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Tag - Covid-19

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mardi 19 janvier 2021

Les épidémies érodent la confiance envers les scientifiques



« L’épidémie de Covid-19 rappelle brutalement l’importance de la science médicale. Les vaccins efficaces contre le coronavirus sont développés, approuvés et distribués en un temps record. Les cocktails d’anticorps monoclonaux ont été administrés avec succès à des patients infectés et, notamment parmi eux, le président Donald Trump. Nous pouvons espérer, avec le soutien de la science, que nous parviendrons à laisser la pandémie de Covid-19 derrière nous.

Pourtant, ces avancées se sont produites dans un contexte où beaucoup ont exprimé des doutes quant aux experts et à leurs conseils. Aux Etats-Unis par exemple, The Pew Charitable Trusts fait état d’une baisse séculaire de la part des adultes déclarant avoir une grande confiance envers les individus dirigeant les institutions médicales du pays. Ce part, qui approchait les 60 % du public au début des années soixante-dix, s’élève désormais à environ 40 %. C’est peut-être en partie pour cela que les conseils des experts sur la distanciation physique et le port du masque, basés sur les études scientifiques portant sur la diffusion du virus via gouttelettes et aérosols, ne sont pas pleinement acceptés. Cela nous amène à nous demander s’il y aura une acceptation générale des vaccins contre la Covid-19, vaccins que recommandent les experts.

Mais l’inverse, en l’occurrence la question quant à savoir dans quelle mesure l’expérience même de l’épidémie affectera les attitudes envers la science et les scientifiques, est également importante. Pour éclairer cette question, nous avons examiné l’impact des précédentes épidémies sur la confiance envers la science et les scientifiques. En l’occurrence, nous avons examiné les réponses d’environ 70.000 répondants à l’enquête Wellcome Trust menée dans 160 pays, en liant ces réponses aux données relatives à 47 épidémies et pandémies qui ont affecté 137 pays depuis 1970.

Nous mettons en évidence un impact négatif et significatif de l’exposition à l’épidémie sur la confiance envers les scientifiques. Non seulement cet effet est large, mais il dure aussi pendant plusieurs décennies (…). Il est limité aux personnes qui ont connu l’épidémie dans leurs "années impressionnables" (c’est-à-dire lorsqu’elles avaient entre 18 et 25 ans). Les études réalisées par les psychologues et les scientifiques cognitifs suggèrent que cette étape du cycle de vie (quand les individus "quittent le nid", mais que leur vision du monde n’a pas encire été durablement et irrémédiablement formée) correspond à l’instant où les attitudes sont les plus facilement influencées par l’expérience immédiate. Notre étude suggère que c’est en l’occurrence les membres de ce que l’on appelle la génération Z qui verront leurs attitudes envers les scientifiques et leurs conseils être le plus négativement affectées par l’épidémie de Covid-19.

Curieusement, cette dégradation de la confiance perçue ne touche pas d’autres professionnels de la médecine, comme les docteurs, les infirmiers et les guérisseurs traditionnels. Elle ne se manifeste pas non plus dans les réponses touchant à la confiance envers la science en tant qu’activité. C’est un problème touchant à la confiance perçue envers les scientifiques en tant qu’individus.

La défiance envers les experts scientifiques est un problème. Nos travaux suggèrent que le problème sera encore plus aigu après l’épidémie de Covid-19. Il ne sera pas simple d’y répondre. Au minimum, nos travaux suggèrent que les scientifiques travaillant sur les questions de santé publique et tous ceux travaillant sur la communication scientifique devraient davantage réfléchir à la façon de communiquer avec honnêteté et, en particulier, à la façon par laquelle la génération qui connaît actuellement ses années impressionnables (la génération Z) perçoit cette communication. »

Cevat Giray Aksoy, Barry Eichengreen et Orkun Saka, « Exposure to epidemics and trust in scientists », IZA, 18 janvier 2021. Traduit par Martin Anota



aller plus loin... lire « L’épidémie alimentera la défiance politique de toute une génération »

samedi 19 décembre 2020

Quand l'économie rencontre l'épidémiologie : les extensions du modèle SIR

« Le modèle SIR, développé tout d’abord par Kermack et McKendrick (1927), reste le modèle épidémiologique canonique. Il est naturel que les économistes le choisissent lorsqu’ils cherchent à modéliser les interactions entre les dynamiques économiques et épidémiologiques. Cette brève revue de la littérature présente plusieurs adaptations apportées au cadre SIR de base qui ont été proposées dans les travaux d'épi-macroéconomie réalisés au cours des six derniers mois. Ceux-ci ont toutes été utilisées pour analyser des questions comme les politiques de confinement, les super-propagateurs, l’immunité collective, les capacités hospitalières et la stratégie "test et traçage".

