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Tag - épidémie

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samedi 19 décembre 2020

Quand l'économie rencontre l'épidémiologie : les extensions du modèle SIR

« Le modèle SIR, développé tout d’abord par Kermack et McKendrick (1927), reste le modèle épidémiologique canonique. Il est naturel que les économistes le choisissent lorsqu’ils cherchent à modéliser les interactions entre les dynamiques économiques et épidémiologiques. Cette brève revue de la littérature présente plusieurs adaptations apportées au cadre SIR de base qui ont été proposées dans les travaux d'épi-macroéconomie réalisés au cours des six derniers mois. Ceux-ci ont toutes été utilisées pour analyser des questions comme les politiques de confinement, les super-propagateurs, l’immunité collective, les capacités hospitalières et la stratégie "test et traçage".

Le modèle SIR canonique

Le modèle SIR répartit la population en trois catégories (ou "compartiments" dans le jargon des épidémiologistes) : les personnes saines (susceptible), les personnes infectées (infected) par la maladie et les personnes guéries de la maladie (recovered). Il modélise le passage de ces individus d’une catégorie à l’autre en utilisant un ensemble de taux de transition qui sont donnés de façon exogène et qui sont liés aux tailles relatives des différents groupes. Et il suppose que la transition ne peut se faire que dans un seul sens (par exemple, les personnes saines peuvent devenir infectées, les personnes infectées peuvent guérir, mais il n’y a pas d’autres passages possibles entre les groupes).

Les modèles épi-macroéconomiques basés sur le modèle SIR modifient ce cadre de base en supposant que ces transitions entre compartiments sont endogènes et sont liées aux décisions économiques des individus (par exemple, en matière de consommation ou d’offre de travail). Ils s’appuient sur un modèle macroéconomique simple pour permettre des effets retour entre les dynamiques pandémiques et la macroéconomie.

Plusieurs articles en épi-macroéconomie utilisent ce modèle SIR de base, soit parce qu’ils veulent générer une simple référence (par exemple, Eichenbaum, Rebelo et Trabandt, 2020), soit parce que l’article se focalise sur autre chose. Au cours des six derniers mois, d’autres auteurs ont enrichi les modèles épi-macroéconomiques en étendant le cadre SIR de plusieurs façons.

L’incertitude sur le statut d’infection

Forsyth (2020) introduit une fiction informationnelle plausible : certaines personnes infectées sont asymptomatiques et d’autres présentent des symptômes ressemblant à ceux du coronavirus, mais ne sont pas infectés par ce dernier. Ce cadre permet de comparer des politiques ciblées sur ceux avec des symptômes par rapport à l’alternative d’un confinement uniforme. La première mesure est moins coûteuse en termes de production, parce que moins d’agents sont isolés, mais il se traduit par une certaine transmission via les agents asymptomatiques. La calibration à partir des données britanniques dans l’article suggère que les mesures d’atténuation réduisent le nombre de décès de 39,1 % au cours de 18 mois. Dans le cadre d’un confinement uniforme, le PIB baisse de 21,4 % en 2020, mais si les politiques sont conditionnées aux symptômes, les pertes en PIB peuvent être réduites sans accroître le nombre de décès.

Variations de "R"

D’autres articles ont relâché l’hypothèse que la probabilité des individus sains d’être infectés est la même d’un individu à l’autre. Cela peut être fait en introduisant une variation soit dans les taux de contact entre personnes, soit dans la probabilité de transmission quand deux individus se rencontrent.

Ellison (2020) utilise les avancées en matière de modélisation épidémiologique des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour relâcher l’hypothèse de "taux de contacts uniformes" de deux façons. Premièrement, les agents sont répartis en sous-groupes avec différents niveaux d’activité, ce qui implique différentes probabilités de rencontrer les autres. Deuxièmement, les agents sont davantage susceptibles de rencontrer ceux de leur propre groupe que ceux qui en sont extérieurs. Ellison montre que les paramètres clés relatifs à la population comme les seuils d’immunité collective et le R composite, ne sont pas simplement des moyennes des groupes sous-jacents, mais dépendent de l’éventail et de la distribution des niveaux d’activité au sein de la population. Il montre que R peut décliner plus vite quand les rencontres sont plus hétérogènes et donc les modèles sur les hypothèses de rencontres homogènes peuvent surestimer l’impact initial des mesures de confinement et sous-estimer la vitesse à laquelle le virus peut se propager en l’absence de mesures de confinements.

