissance auto-entretenue de la révolution industrielle.)

Certains sont atterrés par le travail de Diamond. Ils l'accusent de "déterminisme environnemental", l'idée que les conditions climatiques soient pleinement responsables du comportement humain. Mais Joel Mokyr, de la Northwestern University, approuve les travaux de Diamond. Les différences environnementales sont importantes, mais elles n'expliquent toutefois pas tout.

Mokyr suggère que de nombreux et divers facteurs ont interagi pour permettre à l'Europe de décoller. Le développement de la "science ouverte" (open science) au seizième siècle a contribué à la propagation d’idées économiquement utiles. Une autre théorie suggère que la Glorieuse Révolution qui a eu lieu en Grande-Bretagne dans les années 1680 et qui a réduit le pouvoir du monarque s’est révélée être un tremplin déterminant dans le développement économique du pays. Après la révolution, les gens ne craignaient plus que leurs profits soient saisis par la Couronne, comme ils avaient pu l’être par le passé. Et c'est ainsi qu'ils se sont montrés plus enclins à travailler dur. Cette théorie est au cœur du livre "Why Nations Fail" écrit par l'économiste Daron Acemoglu et le professeur de sciences politiques James Robinson.

L'affection de l’Occident pour le capitalisme, ainsi que le colonialisme, ont certainement joué un rôle aussi. Mokyr estime que les causes de la Grande Divergence sont "surdéterminées". De nombreux facteurs se sont entrelacés pour créer la domination européenne et pas un seul facteur n’aurait suffi à lui seul pour le faire. Cette conclusion (…) suggère finalement que la Grande Divergence ne s’explique pas simplement par la culture européenne. Elle a eu lieu parce qu’une économie favorable aux entreprises, ouverte et innovante a émergé - essentiellement par accident. »

The Economist, « What was the Great Divergence? », in Free Exchange (blog), 2 septembre 2013. Traduit par M.A.

vendredi 23 août 2013

Retour sur le lien entre malédiction des ressources et institutions

« Dans plusieurs billets publiés au cours des dernières semaines (ici, ici, ici, ici et), nous avons affirmé que les preuves empiriques suggéraient qu'il y avait une "malédiction des ressources conditionnelle" dont l'existence dépendrait des institutions d'une société. Le taux de croissance économique des pays caractérisés par de mauvaises institutions diminue avec les ressources, alors que ce sera l’inverse avec les pays ayant de bonnes institutions.

Pourtant, l'ensemble des institutions qui apparaissent dans cette littérature est très large et englobe un grand nombre d'institutions politiques et économiques centrales dans la société. Il est important de mettre en place, mais cela signifie aussi que la réforme de ces institutions sera très difficile parce que, comme nous le soutenons dans Why Nations Fail, ce n’est pas un hasard si certaines sociétés ont des systèmes politiques irresponsables, ne disposent pas de la règle de droit et ont de faibles Etats. En outre, l'amélioration des conséquences économiques de la richesse des ressources naturelles n'est probablement pas la raison la plus importante pour réformer ces institutions aujourd'hui. Il n'est pas clair qu'une telle focale soit la meilleure stratégie pour faire cela.

Un bon endroit pour amorcer la réforme des institutions n'est peut-être pas les institutions au niveau macro de la société, mais le lien entre les institutions entourant les ressources naturelles comme le pétrole. Après tout, ces ressources sont possédées, des licences d'exploitation allouées et les rentes réparties d’une certaine manière et les institutions influence cette dernière. Ces institutions (…) ne joueraient-elles pas un rôle important dans la détermination des conséquences économiques (et politiques ?) des ressources naturelles ?