Le modèle SIR canonique

Le modèle SIR répartit la population en trois catégories (ou "compartiments" dans le jargon des épidémiologistes) : les personnes saines (susceptible), les personnes infectées (infected) par la maladie et les personnes guéries de la maladie (recovered). Il modélise le passage de ces individus d’une catégorie à l’autre en utilisant un ensemble de taux de transition qui sont donnés de façon exogène et qui sont liés aux tailles relatives des différents groupes. Et il suppose que la transition ne peut se faire que dans un seul sens (par exemple, les personnes saines peuvent devenir infectées, les personnes infectées peuvent guérir, mais il n’y a pas d’autres passages possibles entre les groupes).

Les modèles épi-macroéconomiques basés sur le modèle SIR modifient ce cadre de base en supposant que ces transitions entre compartiments sont endogènes et sont liées aux décisions économiques des individus (par exemple, en matière de consommation ou d’offre de travail). Ils s’appuient sur un modèle macroéconomique simple pour permettre des effets retour entre les dynamiques pandémiques et la macroéconomie.

Plusieurs articles en épi-macroéconomie utilisent ce modèle SIR de base, soit parce qu’ils veulent générer une simple référence (par exemple, Eichenbaum, Rebelo et Trabandt, 2020), soit parce que l’article se focalise sur autre chose. Au cours des six derniers mois, d’autres auteurs ont enrichi les modèles épi-macroéconomiques en étendant le cadre SIR de plusieurs façons.

L’incertitude sur le statut d’infection

Forsyth (2020) introduit une fiction informationnelle plausible : certaines personnes infectées sont asymptomatiques et d’autres présentent des symptômes ressemblant à ceux du coronavirus, mais ne sont pas infectés par ce dernier. Ce cadre permet de comparer des politiques ciblées sur ceux avec des symptômes par rapport à l’alternative d’un confinement uniforme. La première mesure est moins coûteuse en termes de production, parce que moins d’agents sont isolés, mais il se traduit par une certaine transmission via les agents asymptomatiques. La calibration à partir des données britanniques dans l’article suggère que les mesures d’atténuation réduisent le nombre de décès de 39,1 % au cours de 18 mois. Dans le cadre d’un confinement uniforme, le PIB baisse de 21,4 % en 2020, mais si les politiques sont conditionnées aux symptômes, les pertes en PIB peuvent être réduites sans accroître le nombre de décès.

Variations de "R"

D’autres articles ont relâché l’hypothèse que la probabilité des individus sains d’être infectés est la même d’un individu à l’autre. Cela peut être fait en introduisant une variation soit dans les taux de contact entre personnes, soit dans la probabilité de transmission quand deux individus se rencontrent.

Ellison (2020) utilise les avancées en matière de modélisation épidémiologique des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix pour relâcher l’hypothèse de "taux de contacts uniformes" de deux façons. Premièrement, les agents sont répartis en sous-groupes avec différents niveaux d’activité, ce qui implique différentes probabilités de rencontrer les autres. Deuxièmement, les agents sont davantage susceptibles de rencontrer ceux de leur propre groupe que ceux qui en sont extérieurs. Ellison montre que les paramètres clés relatifs à la population comme les seuils d’immunité collective et le R composite, ne sont pas simplement des moyennes des groupes sous-jacents, mais dépendent de l’éventail et de la distribution des niveaux d’activité au sein de la population. Il montre que R peut décliner plus vite quand les rencontres sont plus hétérogènes et donc les modèles sur les hypothèses de rencontres homogènes peuvent surestimer l’impact initial des mesures de confinement et sous-estimer la vitesse à laquelle le virus peut se propager en l’absence de mesures de confinements.

Holden et Thornton (2020) font varier la probabilité de transmission d’un individu à l’autre en considérant que le taux de reproduction spécifique à une paire d’individu est une variable aléatoire. C’est une façon de modéliser les "super-propagateurs" qui sont bien plus contagieux que la moyenne. Si par "malchance" davantage des individus infectés au départ sont des super-propagateurs, cela accroît le nombre de cas initiaux et a des effets durables comme les cas s’accumulent à partir de cette base plus élevée. Le rôle de la "chance" est bien plus grand aux premiers temps de l’épidémie, quand moins de personnes sont infectées, tandis qu’après "la loi des moyennes" tend à se vérifier et R à converger vers la moyenne de la population. Par conséquent, des populations identiques peuvent présenter des trajectoires épidémiques très différentes simplement du fait de la chance. Dans ce modèle, la politique optimale dépend, non simplement du R moyen, mais étroitement de la proportion de sa distribution qui est supérieure à l’unité. Holden et Thornton montrent que l’efficacité relative des mesures pour réduire la transmissibilité d’un virus (par exemple les masques) versus la réduction des taux de contacts (par exemple les injonctions à rester chez soi) est affectée par la distribution de R.