Holden et Thornton (2020) font varier la probabilité de transmission d’un individu à l’autre en considérant que le taux de reproduction spécifique à une paire d’individu est une variable aléatoire. C’est une façon de modéliser les "super-propagateurs" qui sont bien plus contagieux que la moyenne. Si par "malchance" davantage des individus infectés au départ sont des super-propagateurs, cela accroît le nombre de cas initiaux et a des effets durables comme les cas s’accumulent à partir de cette base plus élevée. Le rôle de la "chance" est bien plus grand aux premiers temps de l’épidémie, quand moins de personnes sont infectées, tandis qu’après "la loi des moyennes" tend à se vérifier et R à converger vers la moyenne de la population. Par conséquent, des populations identiques peuvent présenter des trajectoires épidémiques très différentes simplement du fait de la chance. Dans ce modèle, la politique optimale dépend, non simplement du R moyen, mais étroitement de la proportion de sa distribution qui est supérieure à l’unité. Holden et Thornton montrent que l’efficacité relative des mesures pour réduire la transmissibilité d’un virus (par exemple les masques) versus la réduction des taux de contacts (par exemple les injonctions à rester chez soi) est affectée par la distribution de R.

La décroissance de l’immunité

Dans le modèle SIR canonique, l’immunité est permanente une fois acquise, parce que les agents guéris ne sont pas susceptibles d’être infectés de nouveau. Cette hypothèse peut être relâchée dans le modèle SIRS, où les individus qui sont guéris peuvent perdre leur immunité et se retrouver de nouveau dans la catégorie des personnes susceptibles de tomber malades. Cela suppose que l’immunité peut diminuer dans une certaine mesure, ce qui est cohérent avec certains cas de réinfections au coronavirus (par exemple Tillett et alii, 2020).

Le modèle SIRS de Çenesiz et Guimarães (2020) implique que plus la durée d'immunité est courte, plus il est difficile d’atteindre l’immunité collective et plus longue sera la période de distanciation physique nécessaire. La disparition de l’immunité a un rôle relativement faible au début de la pandémie, parce que les prescriptions en matière de politique sont similaires, qu’importe les hypothèses à propos de la durée de l’immunité. Mais au cours du temps, la différence entre les résultats des deux modèles s’accentue, parce que si l’immunité est permanente le stock d’agents immunisés s’accumule régulièrement. A des horizons plus lointains, même des changements relativement faibles dans la dureté du confinement peuvent avoir de larges implications.

Ils permettent alors d’enrichir les déterminants de l’immunité, notamment en prenant en compte la possibilité que les agents précédemment infectés soient moins susceptibles d’avoir des formes sévères de Covid-19 et considèrent la politique optimale si un futur vaccin est prévu. En l’occurrence, plus l’immunité disparaît rapidement et plus l’arrivée d’un vaccin est éloignée dans le temps, plus l’impact de la disparition de l’immunité sur la politique optimale sera importante, parce que la pandémie dure plus longtemps.

L’ajout de compartiments supplémentaires

Plusieurs travaux ont augmenté le nombre de compartiments entre lesquels la population est répartie, (bien) au-delà des trois compartiments du modèle SIR classique. Et, en permettant d’enrichir les équations de transitions, ils peuvent étudier d’autres possibilités que celle selon laquelle les individus ne peuvent aller que d’un groupe à l’autre selon une séquence précise. Favero (2020) a développé un modèle avec un compartiment pour les patients hospitalisés. Cela permet au modèle de faire des prédictions directes à propos du nombre d’hospitalisations et il permet aussi de prendre explicitement en compte le rôle des capacités hospitalières. Quand les admissions excèdent les capacités, ces patients additionnels ont (…) une plus forte probabilité de mourir parce qu’ils ne peuvent pas être soignés comme les autres. Favero montre que l’ajout de cette contrainte peut expliquer le taux de décès bien plus élevé dans la région de Lombardie en Italie et il montre que les stratégies qui impliquent un plus grand nombre d’infections simultanées sont associées à des taux de mortalité bien plus élevés.

Giordano et alii (2020) développent un modèle qui ajoute cinq compartiments supplémentaires. Certains capturent différentes possibilités pour ceux qui tombent malades, selon qu’ils présentent ou non des symptômes, qu’ils soient détectés ou non. D’autres compartiments sont pour les agents qui sont extrêmement malades et pour deux états finaux où les agents finissent soit par mourir, soit par pleinement guérir. Ce modèle enrichi permet de considérer davantage de paramètres, notamment différents taux de mortalité et une transmission différentielle des cas symptomatiques. Il permet de mieux expliquer les mauvaises perceptions du taux de mortalité et de la vitesse de propagation de l’épidémie. Les auteurs concluent que les mesures de confinement ne peuvent être retirées quand il est possible de tester et tracer à grande échelle et qu’une combinaison des deux outils est nécessaire pour réduire le nombre d’infections.

Mais un surcroît de complexité n’est pas toujours préférable. Roda et alii (2020) ont comparé le modèle SIR avec un modèle SEIR, qui présente une catégorie supplémentaire d’agents exposés, qui ont la maladie, mais qui ne sont pas encore contagieux. Cela crée deux paramètres supplémentaires, gouvernant la période de latence (combien de temps pour que ceux qui tombent malades deviennent contagieux) et la part initiale de la population dans la catégorie exposée. En pratique, il est difficile d’identifier les paramètres empiriquement, parce que le modèle ne peut pas distinguer entre une infection avec une longue période de latence et une faible part initiale ou un brève période de latence et une part initiale élevée. En utilisant les critères d’information d’Akaike, les auteurs concluent que le fait que le modèle SEIR colle un peu mieux aux données que le modèle SIR ne compense pas le gain de complexité qu’apportent ces deux paramètres supplémentaires.