Le livre publié en 2011 par Pauline Jones-Luong et Erika Weinthal, Oil is Not a Curse: Ownership Structure and Institutions in Soviet Successor States, répond à cette question par l'affirmative. En 1991, l'Union soviétique s'est effondrée et s'est décomposée en plusieurs États. En Asie centrale, cela incluait l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, la Fédération de Russie, le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Ces anciennes républiques soviétiques ont toutes hérité des institutions étatiques faibles et très semblables. (…) Elles sont toutes mal classées selon les différents indicateurs institutionnels qui sont utilisés dans la littérature empirique sur la malédiction des ressources conditionnelle. Par exemple, l'Union soviétique n’avait pas de système d'impôt sur le revenu à leur léguer et de nombreux aspects des institutions modernes de l'Etat ont dû être construits à partir de zéro. En plus de ces similarités historiques, les cinq pays ont été abondants en pétrole. Pourtant, des voies de développement très différentes ont émergé de ces conditions initiales apparemment très similaires. Bien que le Turkménistan et l'Ouzbékistan suivirent une trajectoire classique de malédiction des ressources, quelque chose de très différent survint dans les trois autres cas. Les deux premiers pays ont élargi leur secteur public et se sont engagés dans de grandioses projets au prestige national. Les trois derniers ont effectivement diminué la taille du secteur public par rapport au revenu national.

Jones-Luong et Weinthal soutiennent que cette divergence peut être attribuée aux différences que l’on peut trouver entre ces pays en termes de la structure de propriété du pétrole. Ils distinguent quatre régimes qui leur apparaissent essentiels pour déterminer l’impact du pétrole. Le premier régime désigne la situation où l'État possède et contrôle le secteur pétrolier (ce qui signifie qu'il possède plus de 50 % des actions du secteur pétrolier). Ce régime implique généralement une participation étrangère très limitée. Le deuxième se caractérise par une propriété de l'État, mais sans contrôle étatique, où la part des actions détenues est inférieure à 50 % et où il y a une plus grande participation étrangère. Le troisième régime se caractérise par une propriété privée domestique de la ressource et des entreprises qui la développent. Le quatrième régime se caractérise par la propriété et le contrôle étrangers.

Il y a des relations théoriques simples entre ces différents régimes de propriété et de contrôle et les institutions étatiques. La principale variable dépendante de Jones-Luong et de Weinthal est la force du régime budgétaire. Ils considèrent qu'un régime budgétaire est faible lorsque (1) le système fiscal est instable, basé en grande partie sur le secteur des ressources naturelles et sur la fiscalité indirecte, (2) un système de dépenses qui manque de stabilité et de transparence. Un régime budgétaire fort est celui où le régime fiscal est stable et large, basé sur plus grand recours aux impôts directs et (2) des dépenses sont stables et transparentes. L'argument théorique souvent avancé est que les élites de l'Etat ne sont pas incitées à mettre en place des institutions fortes de leur propre chef, si bien qu’ils doivent être forcés à le faire par la société.

Les différentes structures de propriété de la société modifient le rapport de négociation entre la société et l'Etat. Par exemple, si les ressources naturelles appartiennent au secteur privé, le secteur privé détient le pouvoir et l’Etat peut alors difficilement modifier les droits de propriété, si bien qu’il lui est alors difficile de ne dépendre que des ressources naturelles comme assiette fiscale. Au contraire, l’Etat doit développer des ressources fiscales alternatives. En outre, le secteur privé peut user de son plus fort pouvoir de négociation pour réclamer de meilleures institutions financières, car il souffre des mauvaises. C'est pourquoi on peut s'attendre à ce que plus secteur privé possède et contrôle une part importante des richesses, meilleur est le régime fiscal.

Les deuxième et quatrième régimes sont des cas intermédiaires et leurs implications pour le régime budgétaire sont plus complexes et dépendent de d'autres facteurs. Par exemple, une caractéristique générale est que la propriété privée (…) rend plus difficile pour l'État de se financer à partir de la rente des ressources et, partant, aurait tendance à encourager le développement d'un ensemble plus fort d’institutions budgétaires. Pourtant, la propriété étrangère diffère de la propriété nationale dans le sens où il peut être plus facile pour l'État d’annuler ou de renégocier des contrats avec des sociétés étrangères et, à la limite, d’exproprier les compagnies étrangères (comme cela s'est produit récemment en Bolivie et au Venezuela et par le passé dans des pays comme le Chili, l'Iran et le Mexique). Ainsi, alors que l'on pourrait s’attendre à ce que le quatrième régime ait de meilleures institutions financières que la première (propriété et contrôle par l'Etat), on peut également s’attendre à ce qu’il ait en moyenne de pires institutions financières que le troisième régime.