La décroissance de l’immunité

Dans le modèle SIR canonique, l’immunité est permanente une fois acquise, parce que les agents guéris ne sont pas susceptibles d’être infectés de nouveau. Cette hypothèse peut être relâchée dans le modèle SIRS, où les individus qui sont guéris peuvent perdre leur immunité et se retrouver de nouveau dans la catégorie des personnes susceptibles de tomber malades. Cela suppose que l’immunité peut diminuer dans une certaine mesure, ce qui est cohérent avec certains cas de réinfections au coronavirus (par exemple Tillett et alii, 2020).

Le modèle SIRS de Çenesiz et Guimarães (2020) implique que plus la durée d'immunité est courte, plus il est difficile d’atteindre l’immunité collective et plus longue sera la période de distanciation physique nécessaire. La disparition de l’immunité a un rôle relativement faible au début de la pandémie, parce que les prescriptions en matière de politique sont similaires, qu’importe les hypothèses à propos de la durée de l’immunité. Mais au cours du temps, la différence entre les résultats des deux modèles s’accentue, parce que si l’immunité est permanente le stock d’agents immunisés s’accumule régulièrement. A des horizons plus lointains, même des changements relativement faibles dans la dureté du confinement peuvent avoir de larges implications.

Ils permettent alors d’enrichir les déterminants de l’immunité, notamment en prenant en compte la possibilité que les agents précédemment infectés soient moins susceptibles d’avoir des formes sévères de Covid-19 et considèrent la politique optimale si un futur vaccin est prévu. En l’occurrence, plus l’immunité disparaît rapidement et plus l’arrivée d’un vaccin est éloignée dans le temps, plus l’impact de la disparition de l’immunité sur la politique optimale sera importante, parce que la pandémie dure plus longtemps.

L’ajout de compartiments supplémentaires

Plusieurs travaux ont augmenté le nombre de compartiments entre lesquels la population est répartie, (bien) au-delà des trois compartiments du modèle SIR classique. Et, en permettant d’enrichir les équations de transitions, ils peuvent étudier d’autres possibilités que celle selon laquelle les individus ne peuvent aller que d’un groupe à l’autre selon une séquence précise. Favero (2020) a développé un modèle avec un compartiment pour les patients hospitalisés. Cela permet au modèle de faire des prédictions directes à propos du nombre d’hospitalisations et il permet aussi de prendre explicitement en compte le rôle des capacités hospitalières. Quand les admissions excèdent les capacités, ces patients additionnels ont (…) une plus forte probabilité de mourir parce qu’ils ne peuvent pas être soignés comme les autres. Favero montre que l’ajout de cette contrainte peut expliquer le taux de décès bien plus élevé dans la région de Lombardie en Italie et il montre que les stratégies qui impliquent un plus grand nombre d’infections simultanées sont associées à des taux de mortalité bien plus élevés.

Giordano et alii (2020) développent un modèle qui ajoute cinq compartiments supplémentaires. Certains capturent différentes possibilités pour ceux qui tombent malades, selon qu’ils présentent ou non des symptômes, qu’ils soient détectés ou non. D’autres compartiments sont pour les agents qui sont extrêmement malades et pour deux états finaux où les agents finissent soit par mourir, soit par pleinement guérir. Ce modèle enrichi permet de considérer davantage de paramètres, notamment différents taux de mortalité et une transmission différentielle des cas symptomatiques. Il permet de mieux expliquer les mauvaises perceptions du taux de mortalité et de la vitesse de propagation de l’épidémie. Les auteurs concluent que les mesures de confinement ne peuvent être retirées quand il est possible de tester et tracer à grande échelle et qu’une combinaison des deux outils est nécessaire pour réduire le nombre d’infections.

Mais un surcroît de complexité n’est pas toujours préférable. Roda et alii (2020) ont comparé le modèle SIR avec un modèle SEIR, qui présente une catégorie supplémentaire d’agents exposés, qui ont la maladie, mais qui ne sont pas encore contagieux. Cela crée deux paramètres supplémentaires, gouvernant la période de latence (combien de temps pour que ceux qui tombent malades deviennent contagieux) et la part initiale de la population dans la catégorie exposée. En pratique, il est difficile d’identifier les paramètres empiriquement, parce que le modèle ne peut pas distinguer entre une infection avec une longue période de latence et une faible part initiale ou un brève période de latence et une part initiale élevée. En utilisant les critères d’information d’Akaike, les auteurs concluent que le fait que le modèle SEIR colle un peu mieux aux données que le modèle SIR ne compense pas le gain de complexité qu’apportent ces deux paramètres supplémentaires.