En conclusion

Le modèle SIR originel a bien résisté à l’épreuve du temps. Dans sa forme la plus simple, il est capable de capturer les aspects clés des pandémies et cela en fait un modèle de choix en épi-macroéconomie pour les modélisateurs cherchant à élaborer un modèle économique qui reste simple. En outre, la structure compartimentée permet de la complexifier facilement. Ces extensions permettent d’obtenir d’importantes intuitions à propos des mérites respectifs des différentes politiques de confinement, du rôle des super-propagateurs dans la détermination de la trajectoire d’une pandémie, de la difficulté d’atteindre l’immunité collective, de la contrainte posée par les capacités hospitalières et du rôle des tests et traçages. »

John Lewis, « Covid-19 briefing: extensions to the SIR model », in Banque d’Angleterre, Bank Underground (blog), 30 novembre 2020. Traduit par Martin Anota

dimanche 15 mars 2020

Il faut aplatir les courbes de l’épidémie et de la récession

« Nous faisons face à une crise à la fois sanitaire et économique aux dimensions sans précédents au cours de l’histoire récente.

Je veux commencer par souligner que le confinement de l’épidémie est la première priorité. Le graphique 1 résume la façon par laquelle les autorités en charge de la santé publique peuvent s’attaquer au problème.

GRAPHIQUE 1 L’aplatissement de la courbe épidémique

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A court terme, la capacité du système de santé d’un quelconque pays est finie (la capacité des unités de soins intensifs, le nombre de lits d’hôpital, le nombre de professionnels de santé qualifiés, le nombre de respirateurs artificiels, etc.). Cela donne une limite supérieure au nombre de patients qui peuvent être efficacement traités, à n’importe quel moment du temps, une limite indiquée par une ligne horizontale sur le graphique. (...)

La politique de santé publique, du moins dans tous les pays à peu près décemment dirigés, cherche à "aplatir la courbe" en imposant de drastiques mesures de distanciation sociale et en promouvant des pratiques de santé pour réduire le taux de transmission. Cet "aplatissement de la courbe" permettrait d’étirer la diffusion de la pandémie au cours du temps, permettant ainsi aux gens d’être mieux traités par le système hospitalier, ce qui réduirait en définitive le taux de mortalité. C’est la courbe bleue sur le graphique 1. Ces politiques, là où elles sont mises en œuvre, ont eu de puissants résultats. Les pays qui ont adopté des mesures drastiques de confinement comme Taïwan, Singapour ou les régions chinoises en-dehors de Hubei, ont vu le nombre de cas croître à un rythme bien plus faible et ils connaissent maintenant un déclin. Clairement, c’est la bonne politique de santé publique à court terme.

Supposons que les autorités de santé publique prennent les bonnes décisions, donc que nous soyons sur la courbe d’infections aplatie (en bleu). Quelles sont les implications macroéconomiques ?

Je vais affirmer que, à court terme, l’aplatissement de la courbe d’infections accentue inévitablement la courbe de récession. Considérons la Chine et l’Italie : l’accroissement des distances sociales a nécessité de fermer les écoles, les universités, les entreprises qui ne sont pas essentielles et de demander à la majorité de la population en âge de travailler de rester à la maison. Alors que certains peuvent être capables de travailler à domicile, cela reste une petite fraction de l’ensemble de la main-d’œuvre. Même si le télétravail reste une option, la perturbation à court terme touchant le travail et la vie de famille est importante et elle va réduire la productivité. Bref, la politique de santé publique appropriée plonge l’économie dans un arrêt brusque. Tous les indicateurs venant de Chine, par exemple, mettent en évidence un plongeon dramatique de la production et des échanges.

Dans un monde parfait, les gens s’isoleraient d’eux-mêmes jusqu’à ce que les taux d’infections chutent suffisamment et que les autorités de santé publique donnent le feu vert. A cet instant-là, les moteurs de l’économie repartiraient : les travailleurs retourneraient travailler, les usines seraient relancées, les bateaux pourraient charger leur cargaison et les avions pourraient redécoller.

La première chose à noter est que, même dans ce monde "parfait", les dommages économiques seraient considérables. Pour le comprendre, supposons que, par rapport à une trajectoire de base, les mesures de confinement réduisent l’activité économique de 50 % au cours d’un mois et de 25 % au cours du mois suivant, puis qu’ensuite l’économie retourne à la trajectoire de base. Une telle chute brutale, mais temporaire, de l’activité ne semble pas irréaliste lorsque l’on voit qu’une majorité de la main-d’œuvre est actuellement confinée à domicile dans des endroits comme l’Italie ou la Chine. En fait, nous pouvons anticiper un processus bien plus fastidieux.