(…) Il s'avère en effet qu’au Turkménistan et en Ouzbékistan l’Etat possède et contrôle les secteurs pétroliers. L'Azerbaïdjan a choisi la propriété de l'Etat, sans contrôle étatique, la Russie a gardé une propriété nationale privée et, enfin, le Kazakhstan a choisi la propriété étrangère privée. Ainsi, cette étude suggère qu'une institution qui s’avère essentielle pour certains aspects des conséquences institutionnelles de la richesse pétrolière (et, par implication logique, des autres richesses en ressources naturelles) est la forme de droits de propriété et si oui celle-ci est dominée ou non par l'Etat. »

Daron Acemoglu et James Robinson, « Resource Curse and Institutions: Getting more specific », in Why Nations Fail? (blog), 27 juin 2013. Traduit par M.A.


aller plus loin... lire « Le syndrome hollandais ou l'abondance en ressources naturelles comme malédiction »

lundi 12 août 2013

Les pays émergents et le prix des matières premières

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« On s’interroge actuellement si les pays émergents continueront de croître au même rythme qu’au cours des dernières années. La dernière décennie a été remarquable dans l’ensemble pour les pays émergents. Le graphique ci-dessous compare le taux de croissance du PIB (réel) de l'ensemble des économies avancées avec celui du groupe des économies émergentes et en développement (les définitions et les données provenant du FMI).

GRAPHIQUE 1 Taux de croissance du PIB (en %)

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source : Fatás (2013)

Après plusieurs décennies où les pays émergents ne connaissaient au mieux que le même taux de croissance que les économies avancées, nous constatons depuis 2000 un large fossé dans les taux de croissance et un fort processus de convergence ou de rattrapage. La différence est grande, puisque l’écart se maintient entre 4 et 5 points de pourcentage pendant de nombreuses années.

Il y a plusieurs raisons qui pourraient expliquer que le sort des pays émergents ait changé depuis 2000. D'un point de vue régional, l'Asie avait déjà de bonnes performances au cours des précédentes décennies et a continué à croître à un rythme soutenu, voire même plus élevé. Certains pays d'Amérique latine ont commencé à croître à des taux décents après avoir connu de très faibles performances pendant plusieurs décennies. Et les taux de croissance de l'Afrique n’avaient pas été aussi élevés depuis de nombreuses années.

Au cours de ces années, nous avons également observé une autre tendance lourde dans l'économie mondiale, en l’occurrence la croissance rapide des prix des matières premières. Le fait que ces prix aient augmenté peut être considéré comme le résultat d'une forte croissance économique dans le monde (elle-même alimentée par les pays émergents). Mais la causalité va également dans l’autre sens pour certains pays : la forte demande en provenance de certains pays a poussé les prix des matières premières à la hausse et a permis aux pays qui produisent des matières premières de connaître enfin une croissance.

Les données montrent qu'en effet, la croissance phénoménale dans les pays émergents après 2000 a coïncidé avec une évolution positive des prix des matières premières. Le graphique ci-dessous compare la croissance du PIB des pays émergents et en développement (…) avec l’évolution du prix des matières premières au cours de le même période. (…)

GRAPHIQUE 2 Taux de croissance du PIB des pays émergents et en développement et croissance des prix des matières premières (en %)

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source : Fatás (2013)