En conclusion

Le modèle SIR originel a bien résisté à l’épreuve du temps. Dans sa forme la plus simple, il est capable de capturer les aspects clés des pandémies et cela en fait un modèle de choix en épi-macroéconomie pour les modélisateurs cherchant à élaborer un modèle économique qui reste simple. En outre, la structure compartimentée permet de la complexifier facilement. Ces extensions permettent d’obtenir d’importantes intuitions à propos des mérites respectifs des différentes politiques de confinement, du rôle des super-propagateurs dans la détermination de la trajectoire d’une pandémie, de la difficulté d’atteindre l’immunité collective, de la contrainte posée par les capacités hospitalières et du rôle des tests et traçages. »

John Lewis, « Covid-19 briefing: extensions to the SIR model », in Banque d’Angleterre, Bank Underground (blog), 30 novembre 2020. Traduit par Martin Anota

samedi 8 août 2020

Covid-19 : quand la macroéconomie rencontre l’épidémiologie

« La crise de l’épidémie de Covid-19 a provoqué un bouleversement dans l’agenda de recherche de la macroéconomie. En son cœur, il y a un ce nouveau champ de recherche que l’on peut qualifier d’"épi-macro" qui combine des modèles épidémiologiques avec des modèles macroéconomiques. Dans ce billet, nous passons brièvement en revue quelques-unes des premières analyses de cette littérature en forte croissance.

Le modèle SIR


Le point de départ pour cette épi-macroéconomie est le modèle compartimenté SIR. Ce modèle épidémiologique de base a trois compartiments (les personnes "susceptible", "infected" et "recovered", soit respectivement saines, infectées et guéries) et il modélise comment les individus passent d’un compartiment à l’autre. Les modèles épi-macroéconomiques étendent ces modèles de deux façons. Premièrement, la diffusion du virus n’est plus supposée être exogène, mais affectée par le comportement des individus, par exemple les consommateurs peuvent ne plus aller au restaurant autant qu’ils le faisaient s’ils craignent d’être infectés en y allant. Deuxièmement, le fait de lien un modèle simple de production et un modèle de consommation avec la progression de la maladie facilite les prédictions de variables économiques. Bien qu’ils soient simples, ces modèles épi-macroéconomiques donnent des résultats qualitatifs avec de claires recommandations en matière de politique publique.

Premier résultat : la distanciation physique volontaire peut générer des récessions larges et persistantes, même en l’absence de mesures imposées par les pouvoirs publics


Eichenbaum, Rebelo et Trabandt (2020a) supposent que les personnes saines sont d’autant plus susceptibles d’être infectées qu’elles interagissent avec les consommateurs et travailleurs infectés. Dans leur modèle, l’épidémie déprime tant l’offre globale que la demande globale, comme les agents réduisent à la fois leur offre de travail et leur consommation pour réduire le risque de contracter la maladie. La probabilité d’être infecté dépend du nombre actuel d’individus infectés. Quand un individu est infecté, cela crée une externalité, comme le stock accru de personnes infectées accroît le risque que les autres soient à leur tour contaminés. Dans une économie décentralisée, les agents n’internalisent pas pleinement l’impact de leurs actions sur le nombre de personnes malades et les agrégats macroéconomiques. Pour cette raison, la distanciation physique volontaire apparaît sous-optimale. Les mesures de confinement optimales sont plus sévères ; elles sauvent plus de vies, mais au prix d’une récession plus forte.

Dans une extension de ce premier modèle, Eichenbaum, Rebelo et Trabandt (2020b) montrent qu’une politique qui utilise les tests pour mettre en quarantaine les personnes infectées a de larges bénéfices sociaux quand les gents sont incertains quant à leur état de santé. Dans le cadre de ce modèle, les agents ne se distinguent les uns des autres qu’en termes de santé (…). Les agents ayant le même état de santé présentent le même profil en termes de consommation, de productivité et de conditions de travail. Les auteurs montrent qu’une politique qui utilise les tests pour mettre en quarantaine les personnes infectées rapporte de larges bénéfices sociaux relativement à des politiques de confinement généralisées comme les confinements. Pour les Etats-Unis, cela implique une réduction de moitié des nombres totaux d’infections et de morts et une baisse d’un tiers de la consommation et du nombre d’heures travaillées. Cependant, les récentes expériences nationales et internationales démontrent que les conséquences économiques d’une pandémie dépendent crucialement de la composition de la main-d’œuvre. Les secteurs qui dépendent de la consommation sociale, par exemple l’hôtellerie, le transport et la vente au détail, sont plus susceptibles d’être pénalisés que les autres. De même, toutes les professions ne sont pas aussi flexibles les unes que les autres pour permettre aux travailleurs de travailler à domicile.

Deuxième résultat : les politiques de distanciation physique ont des effets distributionnels, avec des coûts de premier tour qui sont avant tout supportés par les ménages les plus pauvres


Kaplan, Moll et Violante (2020) observent les effets distributionnels de la pandémie en combinant un cadre nouveau keynésien d’agents hétérogènes (HANK) avec un modèle épidémiologique. Leur modèle présente la même boucle rétroactive entre le risque d’infection et le comportement économique que dans le modèle d’Eichenbaum, Rebelo et Trabandt (2020), mais il distingue les travailleurs en fonction de leurs professions et les secteurs de l’économie. Une importante dimension qu’ils considèrent est l’hétérogénéité du revenu du travail et le montant de richesse liquide parmi les travailleurs. Kaplan et ses coauteurs constatent que les coûts de premier tour de l’épidémie et des politiques de confinement sont avant tout supportés par les ménages pauvres aux Etats-Unis. Les ménages les plus exposés ont aussi très peu de liquidité et ils peuvent ne pas être capables de survivre longtemps sans aide financière. Les auteurs concluent aussi que la récession initialement induite par le confinement est à peine plus grave que celle d’un scénario contrefactuel où le gouvernement ne fait rien. Dans leur modèle, la durée du confinement est cruciale. Seul un long confinement (de 500 jours) peut atteindre une réduction substantielle de morts, parce qu’un confinement plus court produit une seconde vague d’infections.