Pourtant, ce scénario délivrerait toujours un sacré coup aux chiffres du PIB, avec un déclin de la production annuelle de l’ordre de 6,5 % par rapport à l’année précédente. Si l’on étend le confinement un mois supplémentaire, le déclin de la production annuelle (relativement à l’année précédente) atteint presque 10 % !

Comme de nombreux économistes l’ont souligné, l’essentiel de ces pertes en PIB ne sera jamais rattrapé, donc il est raisonnable de supposer un retour à la trajectoire de base, plutôt qu’un essor ultérieur de l’activité au-delà de celle-ci, bien que l’on puisse s’attendre à un rebond post-récession des achats retardés de biens durables. A titre de comparaison, une chute de la croissance de la production aux Etats-Unis au cours de la Grande Récession de 2008-2009 était d’environ 4,5 %. Nous sommes sur le point de connaître une contraction de l’activité qui éclipse la Grande Récession.

Pourquoi les chiffres sont-ils plus élevés aujourd’hui ? Pour le dire rapidement, même au pic de la crise financière, quand l’économie américaine détruisait des emplois au rythme de 800.000 emplois par mois, la grande majorité des travailleurs était encore employée et travaillait. Le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint un pic de "juste" 10 %. Par contraste, le coronavirus crée une situation où, pour un bref instant, 50 % des travailleurs, voire plus, peuvent ne pas être capables d’aller travailler. L’impact sur l’activité économique est donc bien plus important.

Pourtant, c’est le scénario "optimiste". Nous ne visons pas dans le "monde parfait" décrit ci-dessus. Une contraction de cette magnitude enverrait des vagues de chocs à travers l’économie qui pourraient occasionner de sérieux dommages. Si les chocs ne sont pas efficacement gérés, le coût économique pourrait être bien plus large et bien plus durable.

Une économie moderne est un réseau complexe de parties interconnectées : salariés, entreprises, fournisseurs, consommateurs, banques et autres intermédiaires financiers, etc. Chacun est le salarié de quelqu’un, un client, un prêteur, etc. Un arrêt brusque comme celui décrit ci-dessus peut facilement déclencher des événements en chaîne, alimentés par des décisions individuellement rationnelles, mais collectivement catastrophiques.

(…) Les acteurs économiques prennent des décisions individuelles qui amplifient et précipitent une plus sévère chute de l’activité économique. Les consommateurs isolés peuvent avoir de moindres opportunités pour dépenser. Face aux incertitudes à propos des perspectives économiques futures, une réaction commune consiste à réduire davantage les dépenses. Une telle réaction réduit davantage les recettes des firmes, même sur les stocks courants. Face à la baisse de la demande pour leurs produits (dans certains secteurs tels que le loisir, le voyage ou le divertissement, la demande risque même de presque totalement s’écrouler), les entreprises vont vouloir réduire leurs coûts, licencier du personnel pour éviter une faillite. Les banques, avec un portefeuille aux prêts non performants toujours plus nombreux, vont naturellement chercher à moins prêter, assombrissant davantage les perspectives pour le secteur non financier. Les fournisseurs vont exiger d’être payés, etc. La panique ou la perte de confiance ajoutent une nouvelle couche. La conséquence serait une faillite en chaîne des entreprises, avec une hausse subséquente des licenciements et l’accumulation de fragilités financières.

En d’autres termes, un vrai danger est que le virus mute et infecte notre système économique même si nous réussissons à le sortir de notre corps. Sa forme économique n’est certainement pas aussi mortelle, mais elle peut néanmoins provoquer de réels dommages. Les économistes vont reconnaître que le problème dans les deux cas (l’infection et la récession) tient à des externalités : des actions qui sont individuellement parfaitement sensées, mais qui s’avèrent nuisibles au niveau collectif.

L’implication est que l’économie fait face aussi à un problème "d’aplatissement de la courbe". Sans soutien macroéconomique efficace, l’impact de la contraction de l’activité peut être représenté par la courbe rouge sur le graphique 2. Celle-ci représente la production perdue durant une récession brutale et intense, amplifiée par les décisions économiques de millions d’agents économiques essayant de se protéger en réduisant leurs dépenses, en retardant leurs investissements, en réduisant leurs prêts et généralement en se terrant chez soi. Notez l’ironie de la chose : c’est l’isolement qui génère des externalités négatives !

GRAPHIQUE 2 L’aplatissement de la courbe de récession

Gourinchas__severite_d__une_recession_avec_sans_accompagnement_macro.png

Sur le graphique, la zone en bleu représente la contraction de l’activité économique, si nous pouvons prévenir toute "infection économique" additionnelle, c’est-à-dire limiter la perte d’activité économique à la production perdue durant la période de confinement. Comme je l’ai déjà dit, c’est probablement un grand chiffre négatif. La ligne rouge (et la zone additionnelle en rouge) représente la perte additionnelle d’activité économique une fois que l’économie elle-même a été "infectée" et que les divers cercles vicieux et mécanismes décrits ci-dessus se mettent en œuvre.