Ce qui est remarquable au sujet des données n'est pas seulement qu'il y ait une forte corrélation dans la période consécutive à l’année 2000, mais aussi que cette corrélation est devenue beaucoup plus forte qu’auparavant. Pour les raisons exposées ci-dessus, il est logique que ces deux séries soient corrélées. Ce qui est intéressant, c'est que la corrélation s’est renforcée lorsque la croissance économique des pays émergents a pris son envol. Et cela ne peut pas être simplement le fait que les pays émergents aient plus d'importance dans l'économie mondiale (et donc qu’ils influencent par conséquent plus fortement le prix des matières premières). Si tel était le cas, nous pourrions simplement attendre des autres pays (c’est-à-dire les pays avancés) qu’ils aient eu une influence beaucoup plus forte au cours des précédentes années, ce qui n'est pas le cas.

(...) Quelle que soit l'explication, il est important de réaliser à quel point le sort des pays émergents et des prix des matières premières est beaucoup plus lié que par le passé. »

Antonio Fatás, « Emerging markets and commodity prices », in Antonio Fatás and Ilian Mihov on the Global Economy (blog), 5 août 2013. Traduit par M.A.

lundi 29 juillet 2013

L'essor des pays émergents

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source : The Economist (2013)

vendredi 26 juillet 2013

Ressources naturelles et institutions politiques : l’Etat rentier

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« Penchons-nous à nouveau sur les liens entre ressources naturelles et institutions. Dans un précédent billet, nous avons vu qu’il y avait débat quant à savoir si l’abondance des ressources naturelles sapait ou non la démocratie. L'autre débat qui a relié la question de l’abondance en ressources naturelles, en particulier le pétrole, à celle des institutions politiques, porte autour de la notion d’"État rentier" (rentier state).

Emis la première fois par l'économiste iranien Hossein Mahdavy en 1970 dans son article “The Pattern and Problems of Economic Development in Rentier States: The Case of Iran”, cette notion suggère que si un pays est fortement dépendant des ressources naturelles, en particulier pour le financement du gouvernement, alors cette dépendance conduit à un affaiblissement de l’Etat.

En d'autres termes, État rentier = Etat faible.

Cela tend aussi à nourrir l’irresponsabilité (unaccountability), car si un Etat peut se financer via les rentes tirées des ressources naturelles, alors il n'a pas besoin de développer un système budgétaire pour taxer la population. Quand les gens ne sont pas imposés par le gouvernement, selon cet argument, ils sont moins enclins à rendre le gouvernement responsable (accountable).

Ces idées ont suscité une abondante littérature en sciences sociales. Elles trouvent également de nombreuses résonances dans l'histoire économique. Dans notre livre Why Nations Fail, par exemple, nous avons vu comment l'afflux des richesses minérales en provenance des colonies américaines au seizième siècle a contribué à réduire les freins et contrepoids sur l’Etat espagnol, mais aussi à le rendre moins efficace. En effet, l'Espagne est passée du statut de potentielle puissance dominante en Europe à celui de perdant dans la compétition géopolitique européenne. À notre connaissance, il n'existe pas encore de test empirique convaincant de la thèse de l'État rentier, peut-être parce qu'il est très difficile de mesurer la "capacité" ou la "force" de l'Etat.

Il semble probable que bon nombre des enjeux qui ont surgi dans la littérature empirique sur les liens entre, d’une côté, les ressources naturelles et, de l’autre, la croissance économique et la démocratie soient pertinents. Peut-être que l’abondance des ressources naturelles peut affaiblir la capacité de l'Etat en certaines circonstances, mais dans d'autres cas, il semble tout à fait probable qu’elle puisse la renforcer. Par exemple, les monarchies du golfe persique n'avaient presque aucune infrastructure étatique ou bureaucratique moderne quand ils ont découvert le pétrole et qu’ils ont commencé à l’exploiter. Aujourd'hui, ces Etats sont beaucoup plus larges et capables, même s’ils sont complètement financés par le pétrole. »

Daron Acemoglu et James Robinson, « Natural resources and political institutions: The rentier state » in Why Nations Fail (blog), 25 juillet 2013.Traduit par M.A.

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