Troisième résultat : les retraits bénéficient le plus de la mise en œuvre de politiques de confinement et les jeunes travailleurs dans les secteurs "non essentiels" en supportent le plus les coûts


Ce que Kaplan et alii (2020) laissent de côté, c’est le fait que les bénéfices et coûts du confinement peuvent fortement varier selon l’âge. Heathcote et alii (2020) introduisent deux classes d’âge dans un modèle macro-épidémiologique qui part de l’hypothèse que ceux qui ont plus de 65 ans ont 25 fois plus de chances de mourir du coronavirus que ceux qui ont moins de 65 ans. Par conséquent, le confinement produit d’énormes bénéfices pour les personnes âgées. Les plus jeunes paient l’essentiel des coûts du confinement, en particulier ceux qui travaillent dans les secteurs "non essentiels" qui sont forcés de fermer. Heathcote et ses coauteurs quantifient les effets du confinement en termes de bien-être en se focalisant sur deux instruments du gouvernement : la fraction de l’économie qui est délibérément mise à l’arrêt (l’ampleur de l’atténuation) et une taxe sur les travailleurs utilisée pour financer des transferts aux retraités, aux chômeurs et aux personnes tombant malades (la redistribution). Ils montrent que les différents groupes en termes d’âge et d’activité ne préfèrent pas les mêmes politiques. Alors que les personnes âgées veulent un confinement complet et prolongé, les jeunes travaillant pour les secteurs "non essentiels" préfèrent un confinement modeste et court. Un gouvernement maximisant le bien-être social utilitariste opte pour un compromis, en prenant une trajectoire intermédiaire pour l’atténuation. Cela éclaire les désaccords actuels parmi la population sur la date de fin du confinement.

Quatrième résultat : la distanciation physique génère une "externalité d’infection" positive qui contribue à isoler les travailleurs dans le secteur cœur de l’économie


Bodenstein, Corsetti et Guerrieri (2020) remettent en cause l’idée communément admise qu’il y a un arbitrage entre la santé et les coûts sociaux et économiques de la pandémie en construisant un modèle qui combine une structure en deux secteurs avec un environnement SIR standard. La partie macroéconomique du modèle présente un secteur cœur qui produit des intrants intermédiaires qui ne sont pas facilement remplaçables par le secteur périphérique. L’étude constate que, en l’absence de distanciation physique, le pic élevé d’une infection peut provoquer de larges coûts économiques initialement en termes de production, de consommation et d’investissement. Par conséquent les mesures de distanciation physique qui encouragent les travailleurs dans les professions du secteur périphérique à travailler à domicile sont efficaces pour réduire le coût économique de la pandémie : cette politique contribue à contenir l’expansion du nombre d’infections en réduisant les contacts avec les travailleurs dans le secteur cœur. Donc, la distanciation physique a une "externalité d’infection" positive qui aide à réduire le risque que les travailleurs dans le secteur cœur tombent malades. Cela contribue à freiner la propagation de la maladie.

Ultimes réflexions


Ces modèles peuvent être utilisés pour quantifier les coûts et bénéfices des politiques alternatives et leurs conséquences distributionnels (sujettes à l’incertitude quant aux paramètres épidémiologiques et les spécifications des modèles). Ces premiers travaux sont déjà intégrés dans des modèles plus sophistiqués. Alors que ces premiers efforts visant à capturer les interactions complexes entre épidémiologie et macroéconomie se focalisent sur le court terme, il y a plusieurs questions très importantes auxquelles il faut répondre ; elles concernent notamment les effets à plus long terme de la pandémie sur la productivité, le chômage et les politiques monétaire et budgétaire. »

Cristiano Cantore, Federico Di Pace, Riccardo M Masolo, Silvia Miranda-Agrippino et Arthur Turrell, « Covid-19 briefing: epi-macro 101 », in Bank Undergroung (blog), 7 août 2020. Traduit par Martin Anota

mercredi 29 juillet 2020

La macroéconomie après le confinement

« Dans le sillage du confinement adopté pour contenir l’épidémie de Covid-19, les responsables de la politique macroéconomique ont eu à faire face non seulement à la contraction immédiate de l’économie, mais aussi aux conséquences macroéconomiques de moyen et long termes. Au cours des quatre derniers mois, la littérature sur ces sujets s’est rapidement développée. Ce billet passe en revue la littérature qui considère les canaux via lesquels le choc affecte l’économie et les options qui s’offrent à la politique macroéconomique pour faire face aux répercussions, en prenant comme donné le choc provoqué par le virus et le confinement.