Les mesures qui aident à résoudre la crise sanitaire peuvent aggraver la crise économique, du moins à court terme, et réciproquement : une réponse sanitaire plus stricte se traduit par un arrêt économique plus long, une zone bleue plus large. Pourtant, cela a beau ressembler à un arbitrage, ce n’en est pourtant pas un : le chômage versus des vies perdues, il n’y a pas beaucoup de choses à débattre, du moins aux taux d’infection et de mortalité que nous observons. En outre, même si aucune mesure de confinement n’est mise en œuvre, il y aurait de toute façon une récession, alimentée par les comportements de précaution et de panique de la part des ménages et entreprises faisant face à l’incertitude quant à la gestion d’une pandémie avec une réponse inadéquate de la part des autorités en charge de la santé publique.

Heureusement, la politique économique peut agir décisivement pour empêcher des "infections économiques". L’objectif basique ici est aussi d’"aplatir la courbe" et de limiter les dommages économiques à ce qui est inévitable du fait qu’une grande partie de la population soit en quarantaine et ne peut donc participer à la production.

Un système économique moderne (à nouveau, lorsqu’il est bien géré) contient plusieurs sécurités qui sont conçues pour empêcher ou limiter les effondrements catastrophiques de ce type. Considérez-les comme les "unités de soins intensifs, les lits et les ventilateurs" du système économique. En l’occurrence, les banques centrales peuvent fournir de la liquidité en urgence au secteur financier. Les stabilisateurs automatiques (le déclin des recettes fiscales et la hausse des revenus de transfert) contribuent aussi à atténuer l’ampleur des retombées économiques sur les ménages et les entreprises. En outre, les gouvernements peuvent déployer des mesures budgétaires discrétionnaires ciblées ou de plus larges programmes pour soutenir l’activité économique. Ces mesures contribuent à "aplatir la courbe économique", c’est-à-dire limiter les pertes économiques, comme cela est illustré sur le graphique 2.

Il est important de garder à l’esprit ce que la politique économique peut faire et ce qu’elle ne peut pas faire. L’objectif n’est pas et ne peut être d’éliminer la récession. Il y aura une récession, elle sera massive, mais espérons-le de courte durée. La priorité est de court-circuiter tous les cercles vicieux et canaux de contagion qui risquent d’amplifier de choc négatif.

Si elle n’est pas contenue, la récession menace de détruire le réseau complexe de liens économiques qui permet à l’économie d’opérer et cela prendrait du temps à le réparer. De ce point de vue, la priorité devrait être : (a) de s’assurer à ce que les travailleurs puissent restés employés (et percevoir leur salaire), même s’ils sont en quarantaine ou forcés de rester chez eux pour s’occuper de personnes dépendantes. L’assistance au licenciement temporaire est une composante clé. Sans elle, il n’est pas certain que les recommandations de santé publique puissent être suivies. Les ménages doivent être en mesure de faire des paiements basiques (loyers, factures d’énergie, remboursement de prêt, assurance) ; (b) de s’assurer que les firmes puissent essuyer la tempête sans faire faillite, avec des conditions d’emprunt plus accommodantes, et si possible une exonération temporaire des impôts ou des cotisations sociales, une suspension du remboursement des prêts ou la fourniture d’une assistance financière directe si nécessaire ; (c) de soutenir le système financier comme les prêts non performants vont augmenter, afin de s’assurer à ce que la crise économique n’entraîne pas de crise financière. Ces mesures vont atténuer, peut-être même éliminer, les mécanismes d’amplification et fortement réduire la sévérité de la récession. (...)

Combien de temps la production restera contenue avant que la taille de la récession ne devienne catastrophiquement large ? De simples calculs indiquent qu’un mois avec une production à 50 % et 2 mois à 25 % coûteraient déjà 10 % de la production annuelle. Deux autres mois supplémentaires à 75 % coûteraient 5 % supplémentaire de la production annuelle…

Cela indique que la bonne stratégie est dynamique. Si l’on reprend le graphique 1, le principal objectif de la politique budgétaire devrait être d’accroître la capacité du système de santé. Relever la ligne horizontale sur ce graphique permettrait de traiter davantage de patients, mais aussi de relâcher les mesures de confinement. Cela bénéficie directement à l’économie, sans dégrader la réponse de la politique de santé publique.