Les variables de flux réels (demande et offre de biens)


Guerrieri, Lorenzoni, Straub et Werning (2020) affirment que, malgré le fait que le confinement ait initialement été un choc d’offre négatif (donc inflationniste) en empêchant certains types d’entreprises de produire, les effets ultérieurs s’apparentent à ceux d’un choc de demande négatif (donc déflationniste) sous deux conditions. La première est l’existence de complémentarités de demande entre les secteurs (si les salles de sport ferment, la demande de vêtements de sports diminue) et la seconde est l’assurance imparfaite (les entraîneurs sportifs qui perdent une partie de leur revenu vont moins dépenser). Fornaro et Wolf (2020) présentent un modèle avec des cercles vicieux entre l’offre et la demande associés aux esprits animaux et aboutissent à des conclusions similaires. Baquee et Farhi (2020) affirment qu’il doit aussi y avoir un choc de demande agrégée (touchant par exemple à la confiance) en plus du choc d’offre pour expliquer l’évolution de l’inflation observée aux Etats-Unis. Cependant, ces arguments dépendent de modèles qui font abstraction des canaux de transmission des chocs passant par les bilans. C’est problématique dans la mesure où les cercles vicieux entre actif et passif, les faillites et la contagion financière sont susceptibles d’amplifier les chocs. Cette vue est en phase avec Stiglitz (2015) qui affirme que la dépendance vis-à-vis des modèles basés sur les flux, sans rôle pour le crédit, avait contribué à la crise de 2008 et à la réponse initialement inadéquate adoptée face à celle-ci.

Les bilans (la demande et l’offre d’actifs financiers)


La littérature sur les effets de la crise du coronavirus sur les bilans est encore balbutiante. Danielsson, Macrae, Vayanos et Zigrand (2020) affirment que le principal canal pour une crise systématique n’est pas l’amplification partant du secteur financier, mais les faillites en chaîne dans le secteur commercial, et que sa gestion n’est pas le domaine de la seule politique monétaire. Perotti (2020) affirme que l’illiquidité dans le système bancaire parallèle (shadow banking) est une autre source de vulnérabilité dans la mesure où elle contribue à ce que les pertes d’un pan de l’économie se répercutent sur le secteur bancaire. Danielsson et ses coauteurs (2020) affirment que les secteurs bancaires dans les principales économies devraient être suffisamment résilients pour faire face à ces pertes, mais cela dépendra en définitive de l’ampleur des pertes subies et du montant de pertes que les autorités budgétaires supporteront.

La politique monétaire


De Grauwe et Ji (2020) affirment qu’en périodes d’incertitude extrême, la politique monétaire réalise de meilleures performances lorsqu’elle répond seulement à l’inflation courante et non aux prévisions d’inflation, qui sont peu fiables. Bien qu’ils utilisent un modèle d’esprits animaux, ce point mérite d’être considéré par les modèles DSGE standards des banques centrales.

Pour les banques centrales dont les taux directeurs sont déjà proches de zéro, Lilley et Rogoff (2020) ont récemment plaidé de nouveau en faveur des taux directeurs négatifs lorsque les marchés ne croient plus que l’assouplissement quantitatif (quantitative easing) suffise pour maintenir l’inflation à sa cible. Cependant, la littérature empirique, notamment l’étude de Heider, Saidi et Schepens (2019), constate que les banques commerciales ne poussent généralement pas en territoire négatif les taux qu’elles offrent aux déposants, si bien que les taux directeurs négatifs compriment les marges d’intérêt nettes des banques et donc leur volonté de prêter. C’est formalisé dans le modèle de Kumhof et Wang (2020), où l’insuffisante volonté de prêter se traduit par une création monétaire insuffisamment forte pour soutenir un niveau adéquat d’activité économique réelle.

La politique budgétaire


Une littérature récente étudie les interactions entre la politique budgétaire et la politique monétaire. S’appuyant sur la théorie fiscale du niveau des prix, Bianchi, Faccini et Melosi (2020) affirment que les politiques budgétaire et monétaire ne peuvent être pleinement distinguées l’une de l’autre. Les auteurs proposent un Budget d’urgence séparé qui ne contiendrait pas de dispositions pour l’équilibre budgétaire à long terme, accompagné par une réponse de la banque centrale qui tolérerait l’inflation résultante, qui réduirait alors le ratio dette publique sur PIB au cours du temps. Hagedorn et Mitman (2020) affirment aussi que les politiques budgétaire et monétaire ne peuvent être pleinement séparées, en se basant cette fois-ci sur un modèle nouveau keynésien à agents hétérogènes (HANK). Ils proposent à ce que le Trésor finance les hausses de dépenses via des hausses permanentes plutôt que temporaires de la dette pour générer de l’inflation. Les implications en termes de politique économique sont très similaires à celles de Bianchi et alii. Un important problème dans le modèle de Hagedorn et Mitman est l’hypothèse selon laquelle les ménages sont indifférents entre les IOU émis par le Trésor et ceux émis par la banque centrale. Le problème est que les ménages ne peuvent détenir le principal IOU de la banque centrale, en l’occurrence les réserves.

Le financement du supplément de dépenses publiques peut se fonder sur l’endettement ou sur l’émission de monnaie. Diverses analyses ont récemment considéré des variantes de financement par endettement. Goodhart et Needham (2020) affirment que le gouvernement doit émettre des des obligations perpétuelles attractives aux investisseurs particuliers, de façon à maintenir les taux d’intérêt à un faible niveau. De même, Vihriälä (2020) affirme que la BCE doit échanger la dette souveraine de court terme existante dans ses bilans contre des obligations perpétuelles à faible taux d’intérêt. Corsetti, Erce et Pascual (2020) affirment que le Fonds de reconstruction européenne (European Recovery Fund) doit prêter à très long terme, tout en se finançant à court terme pour profiter des taux d’intérêt de court terme encore plus faibles. Bien sûr, cela ne maintiendrait pas les taux d’intérêt actuels de court terme à un faible niveau. Bordignon et Tabellini (2020) affirment que le Fonds doit être doté de sources de recettes fiscales propres à l’UE.

Le financement par endettement peut rencontrer des limites. Pour le Royaume-Uni, Pacitti, Hughes, Leslie, McCurdy, Smith et Tomlinson (2020) montrent que, si la politique budgétaire post-coronavirus dépendait exclusivement de l’emprunt, le supplément de dette créerait une vulnérabilité à une hausse des taux d’intérêt. Pour cette raison, Gali (2020) a plaidé en faveur d’une relance budgétaire financée par création monétaire (la "monnaie-hélicoptère") par laquelle la banque centrale prêterait des réserves au gouvernement et effacerait immédiatement le prêt, le gouvernement dépensant alors cette monnaie. Des arguments similaires ont été avancés par Gurkaynak et Lucas (2020), Blanchard et Pisani-Ferry (2020) et Reichlin, Turner et Woodford (2013).

Cependant, une inquiétude à propos de la monnaie-hélicoptère, ignorée par les analyses citées ci-dessus, est que la monnaie nouvellement crée doive être intermédiée par le système bancaire. Il peut alors être nécessaire de créer des mécanismes qui soutiennent la monnaie-hélicoptère. Une option consiste à soutenir le prêt bancaire, soit directement en s’assurant que les banques aient une marge d’intérêt nette suffisante (Kumhof et Wang, 2020), soit via d’autres incitations de la banque centrale pour soutenir le prêt bancaire, par exemple le Term Funding Scheme de la Banque d’Angleterre. L’autre option consiste à réaliser des distributions directes de monnaie centrale aux agents non bancaires qui ne soient pas intermédiées par les banques, comme le suggérait Friedman (1948). L’incarnation moderne de cette idée est la monnaie digitale de la banque centrale, comme dans Barrdear et Kumhof (2016). Avec celle-ci, les ménages et les entreprises détiendraient directement des passifs de banque centrale plutôt que des passifs de banques commerciales, et la quantité de ces passifs serait par conséquent sous le contrôle direct de la banque centrale. (…) L’un des avantages de la monnaie digitale de banque centrale relativement au prêt bancaire est qu’elle n’accroît pas l’endettement du secteur privé.

La politique macroprudentielle


La politique macroprudentielle doit accompagner les politiques monétaire et budgétaire pour limiter l’effondrement économique. Drehmann, Farag, Tarashev et Tsatsaronis (2020) résument la gamme d’outils qui sont actuellement à la disposition des autorités macroprudentielles et ils estiment que les banques doivent avoir la possibilité d’utiliser les coussins de liquidité et de capital pour davantage prêter à l’économie réelle. Aikman (2020) passe en revue le développement de ces outils autour du monde, notamment la généralisation des assouplissements de coussins de capital contracycliques et un relâchement plus ad hoc d’autres règles. Acharya et Steffen (2020) affirment qu’une baisse extrême des engagements de crédit par les sociétés emprunteuses pourrait faire passer le ratio Tier 1 de plusieurs banques sous le minimum réglementaire. Les régulateurs doivent par conséquent limiter les versements de dividendes et les rachats d’actions. Angeloni (2020) souligne le rôle crucial du soutien public au système bancaire, notamment la suspension des normes prudentielles, les garanties d’actifs et la propriété publique, pour faciliter le retour de l’économie réelle à la normale.