La conclusion est que nous avons besoin d’initiatives ambitieuses en termes de politique publique pour contenir la récession imminente. La bonne combinaison implique de mettre la politique de santé publique en siège conducteur pour limiter la "contagion humaine". Les politiques budgétaire et financière doivent ensuite être utilisées pour gérer le choc subséquent sur notre système économique et empêcher la "contagion économique". Ce n’est pas le moment d’être prudent. »

Pierre-Olivier Gourinchas, « Flattening the pandemic and recession curves », 13 mars 2020. Traduit par Martin Anota

samedi 7 mars 2020

Les répercussions économiques d’une épidémie

« Il y a un peu plus de dix ans, j’ai été approché par certains experts de la santé qui voulaient connaître les répercussions économiques d’une pandémie de grippe. Ils avaient besoin de quelqu’un avec un modèle macroéconomique pour voir les effets d’équilibre général. Dans les années quatre-vingt, j’avais dirigé une petite équipe qui élabora un modèle de l'économie du Royaume-Uni appelé COMPACT et j’ai rejoint ces experts de la santé pour l’utiliser. L’étude a ensuite été publiée dans la revue Health Economics. (…)

L’actuelle épidémie de coronavirus a des caractéristiques différentes de l’épidémie que j’avais étudiée et, je l’espère, il ne s’agira pas d’une pandémie. (En termes de mortalité, il semble que l’épidémie de coronavirus se situe entre le "cas de base" et le "cas sévère" que nous avions étudiés dans notre travail.) Mais je pense qu’il y a des leçons générales à tirer de cet exercice et qui peuvent s’avérer pertinentes si cette épidémie de coronavirus finit par prendre une dimension pandémique. Je souligne que l’une des hypothèses de notre travail était que l’épidémie était une affaire de trois mois et ce que je vais dire dépend de la nature temporaire de l’épidémie.

Il est utile de dire au départ que la conclusion de tout cela, pour moi, est que les conséquences économiques sont secondaires par rapport aux conséquences en termes de santé pour toute pandémie qui a un taux de mortalité significatif (comme semble présenter jusqu’à présent le coronavirus). L’économie est importante en soi et comme un signal pour éviter des mesures drastiques qui n’influencent pas le nombre de morts, mais au-delà de cela il n’y a pas d’arbitrage significatif entre la prévention des morts et la perte de quelques pourcents de PIB pour moins de la moitié de l’année.

Commençons avec l’impact le moins important d’un point de vue économique, en l’occurrence la chute de la production due au fait que des travailleurs tombent malades. C’est l’effet le moins important en partie parce que les entreprises peuvent le compenser, en particulier si la maladie est l’histoire d’un trimestre. Par exemple, ceux qui ont été malades et qui reviennent au travail peuvent faire des heures supplémentaires. Cela va accroître les coûts et peut temporairement accélérer l’inflation, mais la banque centrale ne doit pas pour autant resserrer sa politique monétaire.

Cet impact "direct" de l’épidémie va réduire le PIB de quelques points de pourcentage au cours de ce trimestre. Le chiffre exact dépendra de la proportion de la population qui tombe malade, du taux de mortalité et du nombre de personnes qui n’iront pas travailler pour éviter de tomber malades. L’impact sur le PIB du Royaume-Uni sur l’ensemble de l’année suite à l’épidémie est d’environ 1 % à 2 %, en partie parce que la production après le trimestre d’épidémie est plus élevée, dans la mesure où les entreprises doivent reconstituer leurs stocks et répondre à la demande différée.

Tout cela suppose que les consommateurs qui ne sont pas encore tombés malades ne changent pas de comportement. Pour une épidémie qui se propage graduellement, cela semble peu probable. L’enseignement le plus important que j’ai tiré de cette étude est que l’épidémie risque de ne pas être seulement un choc d’offre négatif. Elle peut aussi constituer un choc de demande négatif qui frappe très durement certains secteurs spécifiques, en fonction du comportement des consommateurs. C’est parce qu’une grande partie de notre consommation aujourd’hui peut être qualifiée de sociale : je fais référence aux choses qui vous amènent à être en contact avec autrui. Des choses comme aller au bar, au restaurant et aux matchs de foot ou encore voyager. D’autres secteurs qui fournissent des services de consommation qui impliquent un contact personnel (par exemple, la coupe de cheveux) et qui peuvent facilement être retardés peuvent aussi être touchés.

Si les gens s’inquiètent tellement à l’idée de tomber malade qu’ils réduisent cette consommation sociale, l’impact économique sera plus sévère que je ne l’ai indiqué jusqu’à présent. En effet, c’est en partie une perte permanente. Peut-être que vous irez un peu plus souvent au restaurant une fois l’épidémie finie, pour rattraper les sorties que vous n’avez pas faites lorsque vous êtes resté cloîtré chez vous, mais il est probable que, sur l’ensemble de l’année, vous alliez moins au restaurant que vous n’aviez l’habitude de le faire. Ce dont j’ai pris conscience quand j’ai réalisé cette étude, c’est à quel point une grande partie de notre consommation est sociale.

C’est pourquoi les plus gros impacts sur le PIB surviennent quand les gens réduisent leur consommation sociale afin de ne pas être contaminés. Cependant, les chutes de la consommation sociale ne sont pas de la même ampleur d’un scénario à l’autre, pour la simple raison que l’offre et la demande sont complémentaires. Si les écoles ferment et si les gens passent plus de temps sans travailler, le choc d’offre s’en trouve accentué, si bien que le choc de demande a moins de marge pour provoquer des dommages. La plus forte chute dans le PIB annuel dans toutes les variantes que nous avons observées était de 6 %.