Conclusion


Les répercussions du choc du coronavirus vont affecter plusieurs secteurs de l’économie et ce de manières difficilement prévisibles. Cependant, à la différence de la période qui a suivi la crise financière de 2008, la plupart des effets directs sont susceptibles de survenir en dehors du secteur financier. Cela explique pourquoi une très grande partie des nouvelles études s’est jusqu’à présent focalisée sur la conception et le financement d’interventions budgétaires très ciblées visant à aider les entreprises et les ménages. Il y a néanmoins un risque significatif que l’explosion des faillites finisse par affecter le secteur financier. Une réponse intégrée qui lie les interventions budgétaires aux interventions macroprudentielles et monétaires, notamment les interventions de financement monétaire, doit par conséquent être prioritaire pour les recherches futures. »

Michael Kumhof, « Covid-19 briefing: Post-lockdown macro », Banque d’Angleterre, Bank Underground (blog), 29 juillet 2020. Traduit par Martin Anota



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vendredi 15 mai 2020

La crise du Covid-19 exacerbe les injustices au travail

« Avec la contraction du tourisme, l’économie française a commencé à s’essouffler plusieurs semaines avant le confinement à la mi-mars. Mais comme dans plusieurs pays, le confinement lui-même a généré un choc sans précédent. Selon l’INSEE et l’OFCE, la contraction du PIB pourrait atteindre le niveau sans précédent de 35 %.

Le marché du travail français était déjà caractérisé par un degré élevé de créations-destructions (churning) d’emplois : le nombre d’embauches annuel était égal au stock d’emplois privés. En mars, presqu’un million d’emplois ont disparu, le nombre de demandeurs d’emploi a augmenté de 5 % et les chiffres d’avril seront encore bien plus effrayants, puisque des millions de travailleurs étaient sur des emplois temporaires qui sont à présent expirés. Pour les travailleurs en contrat indéterminé, le choc a été retardé grâce au soutien immédiat et massif du gouvernement aux entreprises. Les petites entreprises ont reçu des liquidités d’urgence et les multinationales ont joui de crédits de douzaines de milliards d’euros garantis par l’Etat. Le programme de chômage partiel est généreux : début mai, les firmes ayant déposé un dossier pour passer en activité partielle embauchaient presque la moitié de la main-d’œuvre privée, même si la couverture effective sera probablement de 25 %. En conséquence, le nombre de faillites d’entreprises atteint actuellement un niveau historiquement bas et c’est susceptible d’être également le cas pour les licenciements.

Le confinement est arrivé tard, laissant le virus se propager en France, en particulier au nord-est. Les retards pris dans la gestion de l’épidémie font qu’il est très difficile de prédire les conséquences sanitaires du déconfinement opéré à partir du 11 mai. Cela contribue à compliquer toute tentative de prévisions relatives au marché du travail français pour les deux prochains trimestres. Mais nous pouvons déjà être certains que les amples secteurs de l’hôtellerie-restauration et de la culture seront fortement pénalisés cet été. Un taux de chômage à deux chiffres est très probable, malgré tout le soutien qu’offre le gouvernement.

Au-delà du chômage, la crise a déjà exacerbé les inégalités entre les travailleurs et entre les régions. La comparaison entre le centre de Paris et le département de Seine-Saint-Denis en fournit une bonne illustration. Environ 20 % de la population parisienne a fui au début du confinement. Les professionnels et dirigeants sont allés dans leur résidence secondaire avec leur famille pour y télétravailler. Par contre, les travailleurs peu rémunérés des activités "essentielles" (services publics, soins à domicile, magasins alimentaires, etc.), résidant en Seine-Saint-Denis, le département métropolitain le plus pauvre, ont continué de travailler sur leur lieu de travail et ont pris les transports en commun sans équipement de protection personnelle, notamment en raison de la pénurie de masques. En outre, le gouvernement a assoupli les réglementations du marché du travail, par exemple en permettant aux employeurs de repousser les congés et vacances. L’obligation des employeurs à fournir un équipement de protection personnelle n’a été imposée que le 11 mai (quand les travailleurs très qualifiés ont commencé à retourner dans leurs bureaux). Il en a résulté un drame humain : pour les deux premières semaines d’avril, la mortalité en Seine-Saint-Denis a quasiment été le triple de celle de 2019.

Les familles (laborieuses) au faible revenu sont aussi étranglées par l’inflation des prix alimentaires, amplifiée par les fermetures d’écoles et de centres de loisir qui fournissaient quasi gratuitement des repas pour leurs enfants. Les queues se sont allongées aux banques alimentaires. Le gouvernement devrait verser une aide financière exceptionnelle (de 100 à 500 euros) pour quatre millions de familles. Il n’est pas certain qu’elle suffise pour éviter que des sentiments d’injustice génèrent des mouvements de protestation au moins aussi importants que les émeutes de 2005 ou les récentes manifestations des gilets jaunes. »

Philippe Askenazy, « The Covid-19 crisis exacerbates workplace injustices », IZA, 14 mai 20120. Traduit par Martin Anota



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