La politique monétaire ou budgétaire conventionnelle peut-elle compenser la chute de la consommation sociale ? Seulement en partie, parce que la chute de la consommation est focalisée sur des secteurs spécifiques. Ce qui est plus important et ce que nous n’avons pas exploré dans cet exercice, c’est ce qui se passe si les banques échouent à fournir un financement de court terme pour les entreprises faisant face à une chute soudaine de la demande. Les banques peuvent juger que certaines entreprises qui sont déjà très endettées peuvent ne pas être capables de rembourser tout prêt additionnel de court terme, ce qui alimente les faillites d’entreprises durant l’épidémie.

C’est à la lumière de cela que nous devons considérer l’effondrement des marchés boursiers à travers le monde. En termes macroéconomiques, c’est un choc temporaire, donc Martin Sandbu a raison de dire que la réaction récente des marchés boursiers semble excessive. Mais si plusieurs entreprises se retrouvent en difficulté financière en raison d’une chute temporaire dans la consommation sociale, cela implique une hausse de la prime de risque sur les actions, ce qui contribue à expliquer l’ampleur de l’effondrement boursier que nous avons vu. (Cela ne l’explique pas totalement, dans la mesure où l’essentiel de l’impact sera supporté par les entreprises les plus petites qui n’accèdent pas aux principaux indices boursiers.)

Si j’étais à la tête d’une banque central ou d’un gouvernement, j’aurais déjà commence à avoir des conversations avec les banques pour leur indiquer à quel point il faut éviter que les entreprises fassent faillite durant une épidémie. (...) »

Simon Wren-Lewis, « The economic effects of a pandemic », in Mainly Macro (blog), 2 mars 2020. Traduit par Martin Anota

jeudi 27 février 2020

Le coronavirus va-t-il entraîner une récession mondiale ?

« Au début de l’année, le moral économique tendait vers l’optimisme. Certes, la croissance économique avait un peu ralenti en 2019. Le PIB des Etats-Unis avait augmenté de 2,3 % en 2019, contre 2,9 % en 2018. La croissance mondiale était également faible en 2019 : 2,9 % selon les estimations du FMI, contre 3,6 % l’année précédente. Pourtant, il n’y avait toujours pas de récession. Et les prévisions de janvier suggéraient un rebond de la croissance mondiale en 2020.

Une récession mondiale ?


Depuis janvier, de nouveaux événements viennent raviver le pessimisme. Les récessions sont extrêmement difficiles à prévoir et tout économiste un tant soit peu prudent évite de chercher à les prévoir. Mais les probabilités d’une récession mondiale ont fortement augmenté. La raison est la propagation du coronavirus qui est apparu à Wuhan, connu sous le terme plus technique COVID-19.

Les premières évaluations de l’impact économique du virus étaient rassurantes. Les comptes-rendus historiques des autres épidémies similaires, telles que celle du virus SRAS de 2003, sont relativement bénignes : un pays peut subir une contraction de son PIB au cours d’un trimestre (le PIB chinois avait chuté de 2 % au cours du deuxième trimestre de 2003), mais l’impact macroéconomique est limité dans le temps et l’espace. Typiquement, l’économie du pays rebondit rapidement au cours des trimestres suivants, comme les consommateurs rattrapent leurs dépenses et les entreprises s’empressent pour répondre aux commandes en retard et reconstituer leurs stocks. En conséquence, il peut être très difficile de voir un impact sur le PIB d’un pays pour l’année dans son ensemble. Le même schéma s’observe habituellement pour les effets d’une classe plus large de désastres naturels comme les cyclones.

Ce coronavirus apparaît maintenant bien plus problématique que le SRAS de 2003 ou d’autres épidémies passées. Il peut très bien faire basculer le monde en récession. Un critère qu’utilise parfois le FMI pour parler de récession mondiale est une croissance mondiale inférieure à 2,5 %. (A la différence de la croissance dans les pays développés, la croissance mondiale chute très rarement en-deçà de zéro, sauf lors de la Grande Récession de 2008-2009, parce que les pays en développement connaissent une plus forte croissance tendancielle.) Un autre critère est celui de la croissance négative du PIB par tête.

Les choses pourraient être pires cette fois-ci


Ce n’est pas simplement parce que le nombre de morts officiel excède de loin le nombre correspondant de morts pour le SRAS. L’effet économique est susceptible d’être bien plus ample pour plusieurs raisons.

Pour commencer, l’économie chinoise est aujourd’hui bien plus vulnérable. Sa croissance a été significativement plus faible au cours de la dernière décennie qu’au cours des années deux mille. Le passage d’un taux de croissance de deux chiffres à un seul est naturel et s’est jusqu’à présent opéré sans qu’il y ait d’atterrissage brutal de l’économie. Mais des niveaux élevés de mauvais prêts laissent l’économie vulnérable à un choc comme celui actuel. Certains signes suggèrent déjà qu’il y aura un ralentissement brutal de l’activité économique, laissant présager que la croissance chinoise sera bien plus faible que les 6,1 % officiellement annoncés pour l’année dernière.

Ensuite, le virus peut se propager plus amplement à d’autres pays. La Corée du Sud et d’autres pays de la région en ont déjà subi le contrecoup et y ont répondu avec certaines mesures d’urgence. Il n’est pas nécessaire qu’une proportion élevée de la population soit affectée pour qu’une proportion importante d’une économie en soit affectée. L’effet de la contagion tend à être disproportionné (même s’il est compréhensible), dans le sens où les gens qui ne sont pas tombés malades se restreignent de voyager, de dépenser et de travailler, même quand de telles décisions individuelles sont volontaires.

De plus, l’économie mondiale est plus dépendante de la Chine aujourd’hui qu’elle ne l’était en 2003. A cette époque, la Chine représentait seulement 4 % du PIB mondial. En 2020, elle y contribue à 17 % (aux taux de change courants). Avec le développement des chaînes de valeur internationales, la production dans les autres pays peut être affectée par les perturbations des étapes de la production qui sont réalisées en Chine.

Quelles économies sont vulnérables ?


Plusieurs régions du monde sont vulnérables. Les exportateurs de matières premières sont en haut de la liste, dans la mesure où la Chine est leur plus grand client. Il s’agit de l’Australie et d'une grande partie de l’Amérique latine, de l’Afrique et du Moyen-Orient. Les booms chinois en 2003-2008 et 2010 stimulèrent les prix mondiaux des matières premières et le ralentissement subséquent de la croissance chinoise a déjà pesé sur les marchés des matières premières depuis 2015. Même les pays en développement qui n’exportent pas de matières premières sont susceptibles d’être affectés via les canaux financiers, dans la mesure où les investisseurs financiers font soudainement preuve d’une plus forte aversion au risque.

Le Japon a déjà souffert d’une chute de son PIB au cours du dernier trimestre (une chute de 6,3 % en rythme annualisé). Cette contraction résulte de la hausse de la taxe sur la consommation en octobre. Cet effet négatif était aussi prévisible que les effets récessifs des précédentes hausses de la taxe sur la consommation opérées en avril 1997 et en avril 2014. Si en plus les échanges entre la Chine et le Japon s’écroulent, il devient bien probable que ce dernier connaisse une récession, c’est-à-dire au moins deux trimestres consécutifs de contraction du PIB.

L’industrie européenne est vulnérable. L’Europe est bien plus dépendante du commerce (et celui-ci est même plus étroitement lié à la Chine en raison du tissu de chaînes de valeur internationales) que les Etats-Unis. L’Italie a directement été frappée par la contagion virale. L’Allemagne a échappé de peu à la récession l’année dernière, mais elle peut ne pas être aussi chanceuse cette année en l’absence d’une forme ou d’une autre de relance budgétaire. La concrétisation du Brexit pourrait avoir un impact économique négatif sur le Royaume-Uni. (...)

Le marché boursier ne semblait pas trop s'émouvoir des risques associés à la politique commerciale américaine, au coronavirus et ou autre chose, en continuant de grimper au cours des huit premières semaines de cette année. Finalement, le 24 février, il a commencé à chuter, en prenant conscience que le virus s’avère en fait sérieux.

Selon des indicateurs comme les price-earnings ratios, le marché boursier est toujours élevé. Peut-être que les investisseurs financiers se sont trompés. Ils ont correctement souligné qu’une comparaison des rendements boursiers avec les taux d’intérêt indique que le marché boursier n’est pas trop élevé. Mais cela signifie juste que le marché obligataire est encore plus haut que le marché boursier. Les investisseurs financiers peuvent avoir fait preuve d’une confiance excessive après les trois baisses de taux directeur de la Réserve fédérale l’année dernière. Il est évident qu’il n’y aurait pas de marge pour que la Fed baisse de 500 points de base ses taux si l’économie américaine tombait en récession comme elle le faisait au cours des précédentes récessions. Elle ne serait pas capable de nous sauver.

Même si une récession ne se déclarait pas à moyen terme, la politique commerciale de Trump pourrait signaler une rupture de long terme dans l’histoire d’après-guerre, un arrêt définitif d’une ère de six décennies au cours de laquelle le commerce international avait augmenté plus vite que la production mondiale, accompagnant une période historique de prospérité et de paix. Nous pourrions rechercher une nouvelle tendance de découplage vis-à-vis de la Chine en particulier et une démondialisation en général, deux choses presque impensables jusqu’à récemment. Dans ce cadre, le coronavirus ne fait que rajouter de l’huile sur le feu. »

Jeffrey Frankel, « Will the coronavirus lead to global recession? », in Econbrowser (blog), 27 février 2020. Traduit par Martin Anota



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